Alors qu'une pétition a été lancée en faveur des enfants de Chahinez Daoud, tuée par son mari à Mérignac, des questions se posent sur le suivi accordé par les services de l'Etat aux familles des victimes de féminicides.
Une suite de dysfonctionnements… sans fin. Cinq mois après la mort de Chahinez Daoud à Mérignac, la Fédération nationale de victimes de féminicides (FNVF) lance une pétition. Intitulée " Aider la famille de Chahinez Daoud et à travers elle l'ensemble des familles de féminicides", elle a recueilli près de 200 signatures.
Le texte revient sur la prise en charge des parents, comme des enfants de Chahinez Daoud. La jeune femme, mère de trois enfants, était séparée, mais non divorcée, de son mari Mounir B. quand, le 4 mai, ce dernier, déjà condamné pour violences conjugales lui tire dessus à deux reprises. Elle s'écroule en pleine rue, à Mérignac, il l'asperge d'essence et allume le feu. Chahinez Daoud meurt, immolée. Elle avait 31 ans.
Depuis, Mounir B. a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire. Les trois enfants de Chahinez Daoud, dont deux issus d'un premier mariage, ont été placés dans une famille d'accueil de l'Aide sociale à l'enfance. (ASE).
Des enfants placés, des grands-parents venus d'Algérie
Les parents de la jeune mère de famille, venus d'Algérie, ont obtenu un titre de séjour provisoire. Installés à Bordeaux, ils tentent de récupérer la garde de leurs petits-enfants. C'est pour toutes ces victimes collatérales de ce terrible drame que s'est mobilisée la FNVF.
"Il y a environ un mois, le père de Chahinez, Kamel Daoud m'a contactée. Nous sommes restés très longtemps au téléphone, il était dans un état psychologique terrible", se souvient Sylvaine Grévin, la présidente de la Fédération. Celle-ci, basée près de Rennes en Ille-et-Vilaine, rassemble les proches de femmes, mères, sœurs, filles ayant été tuées par leur conjoint. Elle a pour but d'accompagner ces familles et souhaite améliorer la législation sur leur prise en charge, jugée insuffisante.
"Les deux parents de Chahinez vivent depuis trois mois dans des conditions déplorables. Ils sont logés dans un hôtel social de la métropole bordelaise, qu'ils doivent payer, dans une chambre-cuisine bien trop petite pour qu'ils accueillent leurs petits-enfants".
"Il y a un vide dans l'accompagnement de ces familles"
Les grands-parents disposent tout de même d'un droit de visite, mais attendent de pouvoir récupérer la garde de la fratrie. Ce qui nécessite l'obtention d'un logement plus grand. "Ils ont fait une demande, mangent grâce à la banque alimentaire, et se font aider dans leurs démarches par une amie… Cette famille n'est pas accompagnée, s'insurge Sylvaine Grévin. Et malheureusement, ce n'est pas la seule dans ce cas. Il y a un réel vide dans l'accompagnement de ces familles et de ces orphelins ".
Avant sa mort, Chahinez Daoud avait porté plainte contre son mari à plusieurs reprises. Dont une, recueillie par un policer, lui-même condamné pour violences conjugales, et qui ne sera pas transmise correctement au parquet. Dans un rapport, l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pointe une série de défaillances et de manquements, ayant précédé la mort de la jeune femme.
La mort de Chahinez Daoud n'aurait jamais dû être. Il y a eu une suite de dysfonctionnements, et cela continue sur la prise en charge de leur famille.
Un suivi psychologique qui pose question
La Fédération réclame notamment que les trois enfants bénéficient d'un suivi psychologique. "Ils n'en ont eu aucun depuis cinq mois!", assure Sylvaine Grévin.
La fédération, milite pour que soient ouvertes, partout en France, des unités spécialisées d'accompagnement du psychotraumatisme, avec un protocole "féminicides", à l'image de celle créée à l'hôpital Robert Ballanger d'Aulnay-sous-bois en Seine-Saint-Denis.
Contacté, le Conseil départemental de la Gironde, en charge de l'Aide à l'Enfance, assure que les trois enfants se refuse à entrer dans les détails et etvoque le secret professionel. La collectivité assure néanmoins que "les enfants ont été pris en charge par toute une équipe de porfessionnels attentifs à leur bien-être", incluant des éducateurs spécialisés, et des psychologues.
"On n'a pas le droit de se rater sur l'accompagnement de ces enfants, rétorque la Fédération, en demande d'actions rapides, qui rappelle accompagner 79 familles de victimes. Malheureusement, le drame que vit cette famille n'est pas un cas isolé". La pétition sera envoyée au président Emmanuel Macron, au secrétaire d'Etat en charge de l'Enfance et des familles Adrien Taquet et au Garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti.