"Y'a-t-il eu un problème avec la piqûre ?" Leur mère est morte pendant une intervention chez le dentiste, les enfants portent plainte

Florence Taillade, 68 ans, est décédée juste après une opération chez un chirurgien-dentiste de Gujan-Mestras en juillet 2023. Ses enfants, Guillaume et Marjorie, portent plainte pour homicide involontaire. Ils pointent un possible surdosage d'anesthésiques et les conditions de prise en charge de leur maman.

"Quand je l'ai déposée le matin au cabinet, elle était souriante, un peu stressée par l'opération. Je ne pensais pas ne jamais la revoir vivante."
Sept mois après le décès de sa maman, Guillaume Bonvoisin parle avec émotion de ce lundi 3 juillet 2023. Que s'est-il exactement passé dans ce cabinet dentaire de Gujan-Mestras sur le Bassin d'Arcachon où Florence Taillade, jeune retraitée sportive de 68 ans, est brutalement décédée ? Faute de réponses des deux dentistes qui pratiquaient l'intervention chirurgicale, Guillaume et sa sœur Marjorie ont déposé plainte, en novembre dernier, pour homicide involontaire.

"Ni défibrillateur, ni adrénaline dans le cabinet"

Ce jour-là, Florence Taillade doit se faire extraire plusieurs dents de la mâchoire inférieure pour la pose d'implants. Une opération lourde, pour laquelle la dentiste sollicite l'aide d'un confrère reconnu de Paris. Un devis est établi en quelques jours pour une somme de 35 000 euros, explique Guillaume Bonvoisin. 

"Nous avons tenté de dissuader maman en l'incitant à établir un autre devis, ailleurs. La qualité du devis par le chirurgien dentiste de Paris et le fait qu'il n'y ait pas le détail des soins nous a intrigués. Mais elle était pressée de se faire soigner et de profiter de la famille pour son séjour en métropole, puisqu'elle résidait à Sainte-Anne en Guadeloupe", se souvient Guillaume.

L'opération n'aura pas le temps d'avoir lieu. Florence Taillade ne supporte pas l'anesthésie et fait un violent malaise. "Quelques minutes après l'injection d'un anesthésique local, elle se retrouve en arrêt cardio-respiratoire", raconte son fils. 

Un massage cardiaque est alors pratiqué par les dentistes, avant l'arrivée des sapeurs-pompiers. "Le SMUR intervient après 45 minutes et peut enfin injecter de l'adrénaline à maman, avant de l'évacuer au CHU de Bordeaux",  ajoute Guillaume Bonvoisin.

Je l'ai vue inconsciente dans l'ambulance. Elle décèdera le lendemain.

Guillaume Bonvoisin

Le fils de la victime déplore de surcroit l'absence d'un défibrillateur cardiaque dans le cabinet et de doses d'adrénaline pour faire réagir le cœur. "Certes ces équipements ne sont pas obligatoires, mais au vu de la lourdeur de l'intervention, des précautions auraient dû être prises.", se désole Guillaume. 
"Tous les professionnels que nous avons contactés depuis le drame, nous ont indiqués que la longueur du massage cardiaque a participé au décès de notre mère." 

Florence était en pleine forme. Elle nageait tous les jours et allait en salle de sports. Elle avait plein de projets.

Guillaume Bonvoisin

Un dossier médical vide, aucune empathie des dentistes

L'opération de Florence Taillade a été pratiquée par deux chirurgiens-dentistes. La docteure exerçant à Gujan-Mestras a fait appel à un confrère, dont le cabinet se situe dans le 16ᵉ arrondissement de Paris. Il exerce aussi occasionnellement dans un centre dentaire à Bordeaux. Contacté par France 3, le secrétariat de ce dernier a décliné notre demande d'interview. Sa consœur de Gujan-Mestras est injoignable, son cabinet étant fermé pour congés.

Deux professionnels dont le comportement interroge les proches de la victime et leur avocat.
Après le décès de leur mère, le mardi 4 juillet au CHU de Bordeaux, Guillaume et sa sœur croient tout d'abord à une réaction allergique de leur mère au produit anesthésique, comme le suspecte le CHU.
Mais des analyses complémentaires, pratiquées par le centre hospitalier universitaire et dont ils prennent connaissance après les obsèques, concluent à un possible surdosage de produit, selon Guillaume Bonvoisin. Mais ces tests ne permettent pas de connaître le dosage précis. 

"Le problème, c'est que le dossier médical transmis par les dentistes est quasi-vide, avec seulement des radios panoramiques et le devis. Il n'y a aucun compte rendu de l'événement du 3 juillet et on ignore combien de doses de produits anesthésiques ont été utilisées", déplore le fils de Florence Taillade. Un fils ému et choqué qu'aucun des deux praticiens n'ait eu un mot de compassion pour leur patiente décédée. Pas plus à l'époque des faits, qu'aujourd'hui.

"La famille veut savoir pourquoi on leur cache quelque chose"

Défendus par l'avocat bordelais Me Philippe Courtois, les proches de Florence Taillade ont déposé plainte, en novembre, pour homicide involontaire auprès du Procureur de la République de Bordeaux. Ils ont ainsi pu avoir accès au dossier médical de la victime.

Mais leur avocat admet que l'enquête sera difficile : Florence Taillade a été incinérée, il n'y pas d'autopsie et aucun obstacle médico-légal a été opposé, ce que déplore Me Philippe Courtois. 

Ce n'est pas une mort naturelle, l'hôpital n'a pas prévenu le Procureur, c'est étonnant.

Me Philippe Courtois, avocat de la famille Bonvoisin

L'avocat s'interroge : "Est-ce que les gestes d'urgence ont été bien pratiqués par les dentistes qui sont restés seuls avant l'arrivée des pompiers ? Pourquoi ce sont les pompiers qui ont appelé eux-mêmes le SAMU ? Y'a-t-il eu un problème avec la piqûre, le volume de produit dans la seringue ou le lot du produit lui-même, produit qui n'a pas été saisi ?"

Il y a bien un problème de toxicité reconnu par l'hôpital. La famille veut savoir pourquoi on leur cache quelque chose, aussi bien les dentistes que l'hôpital, qui n'a pas fait de déclaration au Procureur.

Me Philippe Courtois

Une expertise médicale possible, mais uniquement sur dossier

L’enquête a été confiée dans un premier temps à la Brigade de recherche d’Arcachon, précise la procureure de la République de Bordeaux, jointe par France 3 Aquitaine.
"Dans un second temps, une expertise médicale, mais uniquement sur dossier, est envisagée compte tenu de la crémation de la défunte intervenue quelques jours après son décès, rendant impossible, de facto et des mois après, une autopsie ou des investigations en recherche des causes de la mort", ajoute Frédérique Porterie.

Les investigations devront donc s’attacher à déterminer si un comportement fautif, même indirect, a pu concourir au dommage.

Frédérique Porterie

Procureur de la République de Bordeaux

Pour l’heure, aucun des éléments fournis ne permet ce genre de conclusion, qui ne pourrait être considérée que comme hâtive, précise la Procureure.

"Nous voulons savoir ce qu'il s'est passé, pourquoi notre mère a été opérée dans ces conditions, sur une seule journée dans un simple cabinet, après un devis sommaire, pour une somme faramineuse", explique Guillaume Bonvoisin. "Avec cette plainte, on voudrait aussi attirer l'attention sur ces actes dentaires qui ne sont pas anodins", conclut-il.

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