Le ministère de l'Intérieur a annoncé vouloir tester un dispositif qui permettra aux forces de l'ordre de recueillir "chez autrui" la plainte de victimes de violences conjugales ne souhaitant pas, par "peur", se rendre dans un commissariat. Qu'en pensent les associations ?
"Nous allons lancer avec la ministre déléguée (Marlène Schiappa, NDLR), à partir de la fin de l'année, une expérimentation qui permettra dans certains départements que les policiers et gendarmes se déplacent" pour recueillir des plaintes, a indiqué le ministre de l'Intérieur devant la commission des lois de l'Assemblée nationale ce 12 octobre.
"Si vous êtes une femme violentée et que vous avez choisi d'être chez votre assistante sociale, votre amie, votre maman, à la mairie et que vous avez peur du commissariat (l'accueil qu'on peut vous apporter, le regard des autres, la difficulté de rentrer dans un commissariat, ce n'est jamais évident), alors les forces de l'ordre pourront se déplacer", a-t-il poursuivi.
La liste des départements concernés par l'expérimentation sera déterminée "dans les prochains jours", a précisé à l'entourage du ministre de l'Intérieur.
L'accueil des victimes de violences conjugales peut "s'améliorer très certainement", a ajouté M. Darmanin, interrogé sur le sujet après une manifestation, dimanche devant le commissariat de Montpellier, pour dénoncer la mauvaise prise en charge des victimes d'agressions sexuelles.
Le dépôt de plainte à l'hôpital, mis en place dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, est déjà expérimenté et doit être prochainement étendu à l'ensemble du territoire.
Qu'en pensent ceux qui accompagnent ces femmes?
Pour Maître Kristell Compain-Lecroisey, spécialiste en droit de la famille au barreau de Bordeaux, "Ça fait partie des mesures annoncées dans le Grenelles des violences conjugales. Je préfère d'ailleurs parler de violences intra-familiales". Elle explique que cette violence rejaillit sur toute la famille dont les enfants qui en sont également victimes et qu'il faut prendre en compte. Pour l'avocate, cette "plainte chez autrui" va dans le bon sens: "de la rapidité mais aussi dans le respect de la victime". "Parce qu'il est très difficile de passer la porte d'un commissariat. L'attente est souvent longue. Elle (la victime, NDLR) risque de repartir si elle ne peut attendre ou si elle a des enfants..." Elle ajoute : "elle sera peut-être aussi entendue par une personne mieux formée".
L'intérêt de ce dispositif, c'est aussi le lieu de recueil de la plainte. La police vient au-devant de la victime par un lieu choisie par elle : "un lieu de confiance où elle entourée, peut-être par une amie, un frère, un père". Avec également l'intérêt que cet entourage sera auprès d'elle "après la plainte".
Ce dispositif, dont on ne connaît pas les modalités, semble dans la même dynamique que celle des associations de soutien et du barreau de Bordeaux qui déjà allaient au-devant des victimes fragilisés notamment grâce à un partenariat avec le (Centre d'information sur le droit des femmes et des familles (CIDFF) et l'Association Pour l’Accueil des Femmes en Difficulté (APAFED)
"On se déplace à l'hôpital, au CAUVA,... Egalement au centre Abadie (prise en charge psychiatrique des jeunes) car certains jeunes sont parfois victimes de violences". Les avocats peuvent également accompagner les victimes en plus du médecin, psychologue, nutritionniste et bénéficier donc de l'aide de la police (pour le dépôt de plainte) et de cet accompagnement juridique. "Car comme au commissariat, c'est difficile pour elles (les victimes) de pousser la porte d'un cabinet d'avocats..."
Pour Naïma Charaï, directrice de l'ANAPED, Association Pour l’Accueil des Femmes en Difficulté basée à Cenon en Gironde, "c'est une expérimentation, attendons de voir mais elle est la bienvenue" comme "tout ce qui peut faciliter le dépôt de plainte".
Car elle le rappelle, 210 000 femmes sont victimes de violences conjugales chaque année et parmi elles "seules 18% portent plainte". C'est pourquoi, elle "espère que la Gironde fera partie de cette expérimentation pour "faciliter cet accès à la plainte et aux droits pour ces femmes" car "il y a certains freins à pousser la porte du commissariat surtout en milieu rural". Il reste des questions sur l'organisation. Et Naïma Charaï d'évoquer la nécessité de recourir parfois à des interprètes pour ce recueil de plaintes et d'insister sur la formation de ces équipes policières. D'ailleurs, elle explique que policiers et gendarmes commencent à recourir à ces formation spécialisées.
Elle précise également que l'aide des associations et particulièrement de l'ANAPED n'est pas conditionnée à un dépôt de plainte. "Elles ont leur libre-choix". Mais peut-être que ce recueil chez autrui les incitera à davantage déposer plainte. Car cela permet une instruction de cette plainte et d'une condamnation le cas échéant. "Et ça, c'est le début d'une réparation".