Il y a vingt-quatre ans, une bande de gamins, portée par le trio des futurs champions du monde Bixente Lizarazu, Zinédine Zidane et Christophe Dugarry, éliminait le grand Milan en quarts de finale de la coupe UEFA. Avant d'échouer face au Bayern Munich en finale.
Vingt-quatre ans après, les photos ont jauni. Les visages des acteurs et des fans ont vieilli. Mais le souvenir de cette incroyable soirée du 19 mars 1996 au Parc Lescure n'a pas pris une ride. A Bordeaux, comme à Milan, personne n'a oublié ce match entré dans la légende de la coupe d'Europe.
2-0 pour Milan à l'aller
Tout était pourtant contre les hommes de Gernot Rohr. Battus sans discussion au match aller à San Siro deux semaines plus tôt, ils doivent remonter un handicap de deux buts. Face à une formation italienne qui survole la Série A et qui sera sacrée championne d'Italie quelques semaines plus tard, c'est vraiment mission impossible.
Que peuvent vraiment faire les Girondins face aux Baresi, Maldini, Desailly, Weah, Baggio? Sortir la tête haute après une formidable campagne européenne commencée presque neuf mois aurapavant par les premiers tours de la coupe Intertoto. Sans pression, ils se sont offert un stage de préparation sur les plages du Cap Ferret. Décontractés mais déterminés à tout donner.
La suffisance italienne
Pourtant dans un Parc Lescure en furie, il flotte un parfum particulier lorsque les Girondins sortent du tunnel pour l'échauffement. La détermination se lit sur leurs visages, probablement renforcée par l'attitude de leurs adversaires. Très sûrs d'eux, ils ont le sourire et se préparent en toute décontraction. S'ils avaient su...
J'avais les larmes aux yeux à l'échauffement. Nous étions en transe. Il y avait une telle énergie dans le stade. Notre détermination était totale car on avait pris une leçon au match aller. Ce match retour avait été facile à préparer car personne n'imaginait gagner. Et tout a fonctionné. C'est un des meilleurs matchs que j'ai joué
Bixente Lizarazu.
Tholot montre la voie
Bousculés, pris à la gorge par des Bordelais sans complexe, Milan recule.
A la quatorzième minute, le défenseur basque remporte son duel face à Panucci sur son côté gauche. Au bout de son centre, Didier Tholot se jette, rate presque sa reprise du droit mais il ouvre le score. L'attaquant n'a rien oublié :
Les bordelais ne sont plus qu'à un but d'effacer leur handicap du match aller.J'ai un peu de réussite mais on s'en fout car c'est fond! Ce n'était pas le plus beau de ma carrière, mais le plus important oui. On voulait marquer dans le premier quart d'heure pour les faire douter et on l'a fait.
Les 35 000 supporteurs y croient encore plus et rugissent sur chaque action.
Et 1, et 2 et 3-0...
Euphoriques mais solides et disciplinés tactiquement face aux maîtres de la stratégie, les Bordelais réalisent l'impensable peu après l'heure de jeu.
64 ème minute : Christophe Dugarry reprend victorieusement du pied gauche un coup franc de Zinédine Zidane dévié involontairement par le dos de l'arbitre, 2-0.
Six minutes plus tard, Zizou, déchaîné, file aux buts. Puis il décale son ami Duga à l'entrée de la surface italienne. Sans contrôle, ce dernier envoie une mine sous la barre des buts de Ielpo, 3-0 ! Lescure chavire de bonheur. Les joueurs se tombent dans les bras. Dans la tribune de presse, Michel Platini, qui commente le match pour Canal +, est debout. L'exploit majuscule est en marche.
Après un dernier quart d'heure irrespirable et huit minutes d'arrêt de jeu, M.Cakar, l'arbitre turc de ce quart de finale retour, libère tout un peuple.
Un tour d'honneur et des frissons
Debout, Lescure acclame longuement ses héros qui entament un interminable tour d'honneur. K.O par cette incroyable élimination, les Milanais rentrent aux vestiaires la tête basse. Torse nu, Bixente Lizarazu brandit un drapeau basque jeté du virage Sud. Que cette nuit du 19 mars est belle à Bordeaux.
Cela me donne encore des frissons. A l'époque, Milan était la meilleure équipe du monde.
Christophe Dugarry
Après Milan, Prague
L'extraordinaire exploit des Girondins, qui épate l'Europe du football, ne reste pas sans lendemain. En demi-finale, Bordeaux hérite du Slavia Prague. Moins connue que la formation milanaise, l'équipe tchèque est redoutable. Dans ses rangs de nombreux internationaux, comme Poborsky, qui seront finalistes de l'Euro avec la République Tchèque en juin.
A l'aller à Prague, les coéquipiers de Zinédine Zidane s'imposent 1-0 grâce à un nouveau but de son ami Christophe Dugarry sur une offrande de Zizou.
Au retour en Gironde, le 16 avril, rebelote. Nouvelle victoire 1-0, cette fois-ci à l'issue d'un but magnifique en solitaire de Didier Tholot.
Bordeaux est en finale de coupe d'Europe pour la première, et seule, fois de son histoire. L'exploit est historique.
A Munich sans Dugarry et Zidane
L'ultime adversaire est un géant d'Europe: le Bayern Munich et ses stars. De l'entraîneur, l'immense Franz Beckenbauer aux internationaux allemands Klinsmann, Scholl, Matthäus, et français avec Jean-Pierre Papin, c'est un épouvantail.
De plus, les Girondins sont lourdement handicapés lors du match aller. Ils se présentent au stade olympique sans Zidane et Dugarry, suspendus.
A 0-0, Didier Tholot est tout près de marquer une nouvelle fois, après Milan et Prague. Il ne l'a pas oublié :
Le postérieur du gardien munichois change tout. Ensuite, Bordeaux craque et le Bayern s'impose 2-0, buts de Helmer et Scholl.Je pars du milieu de terrain tout seul. Je mets le plat du pied pour glisser le ballon entre les jambes de Kahn. Mais au dernier moment, il l'arrêt avec les fesses.
Pas de deuxième miracle
Au retour, le 15 mai, Zidane et Dugarry reviennent et après Milan, Bordeaux croit à un nouvel exploit. 35 000 supporteurs poussent. Mais le rêve ne dure qu'une demi-heure. Le temps pour Kostadinov, le bourreau des Bleus lors de France-Bulgarie trois ans plus tôt, sèche Bixente Lizarazu. Le basque doit quitter le terrain dès la trentième minute. Un coup dur dont les Girondins ne se remettront pas. L'expérience du Bayern fait le reste. La formation bavaroise s'impose logiquement 3-1et remporte la coupe UEFA.
Après une formidable campagne européenne, Bordeaux ne s'incline qu'en finale après avoir régalé tout le pays. Son trio magique est très courtisé.
A la fin de la saison, Zinédine Zidane signe à la Juventus Turin, Christophe Dugarry au Milan AC et Bixente Lizarazu à Bilbao.
Les trois frères de Bordeaux se séparent pour mieux de se retrouver deux ans plus tard sur le toit du monde avec l'équipe de France.