Depuis plus d'un an, le centre de pharmacovigilance de Bordeaux étudie les effets indésirables liés à la vaccination contre le Covid-19. Paralysie faciale, interruption des règles, vertiges, chaque symptôme est étudié et documenté. Pour autant, le profil de sécurité des vaccins en circulation reste "excellent", estime le Dr Francesco Salvo, responsable de cette unité.
Un matin de novembre, Laëtitia (le prénom a été modifié) a ressenti des maux de têtes, accompagnés de vertiges et de bourdonnements dans les oreilles.
Au fil des semaines, les sensations s'installent. La quadragénaire s'inquiète, consulte son généraliste, qui l'envoie vers un ORL. Une IRM est prévue pour le mois de mai.
Questionnements
Contrainte de patienter avec des symptômes qui lui gâchent son quotidien, Laëtitia tombe alors par hasard sur un article évoquant un lien entre vaccination et acouphènes. "Je me suis dit, tiens, c'est exactement les mêmes symptômes que les miens". Elle découvre alors d'autres textes évoquant les possibles effets secondaires du vaccin anti-Covid.
"A aucun moment je n'avais fait le lien entre mes symptômes et la vaccination. Encore aujourd'hui, je n'ai aucune certitude", poursuit-elle.
Par crainte d'être mal perçue, elle n'en parle pas à son ORL, qui, de lui même, n'évoquera pas le sujet. "J'attends de retourner voir mon généraliste, avec lequel je suis plus à l'aise et qui, je le sais, prendra mes questionnements au sérieux".
D'autant plus que Laëtitia, qui a reçu sa deuxième dose à l'été, n'ignore pas qu'un long délai s'est déroulé entre le vaccin et l’apparition des symptômes, et que de nombreux autres facteurs peuvent être à l'origine de ces manifestations.
Portail de signalement
Entre inquiétude et suspicion, les discussions sur des effets indésirables, réels ou supposés de la vaccination anti covid pullulent sur les réseaux sociaux, comme dans la vie réelle.
Certaines émanent de militants farouchement opposées à la vaccination, d'autres, de personnes, qui, comme Laëtitia, s'interrogent simplement sur une possible corrélation.
L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) a mis en ligne un portail de signalement pour recenser les effets indésirables des médicaments ou actes médicaux, vaccins anti-covid compris. Les symptômes sont renseignés par des particuliers, des entreprises ou des professionnels de santé, puis analysés, afin de définir si un lien avec le vaccin peut être établi.
Un suivi national à Bordeaux
Depuis le mois de décembre 2020, le centre de pharmacovigilance de Bordeaux est en charge de ce suivi. Il participe aux comités mis en place par l'Ansm sur l'ensemble des vaccins contre le Covid-19. C'est le centre coordinateur du suivi national de la sécurité concernant le vaccin Pfizer.
Un travail qui se fait "au cas par cas", explique son directeur, le docteur Francesco Salvo. A charge pour son unité d'exclure toute autre cause que le vaccin dans l'apparition des symptômes.
"Avant que les différents vaccins ne soient approuvés par la Haute autorité de santé, des effets indésirables avaient été mis en évidence par les laboratoires après des essais cliniques sur environ 15 000 personnes, explique-t-il. Aujourd'hui, il y a des milliards de patients vaccinés et donc une plus grosse quantité d'information sur leur sécurité".
Ce recul a à la fois permis de confirmer des effets indésirables déjà apparus dans les essais cliniques, et d'en faire émerger de nouveaux.
Docteur Francesco Salvo, responsable du centre de pharmacovigilance de BordeauxFrance 3 Aquitaine
Paralysie faciale
En janvier 2021, dans une vidéo postée sur Twitter, une femme récemment vaccinée expliquait souffrir de paralysie faciale après s'être vaccinée contre la Covid-19, affirmant que "ces effets-là n'étaient pas écrits".
"Cet événement avait déjà été mis en évidence dans quelques cas, pendant les essais cliniques. Une fois que le vaccin a été mis sur le marché, on a rapidement compris que c’était un effet indésirable potentiel du vaccin. Cette atteinte du nerf faciale se produit de façon très très rare, elle concerne environ un cas sur 10 000 patients. Ces cas sont globalement réversibles dans le mois qui suit la vaccination", poursuit le médecin.
Parmi les effets indésirables qui n'avaient pas été mis en avant par les essais cliniques, figurent les inflammations au niveau cardiaque, notamment les myocardites ou péricardites. "Le plus souvent ces inflammations ne sont pas sévères, mais elles peuvent se produire après la vaccination, notamment avec le vaccin Moderna", affirme le Dr Salvo, qui précise, une fois encore que ces cas concernent "environ un patient sur 10 000".
Ces inflammations sont moins sévères que celles observées chez des patients non-vaccinés qui contractent la Covid-19.
Dr. Francesco SalvoFrance 3 Aquitaine
Vaccin Pfizer en France : 22 000 cas avec effets indésirables graves recensés
Certains vaccins sont-ils moins "à risque" que d'autres? Les vaccins AstraZeneca ou Janssen, qui reposent sur un vecteur viral, peuvent donner lieu à des effets indésirables proches de ceux induits par une infection au virus, mais atténués. "La Covid entraîne un état inflammatoire très important, et peut aussi entraîner des paralysies faciales, des syndromes grippaux ou encore des thromboses. Ils peuvent engendrer des réactions immunitaires plus importantes ", souligne le médecin.
Dans les vaccins ARNm, l'enveloppe qui entoure les fragments d'ARN messagers est, dans de rares cas, susceptible de déclencher des allergies. D'où la nécessité, après chaque vaccination, de rester sur place quinze minutes après l'injection. Ce sont, par ailleurs, ces rares cas qui peuvent impliquer une contre-indication au vaccin.
"En France, sur le suivi du Pfizer, nous avons enregistré 22 000 effets indésirables graves, qui incluent les symptômes grippaux assez forts nécessitant un arrêt de travail, poursuit Francesco Salvo. Ce qui reste, au regard du nombre total d'injections, une toute petite partie des personnes vaccinées".
Vertiges, acouphènes et interruption de règles
Quid des vertiges et acouphènes ressentis par Laëtitia plusieurs mois après sa deuxième dose ? Peu probable, dans ce cas précis, qu'ils soient liés à sa vaccination : selon l'Ansm, l'immense majorité des effets indésirables se font ressentir dans les jours qui suivent l'injection.
Pour autant, des cas sont étudiés : "Les vertiges sont reconnus comme pouvant être causés par la vaccination. Nous avons même eu des témoignages qui parlent de surdité. Pour les acouphènes, c'est plus compliqué de faire un lien, car ces symptômes sont fréquents et peuvent arriver à tout moment de la vie", note le Dr Salvo .
"C'est un sujet sur lequel nous sommes vigilants, tout comme les témoignages de femmes qui ont vu leurs règles s'interrompre : il peut y avoir, dans certains cas, un rôle du vaccin, notamment en lien avec des réactions hyper inflammatoires."
Toute la difficulté de notre travail, c'est de mettre les événements en lien avec le vaccin. Parfois, ils ne sont pas liés au produit, mais au geste de la vaccination : une injection trop haute qui se fait dans l'articulation, ou un malaise qui arrive après que l'aiguille a frôlé un nerf.
Dr Francesco SalvoFrance 3 Aquitaine
Collecte de données à l'échelle européenne
Tous les cas certifiés sont ensuite remontés auprès de l'Ansm, qui, ensuite les transmet à l'Agence européenne des médicaments. C'est ainsi que sont décidées des suspensions, ou des adaptations. Ainsi, au printemps 2021, soit quelques semaines après sa mise sur le marché, le vaccin AstraZeneca était suspendu : des cas de thromboses atypiques étaient recensés chez des jeunes patients. Il sera rapidement remis en circulation, mais réservé aux patients de plus de 55 ans.
L'instauration du pass vaccinal et l'aspect quasi obligatoire du vaccin pour accéder à de nombreux lieux a favorisé la suspicion chez de nombreux Français. Et les effets indésirables des vaccins sont particulièrement scrutés, parfois même amplifiés ou inventés. Pourtant, après plus d'un an d'études, le docteur Francesco Salvo se veut rassurant. "N'importe quel médicament peut entraîner des effets indésirables. Nous ne les recensons pas tous : nous nous occupons que des cas graves. Dans le cadre des vaccins, ils sont très très rares. Et leur profil de sécurité est excellent", assure-t-il.