« La situation financière est fragile et dégradée » : la Ville de Bellac dans le viseur de la Chambre régionale des Comptes

La Chambre régionale des comptes de la Nouvelle-Aquitaine vient de rendre un rapport qui révèle la tension budgétaire propre à la commune de Haute-Vienne. Pour comprendre ce rapport, en voici le détail.

L’analyse est sans concession. « La situation financière est fragile et dégradée » écrivent les magistrats financiers qui émettent de « sérieuses réserves » sur la fiabilité et la sincérité des comptes qui leur ont été présentés. En cause : l’endettement qui est trop élevé en raison d’une utilisation trop importante de l’emprunt.

Sur la période étudiée de 2016 à 2021, les deux maires qui se sont succédé y ont eu recours massivement pour financer les dépenses d’investissements. Ce qui ne s’est pas fait sans mal puisqu’en 2020, les banques ont carrément refusé d’accorder des prêts à la Ville de Bellac.

Une zone rouge

L’année suivante, malgré une volonté affichée de se désendetter, la ville n’a pas réussi durablement à diminuer l’encours de la dette et l’annuité en capital qui "demeurent chacun à un niveau très élevé" (encours de 6,55  millions d’euros et annuité de 754 000 euros en 2020). Ce qui a eu pour conséquence logique de freiner brutalement « la capacité de la commune à épargner et à se désendetter ».  Celle-ci a atteint les neuf années qui sont une zone rouge puisque le plafond de référence est de douze ans.

À cela s’ajoute « une forte rigidité des charges courantes ». La Chambre pointe du doigt, à ce sujet, en termes convenus, « le poids significatif de la masse salariale. Les effectifs sont de 94 agents. Ce qui situe Bellac à un niveau supérieur des communes de 3 500 à 5000 habitants.  Enfin, les taux d’absentéisme sont élevés – 16,87% pour les agents titulaires."

Un territoire qui s’appauvrit

Au-delà, le principal problème, c'est que, faute de recettes suffisantes et d’excédent de fonctionnement, la commune n’a plus de marge de manœuvre.

Il faut dire que le contexte social et économique n’est pas rose. La population s’élève à 3639 habitants en 2022, en recul de 525 habitants depuis 2016. Elle présente « un vieillissement marqué ». Près de 45% des Bellachons ont plus de 60 ans. Le taux de pauvreté dépasse les 20%. Le revenu disponible médian atteint péniblement les 18 670 euros.  Le taux d’emploi ne dépasse pas les 56%. De plus, la population est peu diplômée (31,2% de non diplômés, une proportion nettement supérieure à celle de la région). Tous ces facteurs contribuent à limiter considérablement les capacités de la commune à investir et à se désendetter.

D’autant plus que le nombre d’habitants imposables est limité. Deux foyers sur trois ne paient pas l’impôt sur le revenu contre quasiment un sur deux au niveau départemental. Mais surtout, comme le note le rapport de la Chambre régionale des comptes, malgré une légère augmentation, les ressources fiscales propres à la commune, offrent de "faibles marges de manœuvre (…) qu’il s’agisse des bases ou des taux, et ce, alors que la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP) contribue à réduire encore" l’autonomie fiscale de Bellac.

Des solutions provisoires déjà en place

Dans ces conditions, consciente de cette situation, l’actuelle équipe a donc dû chercher de nouvelles ressources. Les taux des taxes foncières ainsi que les tarifs municipaux ont été augmentés significativement

La Ville cherche, par ailleurs, à céder une partie de son patrimoine. C’est le cas pour les murs de l’hôtel - restaurant "Le Central" (150 000 euros, estime le service des Domaines), de l’ancien hôpital (80 à 100 000 euros), trois anciens immeubles, ou encore deux autres cédés à la communauté de communes, sans oublier des lots de lotissements.

Mais les élus tentent de maitriser les charges de gestion tout en poursuivant, affirment-ils aux magistrats financiers, de poursuivre les efforts de maitrise de fonctionnement et d’économiser au maximum. La piscine, par exemple, n’est ouverte que deux mois par an, la masse salariale est diminuée dans la mesure du possible, des structures sont réorganisées pour permettre de mutualiser les moyens et les coûts.

Un pilotage qui étonne

Mais ce qui frappe dans ce rapport, c'est le difficile pilotage de la trajectoire budgétaire de la commune. Depuis le mois de juillet 2020, le maire – Claude Peyronnet (DVG), élu le 3 juillet de cette année à la suite de Corine Hourcade-Hatte (SE), élue le 4 avril 2014 - est seul aux commandes. Certes, l’édile est assisté par des adjoints. Mais, c’est bien lui qui, relève les magistrats, "pilote directement les services communaux. Cette situation est clairement insatisfaisante".

En lisant la suite, on comprend aisément pourquoi. "Cette situation entretient une confusion entre responsabilité politique et responsabilité administrative". Ce qui pourrait mettre en danger les "élus administrateurs" en cas de dysfonctionnement grave. Ils s’exposent, en effet, "à des risques juridiques importants en matière civile, pénale et financière".

D’ailleurs, la chambre note quelques irrégularités – certes mineurs - en particulier dans le calcul des indemnités des élus et également en matière "d’information budgétaire et financière aux élus et aux administrés". Pour remédier à ce problème de structure interne, un directeur général des services va prochainement être recruté.

Bellac est-elle dans l'impasse ? 

Non : cette photographie inquiétante des finances de Bellac ne devrait pas, pour autant, se traduire par, à terme, une mise sous tutelle. D’ailleurs, cette nomination est inexacte : le code des Collectivités Territoriales emploie le terme de "mesures de redressements" dans des cas très précis : un budget non adopté, en déséquilibre, accusant un déficit non résolu. Ce qui oblige le préfet à saisir la Chambre régionale des comptes qui donne un avis technique ou met en place des mesures de redressement pour résorber le déficit. Les prérogatives budgétaires de la collectivité territoriale ou de l’EPCI – établissement public de coopération intercommunale - sont donc réduites.

L'accompagnement et l’intervention de l’État deviennent moteurs dans la gestion publique.

En l’état actuel de la situation budgétaire, la Chambre régionale des comptes conclut que "la soutenabilité de (la) politique d’investissement" lui semble douteuse. Elle suggère donc que la Ville de Bellac s’achemine vers une pause dans ce domaine : en clair, il faudrait s'interdire tout nouvel investissement. Ce serait le moyen le plus adéquat de maitriser l’endettement et d’éviter, éventuellement, des mesures de redressement.

Autre exemple de difficultés financières : Creuse Grand Sud

En Limousin, le cas le plus emblématique est celui de Creuse Grand Sud - qui n'est pas une commune, mais une communauté de communes - et qui est soumise à un plan pluriannuel depuis 2017. Ce qui se traduit par des mesures d’économies drastiques pour respecter la trajectoire de redressement qui a été définie par la Chambre régionale des comptes, sous le contrôle de l’État, via la Préfète de la Creuse.

Les magistrats financiers devraient rendre public un avis la semaine prochaine (semaine du 5 au 11 juin) qui pourrait redonner à cet EPCI sa liberté budgétaire après six années de purgatoire.

 

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