TÉMOIGNAGE : "Je regrette de n'avoir pas pu sauver plus de personnes". Le chauffeur du car de Puisseguin se confie après des années de silence

Alors que la Cour d'appel de Bordeaux décide, ce jeudi 2 mars, de rouvrir le dossier d'instruction sur la collision qui avait fait 43 morts en octobre 2015 à Puisseguin en Gironde, David Daubigeon, le chauffeur du car nous raconte pour la première fois son traumatisme et ses années de combat contre les assurances. Et pourquoi il se sent comme un fantôme aux yeux de certains.

Il a réussi à sauver sept passagers de son car. 41 autres sont décédés à bord du véhicule, quelques instants après avoir été percutés par un semi-remorque dont le chauffeur et son fils ont eux aussi perdu la vie.

Ce terrible matin du 23 octobre 2015, sur la petite route départementale à l'entrée du village de Puisseguin, David Daubigeon le revit chaque jour depuis bientôt huit ans. Huit ans d'angoisses. Huit ans aussi de bataille avec les administrations et les assurances.

Voir son témoignage recueilli par France 3 Aquitaine

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Le témoignage de David Daubigeon, chauffeur du car de Puisseguin ©France 3 Aquitaine

"Je me suis dit : je ne vais pas mourir dans les flammes"

A chacune de ses réponses, on perçoit un homme à fleur de peau. Il se souvient de la chaleur des flammes face à lui, d'une boule de feu de 2 mètres de diamètre. Et du silence qui envahit les lieux.

Ma jambe était coincée sous le tableau de bord. Quand je me suis rendu compte que j'étais en vie, je me suis dit : je ne vais pas mourir dans les flammes

David Daubigeon

à France 3 Aquitaine

David réussit à ouvrir la porte avant du car, puis celle à l'arrière. Mais très vite, la fumée envahit tout le véhicule. Il dégage d'abord cinq retraités, puis repart à l'avant du véhicule pour sortir une femme blessée qui hurle. Il finira par extirper un dernier passager alors que la fumée dépasse déjà l'assise des sièges.

Je regrette de n'avoir pas pu sauver plus de personnes. Mais je le répète : elles ne sont pas mortes brûlées mais asphyxiées par la fumée toxique qui a envahi mon car.

David Daubigeon

"Je suis devenu un fantôme"

Aujourd'hui, David Daubigeon sort de son silence pour partager sa douleur et pour raconter "tout le mépris" de l'Etat.

Je mène un combat depuis 7 ans et demi contre l'assurance Axa et contre l'Assurance maladie. Un moment donné, faut arrêter!

On ne m'a jamais contacté depuis l'accident. Jamais. Que ce soit l'Etat, les enquêteurs, peu importe. Jamais! Je suis en fait devenu un fantôme pour eux.

David Daubigeon

à France 3 Aquitaine

David Daubigeon se confie ce jeudi 2 mars, au moment même où la Cour d'appel de Bordeaux  décide de relancer l'enquête pour comprendre ce qu'il s'est passé à Puisseguin. De nouveaux magistrats instructeurs seront nommés, comme le réclamaient les parties civiles. Avec l'espoir d'un procès pour les proches des victimes.

La chambre de l'instruction infirme l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction de Libourne en octobre 2021. La justice avait alors conclu que la vitesse excessive du chauffeur de poids lourd était seule responsable. 

"Je ne suis pas un héros"

Hanté par ce passé, meurtri par des années de silence des autorités et de bataille judiciaire pour obtenir une indemnisation de 900 000 euros de l'assureur Axa, David Daubigeon explique qu'il a coupé les ponts avec tout le monde : 

Je n'ai plus contact avec personne. C'est devenu pour moi un danger. Ce ne sont pas les gens, le danger. C'est la pression sociétale. Eux, ils vivent leur monde. Moi, je ne suis plus dans ce monde-là.

David Daubigeon

à France 3 Aquitaine

Je ne suis pas un héros. Les gens me disent, David, t'as vu ce que tu as fait, quand même. Oui, mais pour moi c'est normal.

"Je ne suis pas un héros. Les gens me disent, David, t'as vu ce que tu as fait, quand même. Oui, mais pour moi c'est normal.", poursuit-il.
Entre deux sanglots, celui qui a vécu l'horreur à Puisseguin, puis des mois seul chez lui avant des années de combat judiciaire, confie qu'il va porter ce drame toute sa vie.

Fustigeant le manque de reconnaissance du pays pour toutes les victimes de ce genre de traumatismes, il avoue que son seul bol d'oxygène aujourd'hui, c'est la nature. Ce sont aussi les balades sur les plages en bord d'océan au Cap Ferret où, enfant, il passait les vacances.

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