Pour la première fois, la haut-viennoise Yolande Meaud témoigne, 5 ans après l'assassinat de ses jumelles Charlotte et Emilie lors des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Elles avaient 29 ans.
Emilie et Charlotte Meaud n'auront pas fêté leurs 30 ans. Attablées avec leurs amis à la terrasse du Carillon à Paris ce vendredi 13 novembre 2015, les soeurs jumelles originaires d'Aixe-sur-Vienne sont mortes sous les balles des terroristes. Cinq après, leur mère Yolande témoigne pour la première fois. Veuve, cette ancienne institutrice qui ne supporte pas de voir la pitié dans le regard des autres s'est confiée à Isabelle Rio et Jean-Marie Arnal.
Emilie et Charlotte, la joie de vivre
"Mes filles allaient avoir 30 ans. Elles ont eu des parcours séparés, en France et même à l'étranger et puis elles s'étaient retrouvées depuis un an à Paris. Lors des attentats de Charlie Hebdo, elles étaient dans les manifs. Elles avaient des valeurs, comme le respect de l'environnement, l'antiracisme... Je ne pense pas qu'elles avaient particulièrement peur d'attentats mais on en parlait.
L'une était architecte, l'autre travaillait dans une association qui aidait les start-up à se développer, à trouver des financements. Elles avaient un groupe d'amis qui se retrouvait le vendredi soir pour fêter la fin de la semaine autour d'une bière, ils refaisaient le monde et comme elles étaient fumeuses, il fallait être sur la terrasse évidemment, ce qui leur a coûté la vie".
Une plaie ouverte, 5 ans après
"J'ai l'impression que c'était hier, ça reste une plaie ouverte. On vit avec cette souffrance mais il y a toujours des événements qui ravivent cette douleur, comme les attaques terroristes de ces derniers temps qui ont été horribles. On a du mal à vivre, à avancer. Dès qu'il y a un attentat, tout de suite, tout revient, j'y suis hyper sensible. Je garde une fragilité et quand j'attends quelqu'un, que je n'ai pas de nouvelles, c'est horrible, j'imagine le pire. Ca s'est passé comme ça pour elles, j'ai passé la journée, la nuit entière à les chercher".
On garde une fragilité. Quand j'attends quelqu'un, que je n'ai pas de nouvelles, c'est horrible, j'imagine le pire. Ca s'est passé comme ça pour elles, j'ai passé la journée, la nuit entière à les chercher
Etre entourée, une force
"Ce qui m'a fait tenir, c'est d'être bien entourée, par ma famille. Mon fils, au début, est resté trois mois avec moi. Il y a mes amis qui sont très présents, et puis les amis de mes filles avec qui je suis restée en contact : ça me permet de les faire vivre un peu, de se rappeler des choses un peu plus gaies quand elles étaient là.
Je me maintiens pour mon fils, mon petit-fils, ma belle-fille, même s'ils sont loin puisqu'ils vivent à Atlanta, aux Etats-Unis. C'est difficile avec la pandémie, je n'ai pas vu mon petit-fils depuis Noël : on se voit sur skype mais ce n'est pas pareil."
Un procès hors-norme prévu en janvier 2021
Il faut que ce procès se passe, que ces gens soient jugés, ceux qui sont impliqués dans l'affaire, mais dire que ça m'apportera quelque chose : non, non, non, non."
En janvier 2021, ces attentats du 13 novembre feront l'objet d'un procès hors-norme. "Durant l'instruction, on nous a apporté beaucoup de renseignements explique Yolande Meaud. Il y a toujours Abdeslam [unique rescapé des commandos qui ont coûté la vie à 131 personnes et fait plus de 400 blessés], le seul qui pourrait parler et qui ne veut pas parler, qui se moque du monde, donc je n'ai pas du tout envie de l'entendre, je crois que ce n'est pas la peine. Il faut que ce procès se passe, que ces gens soient jugés, ceux qui sont impliqués dans l'affaire, mais dire que ça m'apportera quelque chose : non, non, non, non."
Au printemps 2021, deux magnolias fleuriront devant l'école élémentaire Robert Doisneau, un hommage de la ville d'Aixe-sur-Vienne à Emilie et Charlotte, qui ont grandi dans cette école où leur mère enseigna durant 22 ans.