Avec 883 détenus pour 434 places, le centre pénitentiaire de Gradignan en Gironde est parmi les plus surpeuplés de France. Les personnels dénoncent le climat de tension qui règne dans cet établissement vétuste. Et la future prison en construction ne suffira pas à enrayer la situation, s'inquiètent les syndicats.
Un taux d'occupation de 231% dans le bâtiment principal, 216% dans celui où sont incarcérés les prévenus non encore jugés : "ça devient intenable", s'alarme Hubert Gratraud du syndicat FO Justice.
La surpopulation carcérale ne cesse de croître à Gradignan, en Gironde. Des détenus sont trois par cellule de 9 m² (130 triplettes au 8 février), alors que la loi prévoit une détention en cellule individuelle.
Trois par cellule, cela crée des conflits, des bagarres, des règlements de compte et le surveillant est seul pour gérer cela sur l'étage !
Hubert Gratraud, FO JusticeFrance 3 Aquitaine
En mai dernier, face à l'urgence de la situation, les nouvelles admissions avaient été suspendues pendant deux semaines, une première dans l'histoire du centre pénitentiaire.
La situation s'aggrave depuis des années
Dans cet établissement datant des années 60, on dénombre début février 883 détenus pour 434 places individuelles. Le centre pénitentiaire de Gradignan est parmi les plus surpeuplés de France depuis vingt ans. Parmi les plus vétustes aussi. En 2022, un rapport de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté avait jugé les conditions à Bordeaux-Gradignan "particulièrement indignes", voire "inhumaines".
C'est vrai que c'est très difficile pour les personnels pénitentiaires dans une situation de surpopulation carcérale
Franck Linarès, directeur interrégional des services pénitentiaires de BordeauxFrance 3 Aquitaine
Une nouvelle prison en construction
Face à cette situation de surpopulation carcérale chronique à Gradignan, la construction d'un nouveau centre pénitentiaire est en cours. Il s'inscrit dans un plan national de 15 000 places supplémentaires sur trois ans.
Un nouveau bâtiment est déjà sorti de terre à proximité de l'établissement existant. "Le nouvel établissement pénitentiaire ouvrira en mai 2024 pour améliorer les conditions de travail des personnels et les conditions des détenus", explique Franck Linarès, directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux. Il coordonne vingt établissements pénitentiaires et onze services pénitentiaires d'insertion et de probation.
Le syndicat FO Justice reste, quant à lui, sceptique."Ce nouveau bâtiment comptera à terme 600 places. On a déjà 500 détenus supplémentaires aujourd'hui ! Ce sera vite plein. Donc, on va redoubler les cellules, ce n'est pas entendable !", détaille Hubert Gratraud.
Un personnel pénitentiaire à bout de souffle
Hausse des arrêts maladies, burn-out, demandes de mutations : il manquerait 64 agents dans l'effectif global, selon les syndicats, inquiets de constater une dégradation du travail des personnels. Sans parler des prises de risques quotidiennes pour gérer les tensions. Voire affronter des drames, comme le suicide récent d'un détenu de 20 ans, retrouvé pendu dans sa cellule.
Des renforts de personnels sont attendus à Gradignan : 88 nouveaux personnels pénitentiaires, promet ce jeudi 8 février, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux.
Les syndicats en appellent aussi à la bienveillance des magistrats : "Écrouer 20 à 25 détenus le week-end, puis en libérer une dizaine le mardi, pour nous, c'est très compliqué à gérer", confie Hubert Gratraud.
Il faut travailler davantage sur les peines alternatives et trouver un juste milieu.
Hubert Gratraud, FO JusticeFrance 3 Aquitaine
Si la surpopulation carcérale à Gradignan est parmi les plus élevées des prisons françaises, la situation est globalement dégradée dans notre pays. La densité carcérale dépasse les 120%.
Au 1ᵉʳ décembre 2023, 75 130 personnes étaient en prison en France pour 61 359 places opérationnelles : c’est le chiffre de détenus le plus élevé jamais enregistré, selon les statistiques de l’administration pénitentiaire.