Dans la cité universitaire, le temps semble s’être arrêté. Pas un mouvement. Pas un bruit. Seul le son des doigts de Mansour-Kama sur le clavier de son ordinateur perce le silence. La plupart des étudiants sont rentrés chez eux pour les fêtes. Mais tous n’ont pas les moyens de payer le voyage.
Devant son ordinateur, ce 26 décembre, Mansour-Kama Sane est concentré. "Nous avons beaucoup de travail à rendre début janvier, explique l’étudiant en statistiques, je dois m’avancer dans les projets".
Dans sa petite chambre, pas de guirlande, ni de sapin, et pourtant, c'est là qu'il passe toutes les fêtes de fin d’année. Dans la cité U.
Des billets d'avion difficiles à faire rentrer dans le budget
"Les billets d’avion sont un peu chers, commence-t-il prudemment. Avant d’enchaîner aussitôt. Enfin, ils sont très chers ! Je n’ai pas les moyens de payer un aller-retour. C’est un peu compliqué pour un étudiant qui n’a que sa bourse pour survivre et même avec un petit boulot, je ne peux pas… Un billet pour Dakar, ça coûte 700 euros, ce n’est pas possible !"
Comme Mansour, Abdou, étudiant en Master 2 de géographie, est resté là. Cela fait deux ans et demi qu'il n'a pas vu sa famille et son pays, le Sénégal. "Les billets sont chers", regrette-t-il aussi.
"Chez moi, c'est cher et c'est aussi très loin, ajoute Apurva Darda. La jeune femme étudie le Management à Rennes depuis septembre. Pour rentrer en Inde, il faut 16-17h de vol. Pour des vacances de 15 jours, ce n'est pas possible." Elle devra patienter jusqu’à cet été pour retrouver les siens.
700 000 étudiants boursiers en France
En France, quelque 700 000 étudiants bénéficient d’une bourse sur critères sociaux. "Ils ont souvent des difficultés pour financer les billets de train et encore plus d’avion pour rentrer chez eux, constate Nathan Guillemot, membre de l’Union Pirate de Rennes 2 et vice-président de l’université de Rennes 2. Ils ont souvent entre 5 et 600 euros pour vivre par mois, alors ils ne peuvent pas se payer un vol vers le Sénégal ou le Maroc."
🔴 2650€
— L’Union Étudiante (@unionetudiante_) August 21, 2024
C'est ce qu'on doit payer quand on est étudiant en 2024 en plus par rapport à 2017. Et tout ça c'est à cause de Macron : inflation, baisse des aides, hausses des frais d'inscription, des loyers, etc.
Alors il est urgent qu'on se mobilise pour un revenu d'autonomie ! pic.twitter.com/PJxfKnTNxw
Des étudiants loin de chez eux
"Ma famille me manque beaucoup, reconnaît Mansour-Kama, mais ce sont les contraintes de la vie, il faut s’adapter, c’est un peu frustrant, mais c’est la vie", souffle-t-il philosophe.
Pendant les fêtes, le CROUS a organisé des activités pour que les étudiants puissent quand même passer de bons moments. "On le fait toute l'année et on le fait aussi pendant les vacances, décrit Christelle Nihouarn, directrice de la communication du Crous de Bretagne. "L'idée, c'est qu'ils s'amusent et créent des liens."
"On a été au bowling, à la patinoire, on a fait un escape game, raconte Mansour, et pour Noël, on a fait des jeux, il y avait des bonbons, des chocolats… Pour que les étudiants rient, s’amusent, déstressent un peu."
Au cours des sorties, il a rencontré des étudiants qu’il ne connaissait pas. "C’était chouette", dit-il. Parce que ces jours-ci, sa cité universitaire est quasiment déserte. "La plupart des gens sont rentrés, je ne croise personne." L’avantage, c’est qu’il a accès à la cuisine… "parfois dans l’année, il faut faire la queue pour se faire à manger," dit-il en faisant contre mauvaise fortune bon cœur.
Sur son bureau, il a déposé quelques chocolats de Noël, souvenirs de la soirée. Un peu de sucre en cas de coup dur. C'est bon pour réfléchir et ça fait du bien… Aussi au moral !
(Avec Antoine Calvez)