Essentielles à la biodiversité, les zones humides sont l'une des richesses de notre région. Il y a les bons élèves comme les lacs médocains. Mais à l'échelle régionale, l'association écologiste SEPANSO estime que beaucoup sont détruites ou mal protégées et que l'administration est trop lente à les défendre.
Le lac médocain est entouré de 11 000 hectares de zones humides qui participent à sa préservation. Elles font office de filtre, voire "d'éponge" qui permet d'atténuer les phénomènes climatiques. Des travaux de restauration, des "écoulements doux", ont été entrepris depuis plusieurs années dont les ouvrages sur le canal entre les lacs médocains de Carcans-Hourtin, de Lacanau et le bassin d'Arcachon.
Selon Caroline Astre, de l'Agence de l'Eau Adour Garonne : "L'eau s'infiltre en hiver et est restituée en période estivale quand il fait très chaud en milieu naturel et c'est également un support de biodiversité remarquable". Ainsi, c'est une terre d'accueil pour de nombreuses espèces, plus ou moins visibles, et notamment les oiseaux migrateurs.
Ca, c'est pour le bonne exemple, mais tous les sites de la région n'ont pas autant d'attention.
Immersion sur ces sites avec le reportage de Sandrine Valéro et Sébastien Delalot.
"Je suis catastrophé"
En matière de protection des zones naturelles, il y a les bonnes intentions, les actes, mais aussi le laisser-faire qui parfois peut faire beaucoup de dégâts. Si les travaux de préservation sont importants, Georges Cingal, secrétaire régional et président de la SEPANSO Landes, pointe du doigt le gâchis sur le terrain. "Je suis catastrophé ". Il semble se battre tous les jours contre des moulins, sans pour autant baisser les bras.
"Quand il y a la présence d'un plan d'eau, en général, il y a moins de soucis. Par contre, lorsque que cela concerne des zones humides sans plan d'eau... les inquiétudes persistent !"
Georges Cingal explique que par exemple, il vient d'être alerté sur un cas dans les Landes.
"Il y a une lagune à Luxey qui va d'être comblée... Est-ce que la SEPANSO peut faire quelque chose ? J'ai envoyé un courrier au maire avec copie à la préfète..." Le président landais exprime les limites de son action.
Le problème, c'est que la France est un pays jacobin avec des règles qui sont censées être toujours très claires. Mais derrière, il y a toujours des systèmes de dérogations et de régularisation qui permettent (...) de saccager l'environnement.
Georges Cingal- Sepanso LandesFrance 3 Aquitaine
Il y a plusieurs Schémas d'Aménagement de Gestion des eaux (SAGE) dressés sur les territoires (non-exhaustifs) qui permettent d'identifier des secteurs humides. Aujourd'hui, seule la flore typique, fleur ou plante hydrophile, permet de les caractériser. Avant, il fallait identifier des données géologiques et naturalistes.
"Le drainage a été pendant des années subventionné par les conseils généraux, en Gironde, dans les Landes, le Lot-et-Garonne : on a fait disparaître des tas de zones humides ! Il en reste. On ne le subventionne plus, c'est déjà bien. Mais pensez-vous qu'il est rationnel de continuer à autoriser le drainage ? "
Pour lui, une zone inondable doit rester inondable. L'erreur c'est de construire dans ces secteurs. Car "ces parties basses jouent un rôle fondamental pour la biodiversité et surtout, là ça va devenir critique, au niveau climatique ! La résilience, l'atténuation des pics de chaleur ou des épisodes de froid rigoureux vont être beaucoup plus sévères puisqu'on élimine l'eau qui est un facteur de climatisation".
"Le problème, c'est tous ces vastes territoires privés..."
L'intérêt pour la préservation des zones humides ne semble pas aller de soi, même pour les porteurs de projets dits "verts", notamment en matière d'énergie renouvelable.
Par exemple, quand il s'agit de déboiser ou de détruire une zone humide pour implanter des panneaux photovoltaïques. Il donne l'exemple de la centrale du Gabardan dans le sud-est des Landes. "Oui, le photovoltaïque, on est plutôt pour... Je ne connaissais pas (le site, NDLR), on se rend sur le terrain. Et je découvre des zones humides absolument superbes, des secteurs où chantaient entre 100 et 200 grenouilles vertes, c'était plein de tritons des deux sortes, marbrés et palmés... c'était pas possible !"
Vous pouvez y aller maintenant en chaussures de ville, vous risquez rien : tout a été drainé. Les dizaines d'hectares ont été complètement stérilisés...
Georges Cingal - Sepanso LandesFrance 3 Aquitaine
Concernant le site de centrale photovoltaïque d'Igos-Saint-Saturnin, "on a attaqué à plusieurs reprises. Enfin, la SEPANSO a gagné. Le tribunal dit effectivement, l'Etat n'aurait jamais dû autoriser le défrichement. Oui mais... la centrale est construite et produit de l'électricité". "On va faire appel, demander le démontage et la réhabilitation du site. Mais je ne me fais guère d'illusion".
Donc, on se trouve même dans de l'absurde ! Vous avez vu l'histoire du lac de Caussade (...) Non, l'administration ne gère pas les territoires. (...) Il y a une forme de dédoublement de la personnalité : on tient de grand discours, comme Emmanuel Macron à Marseille ou à la COP, mais sur le terrain c'est pas vrai : c'est le bazar !"
Ces associations ont des moyens limités et peuvent souvent passer pour des empêcheurs de tourner en rond.
Il raconte, par exemple, que son principal interlocuteur est la préfecture qui n'a "pas répondu à la moitié de mes courriers". Néanmoins, l'association persévère et obtient des résultats mais sur le long terme. "La SEPANSO a fait annuler le PLU de Biscarosse. Ils prévoyaient un centre d'hydrothérapie (...) un centre d'hébergement pour personnes âgées... Un cadre somptueux ! ", mais malheureusement sur deux zones humides identifiées. Heureusement, selon lui, la cause a été entendue. Ce qui n'est pas toujours le cas, comme à Hossegor où, malgré la décision de justice, la commune n'a "pas tenu compte de la jurisprudence !"
Pessimiste, Georges Cingal semble l'être, même quand on évoque la possibilité de conjuguer préservation et tourisme. Pour lui, la pression touristique devient excessive et l'argument touristique "c'est se tirer une balle dans le pied. Car du point de vue végétal, ça va, mais l'appauvrissement en biodiversité est dramatique". Il faut pour lui "sanctuariser un secteur, un no-man's land. Qu'il n'y ait personne. "
Il faut laisser à la nature ses droits fondamentaux.
Georges Cingal - Sepanso LandesFrance 3 Aquitaine
Les zones humides plus menacées que les forêts
La cause est universellement reconnue mais son application, ici comme ailleurs, ne va pas de soi. Même si nous assistons à une prise de consciences de la nécessité de préservation de ces écosystèmes, c'est près de 35% des zones humides de la planète qui ont disparus en 50 ans, trois fois plus vite que les forêts. Alors qu'elles représentent l'écosystème le plus productif. Par exemple, 40 % des espèces mondiales vivent ou se reproduisent dans ces zones mais un quart d'entre elles sont menacées de disparition.
Il faut dire qu'elles ont longtemps été associées aux maladies qui s'y propageaient, notamment à cause des moustiques comme le paludisme ou la malaria. Mais leur présence permet pourtant d'amoindrir les effets des changements climatiques.
Une journée mondiale
La journée mondiale des zones humides, le 2 février, célèbre la signature en 1971 d'un traité international sur les zones humides, la Convention de Ramsar, première étape d'une prise de conscience de l'importance de la préservation de ces écosystèmes.
Dans un message enregistré à l'occasion de cette journée, Martha Rojas Urrego, Secrétaire générale de la Convention sur les zones humides déclare : "Les zones humides sont source de vie. Leurs services, dont la valeur s’élève à 47 000 milliards USD par an, comprennent presque toute notre eau douce, des produits alimentaires, des matières premières et des médicaments. Mais en dépit de ces avantages vitaux, les zones humides disparaissent trois fois plus vite que les forêts. Il est impératif que les mesures de protection, gestion et restauration des zones humides soient inscrites dans le Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 et dans les Contributions déterminées au niveau national de tous les pays pour obtenir un impact de l’ampleur dont nous avons besoin."
La campagne appelle toute la société à prendre des mesures d’urgence pour inverser la perte des zones humides : que ce soit en mobilisant des fonds, en transformant les pratiques agricoles, en réduisant le gaspillage de l’eau, en contribuant aux efforts de restauration ou en soutenant les nettoyages locaux des zones humides.
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