Chanter, c'est former des sons musicaux avec la voix. Chanter, c'est aussi un moyen de réinsertion, de libération et une thérapie. Immersion dans l'univers de trois chorales particulières en Gironde. A tel point qu'elles font l'objet d'un film inédit "Chanter à tout prix".
La liberté par le chant
Pour moi, le chant, ce n'est pas élitiste, c'est un besoin fondamental. Il faut amener le chant partout !
Le ton est donné pour ce film qui s'immisce au sein de trois chorales dans lesquelles se révèle une aventure humaine exceptionnelle. Un processus qui met à l'honneur une démarche artistique et engagée qui développe, par la création collective, l’estime de soi, l’écoute et le lien social. S’évader en musique, se construire ou se reconstruire par le chant est le fruit d’un long travail démontré à travers ces exemples.
La maison d’arrêt de Gradignan
Le chef de choeur Frédéric Serrano mène depuis plusieurs années une chorale mixte, joliement et symboliquement appelée "La clé des chants", mêlant détenus femmes et hommes, une expérience unique en France.
Dans cette démarche initiée par le pôle culture de l’hôpital psychiatrique Charles Perrens de Bordeaux, Frédéric Serrano est accompagné par Françoise Mounier, psychomotricienne de la maison d’arrêt.
Dans ce milieu carcéral plus qu’ailleurs, le chant est un outil pour développer l’estime de soi, l’expression et l’écoute.
Ils sont fiers de pouvoir participer à des compositions de textes, tous ensemble, à l'unisson. L'ouverture se fait.
Derrière les barreaux, comme un pas de côté, se réunissent celles et ceux qui le veulent, sans sélection aucune. Tout le monde y a sa place. Aucun jugement n'a droit de cité. Ils s'ouvrent peu à peu les uns les autres, les uns aux autres, et composent des textes pour les chanter ensuite d'une seule voix.
S'ouvre alors une fenêtre sur un partage harmonieux et un lien pour celles et ceux qui n'ont sinon que la cellule et les barreaux pour horizon.
C'est un rassemblement de personnes. On est ensemble, hommes et femmes, détenus et soignants.
Dans le respect de l'anonymat, les détenus livrent ce qu'ils ressentent sur le fait d'appartenir à ce groupe et décrivent ce que leur procure le fait de chanter. Un sentiment d'évasion, de liberté, comme une parenthèse hors du temps et hors du lieu où ils n'ont pas choisi d'être...
Pour moi, le chant, c'est une évasion. Quand je suis à la chorale, je ne suis plus en prison.
Cette démarche humaine et artistique, Valérie Philippin, chanteuse, auteure et compositrice, la mène également mais derrière des barrières psychologiques cette fois, au sein de l’atelier vocal de l’école de musique d’Eysines.
L'école de musique d'Eysines
C'est un groupe atyique à plusieurs titres. Intergénérationnel, réunissant des chanteurs de dix à soixante-dix ans, il inclut également des adolescents en rupture scolaire, accompagnés pour autisme à l’ITEP (Institut Thérapeutique Educatif et Psychologique) d’Eysines.
Ici, les voix fragiles et timides se mêlent aux autres, plus mûres et assurées, permettant progressivement de faire apparaître de véritables personnalités capables de créer leurs propres partitions.
On dirait que tout le monde t'écoute. Et tout le monde fait ce que tu avais créé un soir dans ta chambre".
Un espace musical où chacun s’exprime, écoute et se sent écouté, trouve sa place dans le groupe et participe activement et joyeusement à la création collective. Le chant prend ainsi progressivement une véritable dimension thérapeutique pour celles et ceux qui s'ouvrent enfin.
Il y a des peurs en toi mais quand tu chantes, ça va mieux.
Dans l'intimité d'une salle municipale ou en pleine nature dans un parc de la ville, encouragé par la prestation des uns et des autres, chacun se met alors à pousser ses propres limites.
Une opportunité de s'exprimer librement et outrepasser les freins liés à la timidité, au manque de confiance en soi ou à ses différences qui font que l'on ne se sent pas tout à fait comme tout le monde.
Là aussi, face caméra, les membres de la chorale expriment les bienfaits de cet exercice qui procure un sentiment de bien-être lié à cette expérience commune.
Là encore, la force du partage et de l'ouverture à soi et à l'autre dans le chant ressortent comme un message de dépassement de barrières psychologiques, comme pour d'autres des barreaux...
Un concert solidaire avec l’école de Musique d’Eysines, il y a du talent...
— Jimenez (@njimenez33) December 15, 2019
#eysines#eysinesmunicipale 2020#nadinesanguinetjimenez pic.twitter.com/cj2ZXV530y
L'ensemble vocal Stella Montis à Prignac-et-Marcamps
Autre lieu, autre exemple mais avec en commun, le chef de choeur et la chanteuse.
Quand Frédéric Serrano ne fait pas chanter derrière les barreaux et quand Valérie Philippin ne donne pas le ton à Eysines, ils se retrouvent. Comme dans cette église d'une petite commune en bord d'estuaire de la Gironde où les chanteurs du choeur Stella Montis, dirigés par Frédéric, interprètent la pièce "Éloge de la volupté" de Valérie.
Avec Frédéric, on partage une certaine vision de la musique qui en fait une aventure : chercher, créer, expérimenter et pas seulement interpréter un répertoire.
Ce chœur, qui regroupe des chanteurs aux choix très éclectiques, a décidé depuis 2004 de se spécialiser dans le répertoire contemporain, sous la baguette de Frédéric Serrano, spécialiste en musique contemporaine. Ensemble depuis 25 ans, ils ont passé une commande d'une pièce musicale à l'auteure Valérie Pilippin.
Et c'est dans cette église de Prignac-et-Marcamps que le réalisateur a filmé le choeur en train d'interpréter librement la pièce "Eloge de la Volupté".
Tellement librement qu'ils ont d'ailleurs décidé "d'aller vivre leur chant ailleurs que face au chef et c'est d'ailleurs dans son dos que se passe l'essentiel de la pièce". Une méthode atypique qui casse les codes puisque le chef de choeur rejoint les chanteurs pour unir sa voix aux leurs.
Il n'y a plus de chef, il n'y a plus de choristes, il y a un groupe humain qui chante à l'unisson.
Et c'est bien là le fil conducteur de ce film émouvant qui, dans chaque contexte, relie par les notes et le chant des êtres humains de tout horizon jusqu'à les pousser à ne faire qu'un.
Si vous avez peur parfois, sachez que vous ne serez jamais seul si vous êtes un jour dans une chorale.
C'est aussi le chant qui amène chacun à faire abstraction de ses contraintes, de ses soucis et de ses fardeaux, quels qu'ils soient. Le chant, tel une thérapie libératoire.
Chanter rime avec humanité, solidarité et liberté... Et aussi avec rêver et se dépasser...
Il apportera aux téléspectateurs une émotion, un message et peut-être aussi une leçon comme le décrit celui qui a signé ce film en conclusion.
Faire ce film m’a permis de faire l’expérience du chant et d'en découvrir le charme puissant, quasi sorcier : écouter l’autre, se regarder, oser s’exprimer, trouver sa place, c’est s’évader des murs intérieurs qui nous éloignent des autres comme de nous-mêmes...
Chanter à tout prix (52 mn)
Diffusion : Lundi 14 décembre à 23.05 et vendredi 18 décembre à 9.15
Et en replay sur na.france3.fr
Auteur-réalisateur : Jean-Pierre Vedel
Une coproduction 13 Productions - Via Découvertes Films – TGA Production - France 3 Nouvelle-Aquitaine
Avec le soutien de la PROCIREP – Société des Producteurs et de l’ANGOA et du Programme Entreprise de Ciclic - Région Centre-Val de Loire
Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée
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