"Art Thérapy". tel est le nom de cette expo actuellement visible au Musée Mer et Marine de Bordeaux. L'artiste y expose de nombreuses toiles dans lesquelles il exprime son passé, ses failles. Il nous explique comment ce nouveau mode d'expression, parallèlement à la musique, lui a été salvateur.
Pascal Obispo n'est pas que l'auteur compositeur à succès que l'on connait. Cette fois, il montre au grand jour un autre talent. L'aventure picturale n'était jusque-là partagée que par ses amis proches.
L'artiste insiste : "ce n'est pas une exposition de peinture". Et pourtant.
Voilà une soixantaine de toiles exposées à Bordeaux, son "Art therapy". Ce chemin artistique fait écho à celui qu'il connaît déjà avec la musique et qui l'a porté toute sa vie.
C'est à l'occasion d'une rencontre avec Norbert Fradin, le magna de l'immobilier et surtout le fondateur du Musée Mer Marine des Bassins à Flots à Bordeaux, qu'il dévoile un pan de son jardin secret.
Derrière ses lunettes fumées et la capuche remontée, Pascal Obispo, remonte le fil de l'histoire. Tout a commencé il y a une quinzaine d'années, quand il s'est mis à faire des collages avec des photographies. À ce moment-là, il regrettait un peu l'argentique et le fait de ne plus partager ces instants de vies qui restaient au fond des ordinateurs.
Il fait alors une rencontre essentielle. Celle de l'artiste contemporain Danhôo et lui montre son travail au détour d'une conversation. " Quand il a vu mes collages, il m'a dit : tu devrais faire de la peinture" . Et il joint le geste à la parole en lui envoyant un colis, pots de peinture et pinceaux.
Moi, je n'avais jamais touché un pinceau de ma vie, sauf quand j'étais petit.
Pascal Obispoà France 3 Aquitaine
Pascal se prend au jeu en détournant des photos d'Adjani, Gainsbourg, façon Pop-Art, associant des lettres et des couleurs. Les deux hommes échangent régulièrement et après quelque temps, le peintre lui dit " c'est bon : maintenant, enlève les photos". Obispo est alors comme sans filet, sans doute plus fragile. Mais il se lance sur la toile.
Art Thérapie
" J'allais assez vite dans mon envie, ma découverte (...) je me suis mis à faire de plus en plus grandes toiles". D'ailleurs, il a tout déménagé au Cap Ferret où il a plus de place que dans sa maison en région parisienne. C'est là, sur un mur de six mètres, qu'il a peint ces plus grandes créations. Cette passion le porte pendant près de cinq ans et semble le nourrir, l'apaiser, parallèlement à sa carrière de chanteur-compositeur.
La véritable révélation, c'est sans doute lors d'une rencontre en Provence auprès du Pr Jean-Marc Boulon, médecin psychiatre. À ce moment-là, il s'agissait juste pour lui d'une visite dans cet endroit "o ù était mort Van Gogh", à Saint Remy de Provence.
Dans cette clinique, il y avait un atelier d'art-thérapie. " J'ai compris le sens de mon travail et aussi dans la musique. Tout ce que j'ai fait depuis 40 ans (...) pourquoi j'ai fait autant de toiles et autant de musique. Parce qu'on a des failles dans son enfance...". Il cherche alors à comprendre les productions artistiques des patients qu'il retravaille dans son atelier.
Il sait bien que l'art qu'il pratique désormais joue un rôle essentiel, voire vital, dans son quotidien. Un exutoire, un baume, une thérapie contre le mal-être. " La peinture peut permettre aux gens de traverser des moments difficiles". Le temps qu'il passe à l'atelier est comme suspendu, hors du temps et des tensions professionnelles ou personnelles, loin des questionnements intérieurs sans fin.
" En commençant une toile à 10 heures, vous pouvez vous retrouver à 20 heures sans avoir absolument penser à ce qui vous faisait du mal".
Nostalgique de l'adolescence
On imagine que peinture et musique doivent faire bon ménage dans l'atelier de Pascal Obispo. Alors qu'écoute-t-il en peignant ?
" Comme tout le monde, on aime les musiques qu'on a écoutées jusqu'à 35 ans (...) On est nostalgique. On veut retrouver un sentiment de bien-être et de bonheur. Comme dans la peinture : on veut retrouver (...) des sentiments agréables. Comme quand on était insouciants, adolescents... En fait, j'écoute de la musique d'adolescents. Un adolescent des années 80 !"
L'enfance, c'est aussi un des moteurs de sa création. Quand il dit à Danhôo qu'il ne savait pas dessiner, le peintre lui répond que l'important, c'est " de laisser parler son âme d'enfant ". À partir de ce principe, il dit s'être "laissé aller".
Autodidacte
La carrière de Pascal Obispo en tant que chanteur-compositeur est impressionnante, comme le nombre de tubes qu'il a signés, pour lui ou pour les autres. Pourtant, il explique que même pour la musique,ce qui paraît incroyable aujourd'hui, il a " toujours été autodidacte".
" C'est comme si on écoutait Mozart et qu'on ne pouvait pas faire de variétés" dit-il dans un sourire. " On peut faire de la musique parce que ça nous plaît, nous fait plaisir".
C'est pourquoi, il ne s'est pas mis de barrières " autant se lancer, autant peindre et dessiner". " De toute façon, je ne connais pas une seule note, je ne sais pas lire une partition, j'ai besoin de ma mémoire visuelle pour retrouver un accord... donc j'ai fait pareil avec la peinture".
Aujourd'hui, si l'artiste a accepté d'exposer ses toiles, c'est aussi, dit-il, pour qu'on ne parle pas d'argent. Il ne souhaite pas les vendre, mais il semble heureux, bien que pudique, de partager sa connaissance des bienfaits de l'art thérapie. Mais, après tout, l'art n'est-il pas forcément l'expression d'une émotion ? Les romantiques d'autrefois ne renieraient pas leurs tourments mélancoliques qui leur inspiraient tant de vers !
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"Art Therapy" par Pascal Obispo est visible jusqu'au 7 janvier 2024 au Musée Mer Marine (MMM) à Bordeaux.