Un élevage de chats 'Maine Coon', une race très prisée dont la valeur peut grimper jusqu'à 2 000 euros, a été découvert abandonné dans une maison de Queyrac, en Gironde, le week-end dernier. C'est grâce au nouveau numéro d'alerte dédié à la maltraitance animale que ce scandale sanitaire a pu être révélé.
Un chat mort, seize en état de dénutrition avancée, rongés par des maladies, voilà ce qu'ont découvert les gendarmes le week-end dernier dans une maison de Queyrac, petite commune au cœur du Médoc.
Une "maison de l'horreur"
"C'était une scène glaçante" dans une "maison de l'horreur" raconte Laurent Blanchard-Talou, le vice-président de l’association de protection et de défense des animaux "Vénus", basée à Bordeaux. C'est elle qui a été chargée de récupérer les bêtes pour les soigner et les placer en famille d'accueil.
Le sol était recouvert d'excréments, les chats, émaciés, affamés, vivaient dans le noir.
Laurent Blanchard -TalouAssociation Vénus
Les animaux secourus ont développé de graves maladies. "Plusieurs chats nécessitent une extraction dentaire urgente, des femelles des ovario-hystérectomies urgentes également, car on a détecté des nodules au niveau des ovaires". Il va aussi falloir procéder à "des détartrages et soigner d'innombrables blessures visibles et invisibles" déplore l'association qui a déjà déboursé 690 euros pour les premiers soins.
Venus estime à près de 4 000 euros l'ensemble des frais vétérinaires nécessaires. "Une seule extraction dentaire, c'est déjà 250 euros" explique Laurent Blanchard-Talou. L'association, n'ayant pas les ressources financières suffisantes, a lancé un appel aux dons en ligne.
"Comment est-il possible qu’aujourd’hui encore, des êtres vivants soient ainsi sacrifiés sur l’autel du profit et de l’indifférence ?" s'indigne le vice-président de Venus. "Tant qu'il y aura des gens prêts à débourser des fortunes pour acheter des animaux, on trouvera ce genre d'élevages gérés par des personnes attirées par l'appât du gain, mais incompétentes et vite débordées".
La propriétaire "dépassée"
Le parquet de Bordeaux, saisi de l'affaire, indique que la propriétaire, qui venait de démarrer son élevage, n'a pas réussi à le gérer ni à vendre ses animaux. Elle s'est laissé dépasser.
L'éleveuse peut bénéficier d'une alternative aux poursuites judiciaires, si elle accepte de céder ses chats à l'association Vénus. Cela lui éviterait une garde à vue et un déferrement. Elle écopera alors d'un avertissement pénal probatoire avec contribution citoyenne obligatoire. En clair, elle aura un rappel à la loi et devra verser un don conséquent à une association.
Le parquet souligne que l'éleveuse possédait par ailleurs, à son domicile, deux chiens et un cheval en très bonne santé, et qu'elle n'a aucun antécédent judiciaire.
Il faut arrêter avec ces élevages, il y a déjà trop de chats, trop de chiens, les refuges sont débordés.
Arielle MoreauAvocate en droit animalier
"On trouve de plus en plus de cas similaires, il est très facile de s'établir éleveur, assure Arielle Moreau, avocate en droit animalier pour le Conseil National de la Protection Animale (CNPA). Mais certains estiment mal les coûts, la nourriture, les soins vétérinaires, l'entretien, tout cela peut s'avérer très onéreux. On se laisse vite déborder".
Un commerce très lucratif
L'avocate pointe également le problème des particuliers, de plus en plus nombreux à arrondir leurs fins de mois en vendant les portées de leurs animaux à pedigree. "Un chat Maine Coon se négocie entre 1 000 et 2 000 euros sur le Bon coin ou sur les réseaux sociaux, affirme Laurent Blanchard-Talou. Certaines races sont très recherchées, il y a des effets de mode et les éleveurs, bons ou mauvais, en profitent. Parfois sans tenir compte du bien-être animal. Ils ne voient que l'appât du gain".
"Avec six chatons par portée, ça paye les vacances, tous les à côté, ajoute Arielle Moreau, mais on est confronté à de plus en plus de cas de maltraitance".
Un nouveau numéro, le 36 77, pour donner l'alerte
Depuis le 24 juin 2024, un numéro d'urgence permet de centraliser toutes les alertes de cas de maltraitance en France : le 36 77, géré par le Conseil National de la Protection Animale. C'est par ce biais que le scandale sanitaire des chats de Queyrac a pu être découvert. Grâce à un appel anonyme.
Le CNPA a alors prévenu gendarmes, élus et associations locales qui ont, cette fois, rapidement réagit. "Parfois, on doit beaucoup insister avant que les autorités interviennent, la cause animale passe forcément après d'autres problèmes de violence", témoigne Loïc Dombeval, le président du CNPA et ancien député engagé pour la cause animale.
C'est lui qui est à l'origine de ce dispositif d'alerte. Un réel succès."Avant, les gens qui voulaient dénoncer des situations de maltraitance ne savaient pas forcément comment faire, vers qui se tourner, remarque-t-il. Là, le numéro unique permet de centraliser l'ensemble des signalements. Et nous alertons immédiatement les autorités compétentes, en espérant qu'elles puissent agir vite".
Depuis la mise en place de ce numéro il y a trois mois, on a reçu 23 000 appels.
Loïc DombevalPrésident du CNPA
Le 36 77 reçoit entre "cinq et vingt cas par jour de véritable urgence, des animaux laissés à l'abandon, des gens négligents qui font de l'argent sur le dos des animaux".
Loïc Dombeval avoue être quelque peu dépassé par ce "succès". "Nous avons six répondants, mais ce n'est pas suffisant, nous n'arrivons à prendre que huit appels sur dix. Il y a 20 % des cas que nous ne pouvons pas traiter, peut-être des cas d'animaux tabassés. C'est un réel service public, l'Etat doit nous aider à le faire fonctionner" plaide-t-il.
"Il faut effectuer plus de contrôles"
L'Etat doit aussi mettre plus de moyens dans les contrôles, martèle l'ancien élu des Alpes-Maritimes. "Il s'agit d'un vrai problème de société. Si on veut le traiter sérieusement, il n'y pas besoin de rajouter des règlements et des lois, les nôtres sont déjà parmi les plus contraignants au monde. Il faut effectuer plus de contrôles, visiter les élevages, les abattoirs, on aurait besoin de cent cinquante à deux cents inspecteurs en plus. Malheureusement, nous ne sommes pas vraiment dans une politique de recrutement".
"Le problème est toujours le même : c'est l'argent" regrette-t-il. "D'un côté, il y a les gains issus du marché florissant des animaux de compagnie, avec parfois des gens sans scrupules. Et de l'autre, on manque de personnel et de fonds pour aider les associations à gérer des animaux traumatisés".
Fort heureusement, "la majorité des éleveurs sont très sérieux" assure le président du conseil national de la protection animale pour qui le cas de Queyrac reste exceptionnel. "Il s'agit très certainement d'une personne en détresse financière ou psychologique".