Licenciés au SAM de Mérignac, en section gymnastique, Olivia et quatre autres garçons s’apprêtent à faire leur rentrée en sixième. Mais pour ces athlètes, le collège pourrait bien sonner comme l’arrêt de leur carrière prometteuse. Ils ont tous été refusés du seul établissement adapté à leurs entrainements.
La nouvelle est tombée le 25 juin. Olivia Martin et quatre autres gymnastes licenciés au SAM à Mérignac, club formateur labellisé, ne pourront pas intégrer la section sportive du collège Gisèle Halimi, faute de place dans l’établissement, situé en dehors de leur secteur. “Elle avait pourtant été acceptée, un mois auparavant, par le collège lui-même”, précise Sandrine Martin, la mère d’Olivia.
Depuis, les parents des cinq gymnastes ont déposé des recours auprès de l’académie de Bordeaux, sans succès. De son côté, l’Académie de Bordeaux précise que les affectations, pour des élèves hors secteur, s’articule autour de sept niveaux de priorité, du handicap, aux bourses ou encore au rapprochement familial. “Les demandes de dérogation pour l'intégration d'une section sportive sont de niveau 7”, indique l’académie de Bordeaux qui précise, également, que “pour des raisons d’équité”, il n’est pas possible d’accepter certains des cinq enfants et refuser les autres.
Loin d’être un simple choix d’affectation, cette décision de l'académie de Bordeaux est en réalité déterminante pour ces jeunes athlètes. “S’ils ne peuvent pas aller dans ce collège, ils ne pourront pas s’entraîner suffisamment pour atteindre leurs objectifs de performance”, explique Sandrine Martin.
20 meilleurs de France
Car ces cinq gymnastes visent le haut niveau. Médaillée de bronze aux Championnats de France dans sa catégorie, Olivia et les quatre garçons ont été acceptés au DRA (dispositif régional d’accession) qui identifie et accompagne “les talents à fort potentiel”, autrement dit, les futurs athlètes de haut-niveau. “Olivia voudrait suivre le parcours d’une fille d’un an de plus qui vient d’intégrer l’équipe de France cette année”, détaille Sandrine Martin.
Ces gymnastes font partie des vingt meilleurs de France de leur catégorie. Ce seront ces générations qui iront aux Jeux olympiques de 2032 ou 2036.
Mathieu Peyrotentraîneur et référent de la section sportive du collège Gisèle Halimi
Pour atteindre le haut niveau, ces cinq jeunes gymnastes vont devoir augmenter leurs entraînements, d’une dizaine d’heures en primaire, à près de 25 heures par semaine. Un planning chargé qu’ils doivent articuler autour de leur scolarité. “On n’allège pas les heures de cours, la scolarité reste la priorité”, assure Mickael Pallares, le directeur technique du SAM et délégué régional de la gymnastique artistique féminine au sein de la Fédération française de gymnastique. “Il faut donc optimiser les temps de trajets.”
Réunion des enfants dans un seul établissement, participation aux conseils de classe, suivi médical ou encore scolaire… Dans ces cursus, les clubs deviennent des interlocuteurs à part entière pour aider leurs athlètes à mener de front l’école et le sport.
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Mickael Pallares est également le coach d’Olivia Martin. Lui, suit des jeunes gymnastes depuis des années, et connaît le tournant crucial que peut prendre sa carrière. “À 11 ans, c'est là où il faut mettre le volume d'entraînement pour accéder au haut niveau. Certains vont ensuite dans des pôles à Paris, Saint-Étienne ou Dijon, mais nous essayons de ne pas les déraciner, loin de leurs parents”, détaille le référent régional de la FFG.
Choix difficiles
Chaque jour à l'entrainement avec ces jeunes pépites, Mathieu Peyrot ne contient pas sa tristesse. “Ce sont des enfants qui ont commencé à s'entraîner à 4 ou 5 ans, des dizaines d’heures par semaine pour atteindre ce haut niveau, au prix de choix difficiles. Et là, on leur dit “désolé, ton projet sur lequel tu travailles depuis des années, tu le mets de côté ?”, interroge le coach référent, membre de l’organisation régionale de la FFG.
Mon travail, c'est d’éduquer ces enfants par le sport en véhiculant des valeurs de respect, de travail, de dépassement de soi. Là, je dois maintenant leur dire que tous leurs efforts n'ont servi à rien ? Quelle image ça donne ?
Mathieu Peyrot,entraîneur au SAM et référent au collège Gisèle Halimi
Un discours inaudible pour le coach, quelques semaines après les Jeux olympiques de Paris 2024. “On a vu tous les politiques se gausser de ces Jeux qui étaient en effet une réussite, mais quand il s’agit de la réalité, on voit que l'accession au haut niveau est un parcours semé d’embuche, fulmine Mathieu Peyrot. Il ne faudra pas s’étonner dans quatre ans quand on n'aura pas les résultats à Brisbane.”
Classe supplémentaire
Olivia et ses coéquipiers ne sont pas les premiers à avoir demandé de telles dérogations. “Cela fait depuis 1998 que le SAM a conclu une convention avec le collège Gisèle Halimi. Depuis trois ans, nous avons officiellement constitué cette section sportive. Et jamais, nous n’avons eu de refus”, regrette amèrement Mathieu Peyrot, le coach référent auprès du collège.
Incrédule, il ne comprend pas la décision de l’académie. “Ce collège a achevé, l'année dernière, sa reconstruction. La capacité du collège est passée de 500 à 700 élèves et pour autant, aucune nouvelle classe supplémentaire n’a été créée, souligne Mathieu Peyrot. Au-delà de la filière gymnastique, le SAM a déposé seize demandes de dérogations pour de jeunes athlètes. C’est déjà la moitié d’une classe”, précise-t-il.
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Pour faire pression, entraîneurs et parents ont fait appel à la ville de Mérignac qui s’est saisie du dossier. “La ville avait déjà fait une demande d’ouverture de classe ainsi qu’un collectif de parents d’élèves et de professeurs”, explique le référent auprès du collège. Une réunion est organisée ce vendredi 30 août, entre les parents, la Ville de Mérignac, qui s’est également saisie du dossier pour trouver une solution, ainsi que les entraîneurs du SAM.
Dernier espoir de ces jeunes athlètes, un rebondissement de dernière minute.“La phase d’affectation n’étant pas terminée, la situation pourra être réétudiée à la rentrée en toute équité”, avance cependant l’académie de Bordeaux. Il s'agirait donc de cinq désistements, d’ici à la rentrée, prévue ce lundi.