Masques, tests ou encore risques de contamination, de plus en plus de parents s'interrogent sur le retour à l'école. Certains ont décidé de franchir le pas en faisant l'école à la maison.
Emeline est maman de trois petites filles, de 6 et 4 ans. Cette année, en plus de la casquette de mère, elle endosse celle de professeur. Elle n'envisage pas de remettre ses enfants à l'école. "Ce qui me dérange, c'est que mes enfants soient entourés de personnes portant le masque. Elles ne voient plus les sourires, je ne veux pas qu'elles vivent dans la peur", explique la mère de famille.
Interrogation sur les réseaux
Emeline a lancé un appel sur Facebook, il y a quelques semaines, pour trouver d'autres familles qui ont décidé, comme elle, de faire l'instruction en famille. Et elle n'est pas la seule. Sur les réseaux sociaux, certains parents s'inquiètent des conditions de reprises. "J'ai peur que mes enfants aient à passer des tests Covid ou qu'ils soient éloignés de ses copains", peut-on lire sur certaines publications.D'autres parents appréhendent à l'inverse, la contamination de leurs enfants. "Même s'ils ne sont que des porteurs sains, je crains pour ma santé", explique une maman, considérée comme personne fragile.
La scolarisation étant obligatoire dès 3 ans, ceux qui ont fait le choix d'une " Instruction en Famille " (IEF) doivent déclarer leur situation au rectorat. Après une vérification des aptitudes des parents et de la situation familiale, une inspection est organisée, chaque année.
Du temps et de la pédagogie
Franchir le cap de l'instruction en famille ne se fait cependant pas sur un coup de tête. Ses filles en grande section de maternelle et en CP, Emeline s'est équipée en jeux et activités manuelles. Un tableau "pour faire la maîtresse" devrait arriver d'ici quelques jours."J'ai des puzzles, de la peinture. En grande section, ce sont surtout des activités pour éveiller la motricité par exemple. Pour ma plus grande, j'ai acheté un cahier qui reprend tout le programme afin qu'elle ne soit pas en décalage", explique la maman.
Emeline s'est inspiré des pédagogies Montessori, pour se former à la pédagogie. "J'essaie d'aller au rythme de mes filles, de ne pas les brusquer et d'utiliser mon environnement pour rendre les exercices plus ludiques", explique la mère de famille.
Une situation qui n'aurait pourtant pas été possible sans se dédier complètement à cette activité. "J'ai une formation d'esthéticienne, mais depuis le confinement, je n'ai pas pu reprendre mon activité. Je devais reprendre à la rentrée, mais j'ai préféré me consacrer à mes filles", explique Emeline.
La socialisation en ligne de mire
Aujourd'hui, la jeune maman souhaite trouver d'autres familles dans sa situation, pour que ses enfants puissent sortir du cadre familial. "Je suis dans une association d'école à la maison. Avec d'autres mamans, nous nous retrouvons à la ludothèque ou dans des parcs pour que nos enfants se rencontrent et se sociabilisent", explique Emeline.Cette socialisation est primordiale pour François Dubet, sociologue spécialisé dans les questions d'éducation. "Je pense que les enfants ont besoin de voir d'autres personnes que leurs parents, des gens qui n'ont pas la même culture qu'eux. Les petits ont tout intérêt à voir les autres pour sortir de la bulle familiale, mais cela devient vital pour les adolescents. Quel que soit l'âge, on a besoin de vivre ensemble, de se frotter aux autres et de prendre des coups parfois ! C'est comme ça que l'on se construit", assure le sociologue.
N'est pas prof qui veut
Une situation qui s'est illustrée pendant le confinement : ils ont été nombreux à regretter leurs camarades. "Les élèves ont certes souffert de l'absence de cours de maths, mais, massivement, ce dont ils ont souffert, c'est de ne plus voir les autres. La preuve, ce matin, les enseignants et eux-mêmes étaient contents de se retrouver", précise François Dubet.Si l'instruction en famille semble devenir une véritable alternative, les spécialistes alertent sur les compétences pédagogiques des parents. "Certaines années charnières ne doivent pas être négligées et il n'est pas donné à tout le monde de devenir professeur", avertit François Dubet.
De son côté, Emeline envisage de remettre ses enfants à l'école, "si les protocoles s'allègent et que les masques ne sont plus obligatoires".