Parmi neuf espèces recensées en Nouvelle-aquitaine, seules deux espèces de couleuvres se maintiennent. Le rapport du réseau reptiles et amphibien coordonné par Cistude Nature tire la sonnette d'alarme et nous interroge sur notre rapport avec ces êtres rampants, pourtant nécessaires à la biodiversité.
Certaines espèces en Nouvelle-Aquitaine sont en voie de disparition et nous sommes partiellement responsables de cet état de fait. C’est ce que révèle le dernier rapport du réseau "Reptiles et Amphibiens de Nouvelle-Aquitaine", coordonné par Cistude Nature. "Lorsqu'ils ne sont pas victimes de coups de pelle, de nombreux serpents finissent écrasés sur les routes", explique-t-on. Ou alors, nous avons contribué à la disparition de leur habitat. Par peur ou par méconnaissance le plus souvent.
Un nombre en nette diminution
"Le suivi des reptiles est très récent", concède Matthieu Berroneau, l'herpétologue spécialiste des amphibiens et reptiles auprès de l'association Cistude Nature. Une chose est sûre, leur présence a fortement régressé ces cinquante dernières années. Rien à voir avec ce que pouvaient connaître les connaisseurs du début du siècle dernier. L'herpétologue se souvient avoir lu un article de 1910 parlant d'un "chasseur de serpents" de l'époque. Il en tuait ou capturait près de 13 000 par an, soit plusieurs milliers par mois.
"Aujourd'hui, on est contents quand on en voit une centaine par an ! Sauf qu'aujourd'hui, nous, on les laisse dans la nature", précise Matthieu Berroneau, dans un sourire.
Sept espèces menacées
Selon l'herpétologue, cette diminution, facilement observable, est comparable à celle des insectes. "Avant, quand on prenait la route l'été, les pare-brise étaient très sales parce qu'on entrait en collision avec beaucoup d'insectes. Aujourd'hui, on nettoie beaucoup moins", constate-t-il.
Concernant les serpents, le constat de l'association Cistude est alarmant. "En l’espace de quatre ans, sur les 87 sites suivis, trois espèces de couleuvres ont vu leur taux de présence divisé par 2 en moyenne dans la région, à savoir la couleuvre d’Esculape, la couleuvre helvétique, et la couleuvre vipérine", note l'association.
Une chute de ces populations qui fait écho au déclin de "quatre autres espèces pour lesquelles le taux de présence est, au mieux proche de 5 % au pire à 1 % ou 0 % ", poursuit la Cistude. La coronelle girondine, la coronelle lisse, la vipère péliade et la vipère de séoane sont devenues particulièrement rares.
La vipère aspic, pourtant commune sur nos territoires, n'est pas épargnée avec un taux de présence de 13 % en 2023 contre 21 % en 2021. Une seule espèce se maintient tant bien que mal : la couleuvre verte et jaune était présente sur 67 % des sites l’an passé.
Morts sur la route
La main de l'homme n'est pas la seule explication à leur disparition. L'association insiste sur la dégradation de leur habitat naturel. "Les écosystèmes se déséquilibrent et leur capacité de résilience face aux dérèglements s’amenuise. Les serpents n’échappent pas à la règle". Les changements climatiques jouent un rôle dans la disparition progressive de ces reptiles. Car contrairement à ce que l'on pourrait penser, ils craignent la chaleur. Au-delà de sa température corporelle de 36-37°, le serpent "peut en mourir, s'il reste au soleil". Dans ce cas-là, il se cache, limite son activité, ne se reproduit plus.
Ils peuvent également finir "écrasés sur les routes, sur lesquelles ils viennent parfois trouver un peu de chaleur..." Des routes plus nombreuses, qui viennent également fragmenter les zones d'habitat des reptiles.
Entre deux habitats naturels, si les serpents veulent se reproduire, ils sont amenés à traverser ces routes. Dès qu'il y a un peu de circulation, la mortalité est de 100 %.
Association Cistude nature
Autre facteur : le remembrement des années 1980 a fait disparaître les haies des bocages qui étaient également un habitat possible pour les serpents. "Maintenant, on a de l'agriculture intensive, des grands champs de maïs. C'est extrêmement défavorable aux reptiles".
Pas d'équilibre sans serpent
Pourtant, comme l'association le rappelle, "les serpents ont leur place dans les écosystèmes comme dans la chaîne alimentaire ! Ils se nourrissent de micromammifères, de poissons, d’amphibiens et d'autres reptiles ". Ils jouent leur rôle de prédateurs et "régulent de nombreuses espèces responsables de dégâts dans les cultures et les jardins".
Autre atout de cette espèce mal-aimée, ils représentent aussi "une ressource alimentaire pour les rapaces, hérons, blaireaux et autres putois". Bref, les serpents de Nouvelle-Aquitaine font partie d'un savant équilibre de biodiversité qu'il faut préserver.
Pour contribuer aussi à changer notre rapport à ces espèces protégées, l'association partage le film "Des serpents dans nos têtes" qui sera en accès libre tout le mois d'octobre. Entre fiction, micro-trottoir et film naturaliste, ce documentaire a pour but de "permettre aux plus réticents de se familiariser en toute sécurité avec ces bêtes si particulières et aujourd'hui réellement menacées".
En majorité inoffensifs
Alors, faut-il changer notre rapport aux serpents ? Sans doute. Surtout que ces espèces sont majoritairement inoffensives. "Rappelons que les couleuvres et coronelles ne sont pas venimeuses", insiste l'association.
Aucun cas de mortalité après morsure de vipère n’a été relevé en France métropolitaine depuis plus de 20 ans. Peut-on en dire autant pour les chiens ?
Association Cistude
Pour les plus réfractaires, Matthieu Berroneau conseille : "une bonne solution pour tenir les serpents éloignés des maisons consiste à aménager un coin du jardin où ils resteront tranquilles : un espace non tondu ou un muret de pierre sèche", feront parfaitement l'affaire.
Deux ans de prison, 150 000 euros d'amende
"Toutes les espèces de serpents de Nouvelle-Aquitaine sont protégées (individus et habitats)" rappelle le rapport du réseau "Reptiles et Amphibiens de Nouvelle-Aquitaine".
L'arrêté du 8 janvier 2021 fixe la liste des amphibiens et des reptiles représentés sur le territoire
métropolitain protégés sur l’ensemble du territoire national et les modalités de leur protection.
Tuer ou maltraiter un serpent est puni de deux ans de prison et de 150.000 euros d’amende.
Association Cistude NatureArrêté National de Protection
Il est aussi interdit de détruire les habitats de presque toutes les espèces, et ce, quelles que soient les mesures compensatoires adoptées.
Si, vous aussi, vous voulez participer à l'observation et la préservation des serpents, sachez qu'il existe un atlas en ligne des amphibiens et reptiles de Nouvelle-Aquitaine. C'est un portail qui recense les observations de collaborateurs bénévoles notamment.