Syndrome du bébé secoué. "Je m'en voudrai toute ma vie" : huit ans de prison pour l'assistante maternelle

Après avoir nié les faits pendant des années, elle a exprimé ses regrets. Accusée d'avoir violenté un bébé de 6 mois dont elle avait la garde, une assistante maternelle vient d'être condamnée à huit ans de prison par la cour criminelle de la Gironde. L'enfant, aujourd'hui âgé de 7 ans, a des séquelles à vie.

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Elle va passer huit ans derrière les barreaux, et ne pourra plus jamais exercer son métier. Ce mardi 19 décembre se concluait le procès, ouvert lundi 18 décembre, devant la cour criminelle de la Gironde, contre une assistante maternelle, accusée d'avoir violenté un bébé de six mois dont elle avait la garde. L'enfant est aujourd'hui lourdement handicapé.

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Poursuivie pour violences par une personne ayant autorité sur un mineur de moins de 15 ans entraînant une infirmité permanente, elle risquait jusqu'à vingt ans de prison. L'avocat général a requis douze ans de réclusion, et les juges se sont prononcés à la majorité absolue pour une peine de huit ans d'emprisonnement, assortie d'une interdiction définitive d'exercer une activité en rapport avec des mineurs. L'accusée a dix jours pour faire appel de la décision.

Syndrome du bébé secoué

Les faits remontent au 30 mai 2017. Le nourrisson est gardé, comme tous les jours, chez son assistante maternelle. Lorsque ses parents le déposent, il est "souriant" comme d'habitude, quoiqu’"un peu grognon" selon les dires de l'assistante. Mais en début d'après-midi, Séverine et Frédéric reçoivent un appel qui leur glace le sang : leur fils vient d'être hospitalisé, dans un état grave.

À l'hôpital Pellegrin, les examens sur l'enfant révèlent un décollement et des hématomes sous-duraux (entre la dure-mère et le cerveau), ainsi que de nombreuses hémorragies rétiniennes. Très vite, les soignants s'orientent vers le syndrome du bébé secoué.

"C'est moi qui ai commis l'irréparable"

Les soupçons se tournent d'abord vers les parents, puis vers Fabienne T., l'assistante maternelle qui avait en charge l'enfant au moment du drame. Dans ses dépositions, elle a toujours nié être à l'origine des faits, parlant d'un accident de transat qui "passait brutalement d'une position inclinée à une position à plat". Dans son dernier interrogatoire, elle reconnaissait avoir lâché ledit transat à cinq centimètres au-dessus du matelas, entraînée par le poids de l'enfant.

Six ans et demi après, l'accusée est revenue sur sa version des faits. D'abord dans une lettre adressée aux juges, en octobre dernier, où elle écrit : "C'est moi qui ai commis l'irréparable." Puis à la barre, où elle raconte qu'elle suit une thérapie EMDR (thérapie par mouvements oculaires) qui lui a permis de "mettre en lumière des choses passées, notamment ce qui s'est produit le jour des faits".

Je me suis souvenue que c'est moi qui suis à l'origine de ce qui lui est arrivé. Je m'en veux terriblement, et je m'en voudrai toute ma vie.

Fabienne T.

Assistante maternelle accusée d'avoir violenté le nourrisson

Le président lui demande alors si elle a effectivement secoué l'enfant. Après un long silence, l'accusée répond, en larmes : "Oui." Mardi, lors de la deuxième journée d'audience, elle revient à la barre et admet une nouvelle fois avoir secoué l'enfant avec violence, devant la famille en pleurs. "Je m'en veux, je sais que c'est grave, dit Fabienne T. d'une voix brisée. J'étais énervée contre moi-même, j'ai perdu mon sang-froid, une chose qui ne m'était jamais arrivée avant. Je n'ai rien contre ce petit, cela fait six ans que je pense à lui, que je prie pour lui."

En tant que maman, je comprends la douleur des parents. Je regrette profondément mon geste, ça n'aurait jamais dû arriver, ça a détruit des familles.

Fabienne T.

Assistante maternelle accusée d'avoir violenté le nourrisson

Décrite par l'une de ses filles à la barre comme "une mère attentionnée, douce, patiente, qui a toujours aimé s'occuper des petits", l'assistante maternelle parle d'un "acte isolé". Mais quelques mois avant les faits, une enfant lui avait déjà été retirée sur décision des parents. Ils avaient constaté sur leur fille de multiples lésions entre octobre 2015 et novembre 2016, comme des griffures, des bleus ou des saignements aux gencives inexpliqués. Poursuivie pour violences aggravées pour ces faits, l'assistante maternelle a été acquittée.

La crèche publique n'a pas été poursuivie

La crèche publique, gérée par le CCAS de Talence, n'avait pas sanctionné son employée, alors que les parents de la petite fille la soupçonnaient de maltraitance. Trois mois après, en février 2017, le fils de Séverine et Frédéric était placé sous la garde de Fabienne T., sans que les parents ne soient avertis du précédent incident.

Véronique Sanchez, la directrice de la crèche, avait été mise en examen au cours de la procédure pour non-dénonciation de mauvais traitements sur mineurs, mais a bénéficié d'un non-lieu. Entendue comme témoin lundi, elle affirme "ne pas avoir été informée d'autant de choses", et avoir "l'impression d'avoir fait le nécessaire" concernant la surveillance de son assistante maternelle.

60 000 euros de compensation financière

Les parents regrettent que la responsabilité de la crèche ne soit pas sanctionnée, elle aussi, au pénal, comme l'assistante maternelle. Ils reprochent à la directrice de leur avoir dit qu'ils pouvaient confier leur enfant à Fabienne "les yeux fermés". Des propos que Véronique Sanchez a niés à la barre.

Le CCAS de Talence, par l'intermédiaire de la mairie, fait tout de même l'objet de demandes de provisions financières. Elles s'élèvent pour l'instant à 60 000 euros et sont à direction des parents et du frère de la victime. Ces provisions visent à compenser le préjudice causé à l'enfant, dont les séquelles ne sont pas encore chiffrables, du fait de son jeune âge. La cour a demandé que la décision soit mise en délibéré le 15 janvier, le temps de procéder à une expertise médico-légale.

Je ne sais pas si huit ans de prison sont à la hauteur d'une vie complètement gâchée, pour notre fils et pour la famille.

Frédéric

Père de la victime

Après l'annonce du verdict, Frédéric, le papa, préfère parler d'une "satisfaction" plutôt qu'une "victoire", car aucune peine de prison ne peut réparer la vie brisée de son enfant. "Mais cette sanction, c'était quand même très important pour nous. La cour nous a compris, je pense."

Le père de famille salue également une "page qui se tourne enfin". "Six ans et demi, c'est très long, on a beaucoup subi pendant cette procédure, mais maintenant, on pense à l'avenir. On ne pense qu'à notre enfant. La route continue, c'est un combat de tous les jours dans le monde du handicap."

À travers ce procès, les parents souhaitent que leur cas serve de prise de conscience pour l'opinion et les pouvoirs publics. "Il faut mettre en place des garde-fous, estime Frédéric. Quand vous avez votre petit bébé de quelques mois à faire garder, il faut que les parents puissent s'appuyer sur des structures dont ils sont sûrs, ce qui n'a pas été cas pour nous. Il ne faut plus qu'il y ait de cas comme le nôtre, c'est inadmissible !"

Selon Santé publique France, des centaines d'enfants sont victimes du syndrome du bébé secoué chaque année, sans que les cas puissent être recensés dans leur intégralité. Un enfant sur dix en meurt, tandis que les trois quarts en gardent de graves séquelles à vie.

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