Son nom est sans doute un peu moins connu des jeunes générations. Pourtant, cet élu girondin, député-maire de Soulac, était un résistant de la première heure. Il y a 84 ans, il a été arrêté par les gendarmes français, sur ordre du maréchal Pétain, puis assassiné.
Nous sommes le 17 juin 1940. Georges Mandel est, ce soir-là, attablé avec sa compagne dans les salons du Chapon fin, célèbre restaurant bordelais de la rue Montesquieu. Le député-maire de Soulac, dans le Médoc, s'est opposé à l'armistice décidé par Pétain et son gouvernement provisoire installé alors à Bordeaux.
Alors que les gendarmes viennent l'arrêter à la fin du dîner, sur ordre du Maréchal Pétain, il eut, dit-on, cette phrase illustrant son tempérament et son sang-froid : "vous me laisserez terminer mes cerises..."
"Tout le monde a gardé les yeux sur son assiette. Personne n'a bronché", assure aujourd'hui le directeur de l'établissement François Regimbeau, qui évoque régulièrement cette arrestation auprès de ces clients.
Mandel refuse l'armistice de Pétain
Un mois plus tôt, le 18 mai 1940, après le début de l'invasion allemande, le président Paul Reynaud faisait appel au maréchal Pétain. Ce dernier est chargé d'un remaniement dans lequel Georges Mandel, député girondin et ministre des colonies, devient ministre de l'Intérieur.
Le gouvernement provisoire a quitté Paris pour s'installer à Bordeaux. Deux camps s'affrontent au sein du gouvernement, entre les partisans de la résistance, réunis autour de Georges Mandel à la préfecture et ceux de l'armistice de Pétain, Adrien Marquet et Pierre Laval au Palais Rohan. Le maréchal s'oppose à la poursuite d'une guerre qu'il considère comme perdue, et appelle à cesser le combat.
Lorsque Pétain annonce la capitulation de la France, Georges Mandel la refuse. Le 16 juin, à 22 heures, le gouvernement de Paul Reynaud démissionne et Philippe Pétain forme son gouvernement. L'armistice, elle, sera effective le 22 juin 1940.
Arrêté à de multiples reprises
Le lendemain de l'arrestation de Georges Mandel, le général Charles De Gaulle s'envolera pour Londres et prononcera son appel du 18 juin pour un sursaut national et la résistance contre le gouvernement de Pétain et l'Allemagne nazie.
Mandel, lui, sera relâché très vite. Il exige du Maréchal Pétain une lettre manuscrite d'excuses pour cette arrestation. "C'est, pour lui, la première d'une série d'arrestations qui va se poursuivre en Algérie, en France au Pourtalet, qui était une prison épouvantable", raconte Joëlle Dusseau, l'organisatrice du colloque consacré à Georges Mandel le 15 juin prochain à Soulac.
Et c'est là, dans la prison du Pourtalet, en Béarn, que les Allemands viennent le chercher pour l'emmener à Buchenwald sur ordre. Georges Mandel sera ramené en France à la prison de la Santé avant d'être assassiné, le 7 juillet 1944, en forêt de Fontainebleau, en représailles de la mort du milicien Philippe Henriot. Un assassinat attribué à la milice, mais, qui aurait pu être directement commandité par Adolf Hitler lui-même.
Mandel, un homme engagé
De son vrai nom Louis Rothschild, Georges Mandel est né le à Chatou, en Seine et Oise. Il fait ses débuts professionnels en tant que journaliste comme collaborateur de George Clemenceau à "L'homme libre", une publication d'opinion dénonçant notamment la menace allemande de l'époque.
Il suivra Clémenceau dans ses engagements en politiques et sera son chef de cabinet à la présidence du Conseil en . Sa propre carrière politique débutera après la guerre 1914-18 en tant que conservateur.
Il poursuivra son combat, exhortant ses contemporains à se défier de l'Allemagne, prévoyant la montée du nazisme et s'opposant à l'armistice voulu par Pétain. "Dès 1933, il sait le danger hitlérien, le réarmement de la Rhénanie, l'Anschluss, ce qu'il se passe en Tchécoslovaquie puis la Pologne" poursuit Joëlle Dusseau. On le considère comme belliciste parce qu'il combat ceux qui souhaitent arrêter la guerre.
Il dit "il faut se battre contre Hitler".
Joëlle DusseauHistorienne
Victime d'antisémitisme
Comme Georges Mandel est de confession juive, il doit également affronter un "antisémitisme épouvantable, au point qu'on dit qu'il est le "Juif-assassin" qui veut tuer les Français, les envoyer à la guerre", poursuit l'historienne Joëlle Dusseau.
Un colloque se tiendra le 15 juin à Soulac pour rendre hommage à cet inlassable dénonciateur du danger nazi mais également à son engagement local en Gironde et en Médoc. Une façon de rendre hommage à ce grand homme représentant des valeurs à la française.
L'occasion aussi de rappeler "qui était ce grand républicain, à un moment où il est important de rappeler l'éveil républicain face au danger" conclut l'organisatrice.