Une assistante maternelle doit répondre devant la cour criminelle de Bordeaux ce 18 décembre de violences graves sur un bébé de cinq mois et demi dont elle avait la charge. C'était il y a six ans. Son père a décidé de médiatiser l'histoire qui a bouleversé la vie de son fils et de sa famille, "pour que cela ne se reproduise pas".
Six ans après, le ressentiment est intact et Frédéric souhaite médiatiser son histoire. Celle de son fils qui n'a pas eu la vie, le développement qu'il aurait dû avoir. Celle de sa famille qui a, peut-être aussi pour ça, volé en éclat.
Frédéric commence par donner des nouvelles de son fils, qui a sept ans aujourd'hui. C'est " un enfant heureux qui a de gros déficits intellectuels. Il a subi des violences inouïes à l'âge de six mois. Il se reconstruit à sa manière". Ce petit garçon de sept ans a les capacités mentales d'un enfant de deux ans et dem. Ce retard de développement est conséquent au fait d'avoir été "secoué" dans sa prime enfance.
Deux semaines de coma
Le 31 mai 2017, c'est le jour où tout bascule. " Vers 14 h 30, elle m'appelle". " Elle" c'est l'assistante maternelle à laquelle lui et sa femme ont confié leur bébé. Le père de famille raconte ces minutes insensées. Son fils " a eu un petit souci" explique-t-elle. Il court aux urgences. Les pompiers sont là, arrivent devant lui à l'hôpital. Il dit l'inquiétude face à son " petit bébé dans un grand brancard" dont il ne sait pas ce qu'il adviendra, s'il survivra même. " C'est l'horreur qui commence". Le petit garçon sera durant deux semaines dans le coma.
Vingt-quatre heures plus tard, le CHU de Bordeaux effectue un signalement auprès du procureur. " Il avait de grosses lésions au cerveau, couplées à des hémorragies aux yeux", rapporte Frédéric. Face aux traumatismes qu'a subis le nourrisson, il n'y a pas de doute : c'est le syndrome du bébé secoué. Quelqu'un est donc responsable de son état et l'enquête ne doit occulter aucune piste. Les parents sont entendus, comme la personne en charge de sa garde ce jour-là. Pour le père de famille," la machine judiciaire est en marche : dans un premier temps, on est considérés comme coupables". Des soupçons qui ajoutent de la douleur à la douleur pour le couple, qui est au chevet de son bébé. La machine judiciaire qui "a mis six ans et demi pour aboutir à ce procès", souligne Frédéric.
Récidive ?
Si ce père de famille témoigne aujourd'hui, c'est aussi qu'il estime que l'assistante maternelle est la responsable de l'état de santé de son fils, mais que la structure d'accueil dirigée par le CCAS de la ville de Talence, dans l'agglomération de Bordeaux, porte également une part de responsabilité.
Quand ils cherchaient une garde pour leur enfant en 2017, ils avaient été conseillés par la directrice de la crèche familiale : " une place s'était libérée". Et pour cause. Des signalements avaient précédé le drame. Ils concernaient une petite fille qui aurait subi des violences répétées et que les parents avaient décidé de retirer à ladite assistante maternelle. " C'est pour ça qu'une place s'était libérée !", s'indignent les parents, qui n'avaient pas été mis au courant de ces circonstances.
"Aucun autre parent ne doit vivre ça"
Dans le procès de l'assistante maternelle qui s'ouvre ce lundi 18 décembre, Frédéric et son ex-conjointe se sont portés partie civile, car c'est le CHU qui a émis le signalement et la plainte en 2017.
L'ancienne nounou de leur fils devra répondre de violences pour deux affaires, celle du petit garçon de Frédéric pour " violence aggravée entraînant la mutilation sur un enfant", mais aussi celle de la petite fille dont elle avait la garde précédemment, pour " violences sur mineur".
Pour Frédéric, ce procès et ce témoignage sont importants : "aucun autre parent ne doit vivre ça" mais aussi plus largement pour "sortir de l'omerta autour de la petite enfance". Il considère qu'on est en train de le faire pour les EHPAD et l'encadrement des personnes âgées. Mais que pour la petite enfance, "il y a beaucoup de choses pas claires qui se passent.", assure-il, avant d'exprimer son souhait : que le gouvernement s'empare de ces questions en allant "au-delà d'un numéro vert."