Thomas Cazenave, député girondin et ancien ministre des Comptes publics, a montré sa ferme opposition aux taxes sur le monde viticole récemment envisagées dans le cadre du Budget 2025. Une vision critiquée par les professionnels de l'addictologie, qui plaident pour une taxe sur les boissons alcoolisées ou, a minima, pour le développement de campagnes préventives.
Jusque-là, le secteur du vin a toujours été épargné. Mais le voilà, dorénavant, menacé comme les autres. À l'occasion du projet de loi de finances 2025 et du projet de loi de financement pour la Sécurité sociale, plusieurs mesures de restriction budgétaire et de hausse de taxes sont envisagées. Le secteur viticole, représentant quelque 60 000 exploitations, s'y oppose fermement et peut compter sur le soutien de certains politiques.
Dans les colonnes du journal Le Monde, Thomas Cazenave, député de Gironde et ancien ministre des Comptes publics s'est opposé à de telles mesures, notamment pour ce secteur aussi présent dans sa circonscription électorale. "Je ne suis pas favorable à l’augmentation de la fiscalité sur le vin, il y a d’autres leviers de santé publique", a-t-il confié. Une réaction qui ne passe pas chez les professionnels de l'addictologie, à l'image de Jean-Michel Delile, ancien président du Comité d’Étude et d’Information sur la Drogue et les Addictions.
Comment analysez-vous la possible hausse des taxes sur le vin ?
Avec le budget 2025, on voit que l'État est à la recherche de ressources. Il fait flèche de tout bois et s'oriente vers les sucreries, les jeux et les boissons alcoolisées. Se diriger vers les taxes comportementales n'est pas anodin. Elles sont souvent envisagées puisqu'elles fonctionnent plutôt bien comme le montrent les résultats avec le tabac. Toutefois, les principaux concernés et certains politiques sont inquiets, à mon avis, que la filière ne se casse.
Comment analysez-vous le discours du député Thomas Cazenave ?
Ce parti pris n'est pas nouveau, il répond à une logique électorale. Mais au fond, cela se comprend. Les politiques locaux ont des liens étroits avec les viticulteurs et certains sont même issus de familles de vignerons. Il est implanté en Gironde, territoire connu et réputé pour son vin. Je pense que c'est aussi un moyen pour lui de ne pas se confronter à l'opinion majoritaire et de se ranger du côté de la masse. En plus, le vin est une filière presque affective, culturelle. Je le sais bien puisque je suis bordelais.
Comment se fait-il que le vin a presque toujours été épargné ?
En France, il y a toujours eu des réticences à taxer les produits liés à l'alcool. Pourtant, après le tabac, l'alcool est quand même la deuxième cause de mortalité évitable en France, avec près de 41 000 décès par an. La différence de traitement tient en deux raisons : il est plus facile de taxer le tabac puisqu'il n'est plus fabriqué en France et que les consommateurs sont presque tous dépendants. À l'inverse, le vin est fabriqué en France et le consommateur reste en grande majorité un buveur occasionnel.
Une taxe permettrait-elle de diminuer l'addiction ?
Les effets des taxes sur le vin ne sont pas encore connus, même si plusieurs études sont en cours. La seule action sur le vin qui ait pu porter ses fruits aujourd'hui est l'instauration d'un prix minimum. En Ecosse et en Irlande par exemple, où elle est en vigueur, on voit qu’elle protège les jeunes et les personnes à risque, comme les marginalisés sociaux. C'est d'ailleurs une mesure que plusieurs associations et fédérations ont défendue l'année dernière, mais qui n'a pas été adoptée par le corps législatif. Il faut l'essayer.
Quelles solutions voyez-vous, autre que les taxes ?
Il faut développer les campagnes de prévention positives, comme celle du "Dry january" où les consommateurs sont invités à ne pas boire au mois de janvier. Et elles rencontrent un franc succès. Rien que l'année dernière, près de 5 millions de personnes l'ont testée. Elles ne sont pas stigmatisantes et permettent de se rendre compte de sa consommation d’alcool. Malheureusement, elles ne sont pas portées par les pouvoirs publics, c'est un mouvement qui vit uniquement grâce aux associations. À défaut de taxer le vin, les politiques devraient au moins soutenir ces initiatives.