Alors qu'une enquête d'Envoyé Spécial apporte de nouveaux témoignages étayant la piste de l'assassinat politique, Fabienne Boulin, fille du ministre Robert Boulin, plaide pour que le juge d'instruction puisse travailler vite. Les témoins vieillissent. Voici ses explications.
Voilà 38 ans que Fabienne Boulin, fille de l'ancien député maire de Libourne, ministre de l'époque, veut faire démentir la version officielle : le suicide. Depuis sa première action en justice, en 1983, elle persévère dans son combat.
8h40, le mardi 30 octobre 1979, les gendarmes découvrent le corps de Robert Boulin dans un étang peu profond des Yvelines. Officiellement, le ministre du Travail de Valéry Giscard d’Estaing s'est noyé. Avant même l'autopsie, la version officielle privilégie la thèse du suicide. Or ce gaulliste historique savait beaucoup de choses sur les secrets inavouables du pouvoir…Nous avons amené des témoins à la justice. Des témoins occulaires, directs. Mais il faut faire vite. Ces témoins vieillissent, l'un d'entre eux à 94 ans.
Ce jeudi soir, dans "Envoyé spécial", Benoît Collombat et Bernard Nicolas livrent des révélations sur un crime d'Etat. Les journalistes ont interviewé des témoins clés que la police n'avait pas entendus. Tel ce médecin du Samu, arrivé sur les lieux avec les pompiers le matin de la découverte du corps.
Les journalistes d'investigation travaillent sur ce dossier depuis 2001. Fabienne Boulin témoigne de leur travail précieux :
Il y a eu absence de la justice. Les journalistes d'investigation ont eu toute leur place.
"Il faut une volonté politique"
Pendant 23 ans, pas de juge d'instruction, un non-lieu en 1991.
Heureusement, des témoins sont venus vers moi. Des farfelus aussi, il a fallu faire le tri. J'ai appris avec le temps.
Et des témoignages accablants comme celui de Bernard Fonfrède toujours installé en Gironde, il y en a eu au fil des années. Il a été suppléant de Robert Boulin.
Il a eu provisoirement la garde des archives du Ministre Boulin avant qu'on lui donne l'ordre de les détruire. En l'occurence sous l'oeil du SAC ( service d'ordre du mouvement gaulliste ).
Enfin, depuis 2 ans, l'espoir renaît. Le parquet de Versailles a confié l'enquête à un juge d'instruction pour faits nouveaux. Depuis 2 ans, il y a eu 3 juges qui se sont succédés.
J'ai été reçue par le juge le 11 octobre. Le dernier juge nommé a demandé à me rencontrer tout de suite. Aujourd'hui, je suis contente d'avoir maintenu le cap pendant 38 ans, pour montrer qu'il est possible de tirer la justice vers le haut.
Le juge a des obstacles considérables : il n'a pas l'original du dossier, juste un CD-ROM et des photos peu exploitables. Il cherche à savoir où il est, d'après Fabienne Boulin.
C'est un juge d'expérience qui a d'ailleurs séjourné en Gironde. Nous sommes à la croisée des chemins. Il faut une volonté politique pour aboutir. Que le juge ait les moyens de travailler. On parle de moralisation, c'est l'occasion.
Dés témoins majeurs comme Philippe Mestre, au cabinet de Raymond Barre à l'époque, ont été informés du décès dans la nuit alors que le corps n'avait officiellement pas été découvert. Il vient de mourir sans avoir été entendu.
Claude Guéant n'a pas non plus été entendu. Il officiait comme collaborateur du ministre de l'Intérieur à l'époque. Le déroulé de cette affaire est symptomatique des arcanes de notre République, déconfite et mafieuse pour moi.
Fabienne Boulin est sûre de son combat. Elle sera présente sur le plateau d'Envoyé Spécial avec Elise Lucet ce jeudi soir en complément du document diffusé.
Voyez les récits des témoins rencontrés par les journalistes d'investigation Envoyé Spécial :( Benoît Collombat, Bernard Nicolas et Arnaud Mansir )
Mort de Robert Boulin : le juge d'instruction demande la levée du secret défense https://t.co/jcJK509Rf7
— Europe 1 (@Europe1) February 24, 2017