Il a fallu aussi garder un lien fort avec les enfants des familles installées sur les aires d'accueil des gens du voyage. Le rectorat, Limoges-Métropole, les mairies, les enseignants... une chaine de solidarité s'est déployée pour assurer une continuité pédagogique des enseignements
 

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La continuité pédagogique des enseignements est la préoccupation de l'éducation nationale depuis la crise sanitaire. Dans les académies, les enseignants se sont mobilisés, les parents aussi par voie de conséquence.

Une ambition qui a cependant ses limites : la rupture numérique déjà. A défaut d'ordinateur, de connexion internet ou d'imprimante à portée de main, difficile de recevoir les enseignements préparés à distance et d'avoir un suivi. Mais beaucoup de parents se sont aussi trouvés en difficultés pour assister leurs enfants. Des freins qu'ont rencontrés également les familles installées sur les 6 aires d'accueil des gens du voyage référencées par Limoges-Métropole, à Limoges, Couzeix, Feytiat, Panazol, le Palais-sur-Vienne et Isle.

Les enfants du voyage sont scolarisés dans les établissements scolaires selon leur âge et leur niveau pendant leur itinérance. Le fait qu’une famille soit hébergée de manière provisoire sur le territoire d’une commune est sans incidence sur le droit à la scolarisation des enfants. C’est la résidence qui détermine l’établissement scolaire d’accueil selon le code de l'éducation, les écoles et les établissements du secteur du lieu de stationnement scolarisent donc ces enfants. Les déplacements des familles itinérantes ne facilitent pas cette continuité scolaire et l'apprentissage, mais le mode de vie ne doit pas faire obstacle aux projets de scolarité des élèves et de leurs parents, ni à la poursuite des apprentissages. Les enfants de 3 à 16 ans doivent donc recevoir une instruction dans les mêmes conditions que les autres, quelles que soient la durée et les modalités du stationnement et de l'habitat.

Pendant le confinement, le CASNAV de l'académie de Limoges - qui a notamment en charge l'enseignement des élèves à besoins éducatifs particuliers - a encadré le suivi pédagogique des enfants des gens du voyage.

Valérie Maurin-Dulac, responsable académique du CASNAV de l'académie de Limoges, souligne la mobilisation qui s'est rapidement mise en place à l'annonce du confinement


Notre travail a été d'abord de rassurer ces familles sur l'intérêt de continuer les apprentissages. Nous nous confrontons souvent à une ambition scolaire assez faible, nous devons donc stimuler les familles pour poursuivre ce qui est dispensé dans les écoles. Mais il nous a fallu aussi prendre compte des difficultés matérielles qui se posaient.


Le lien est en effet plus compliqué à garder lorsque les supports pédagogiques sont préparés et communiqués par voie numérique. Comment faire lorsqu'il n'y a pas d'ordinateur ? Ou même lorsqu'il n'y en a qu'un pour plusieurs enfants ? Sans compter que la connexion internet ne va pas non plus de soi. Ce sont souvent des cartes prépayées, à durée déterminée qu'il faut donc renouveler. Il y a alors une rupture dans le suivi.
 

Une chaîne solidaire


Très vite les difficultés ont été identifiées. Il fallait que les documents des enseignants puissent être imprimés et distribués auprès des familles. Mais une fois le principe posé, restait à mettre en place toute une logistique.

Geneviève Guilliano, chargée du suivi de la scolarisation des enfants des familles itinérantes et de voyageurs au CASNAV, a travaillé de concert avec Anne-Cécile Fall, coordinatrice des aires d’accueil des gens du voyage à Limoges-Métropole, et les enseignantes de l'APEV 87- Assistance Pédagogique aux Enfants du Voyage.
 

Nous nous sommes toutes appelées, à défaut de pouvoir se réunir physiquement. Les solutions ont été trouvées au fil des problèmes qui se présentaient. Il a fallu tout d'abord identifier les enfants, trouver les coordonnées des familles pour les localiser, certaines étaient obsolètes. Je salue là le travail très chronophage mais essentiel des deux enseignantes référentes de l'APEV 87. Il y a quand même 60 écoles sur la Haute-Vienne, autant qu'il a fallu joindre pour être sûrs que les enfants étaient toujours scolarisés. Puis ce sont les mairies ou les écoles des communes sur le territoire desquelles se trouvent des aires des gens du voyage qui ont été contactées et qui ont accepté de devenir le relais indispensable.


Tout le monde a joué le jeu dans ce partenariat tripartite. Les documents des enseignants étaient adressés sur la messagerie électronique des mairies ou des écoles. Les secrétaires de mairie imprimaient les documents et les mettaient sous enveloppe, par enfant et par famille. Un travail fastidieux souligne Geneviève Guilliano.
 

Restait à les distribuer. Une distribution deux à trois fois par semaine. Il y a eu un gros travail des deux enseignantes référentes de l'APEV87, qui ont fait le lien entre les écoles, les familles itinérantes et les distributeurs.


Justement. Il a fallu aussi trouver les moyens de distribuer ces enveloppes. À Couzeix, c'est la police municipale qui s'est occupée des navettes. À Limoges et au Palais-sur-Vienne, les agents gestionnaires des aires d'accueil de Limoges Métropole se sont chargés de cette mission de prendre les contenus pédagogiques auprès des mairies volontaires ou des écoles pour les présenter aux familles. 

Anne-Cécile Fall, coordinatrice des aires d'accueil des gens du voyage à Limoges-Métropole, souligne la mobilisation importante de ces agents gestionnaires, tout comme celle du médiateur social de Limoges Métropole.
 

Le médiateur social de Limoges Métropole a beaucoup travaillé avec les enseignantes de l'APEV 87 pour identifier les enfants présents sur les aires et récupérer les informations concernant les familles. Et ça a plutôt bien marché. Limoges Métropole réfléchit d'ailleurs à la poursuite du dispositif jusqu'à la fin juin. Ne restent plus que quelques ajustements. 
 

La maman de Kyslone, 10 ans et de Kurtys, 9 ans, est ravie de ce système qui été mis en place rapidement. Dans un premier temps, dès le lendemain du confinement, les garçons ont eu un code d'accès pour se connecter au site beneylu school, où les enseignants déposaient les cours et les devoirs. Mais il a fallu rapidement imprimer des documents et c'est là que les navettes ont été utiles
 

J'ai voulu acheter une imprimante dans les magasins restés ouverts, mais il n'y en avait plus. Du coup, ils ont apporté les devoirs et  les leçons, c'était parfois le gardien de l'aire d'accueil, parfois le médiateur. Leurs passages étaient réguliers, mes garçons ont pu suivre grâce à tout ça. Ils sont restés autonomes pour apprendre, par contre après je vérifiais en leur faisant réciter ou en faisant les dictées. La  maitresse aussi a mis en place une classe virtuelle, une fois par semaine pour qu'elle explique quand ils avaient des questions. C'est vrai qu'il faut avoir un ordinateur du coup. Parfois il y a aussi trop de connexions sur le site et plus personne ne peut plus se connecter. Globalement ça marche bien. Et ça continue. Ils ont pris le rythme maintenant, ils savent ce qu'il y a à faire. Le retour à l'école pour 15 jours, je ne préfère pas. C'est prendre des risques inutilement. On vit tous ensemble, nous avons des parents âgés, on ne peut pas se permettre de prendre de risques.


La maman de Dylan 14 ans et de Jason 12 ans, au collège, et de Chana 9 ans, en CE2, rapporte également ses difficultés. La famille est hébergée dans l'une des maisons construites pour les familles des gens du voyage au Palais-sur-Vienne. Sans ordinateur puisque sans réseau, les garçons ne peuvent recevoir leurs cours. Elle s'est déplacée elle-même au collège pour récupérer les devoirs de ses deux garçons
 

ça n'a pas été simple car j'étais prête à mettre au monde mon dernier, qui est né le 4 mai. Mais je l'ai fait jusqu'à ce que je rentre à l'hôpital accoucher. Pendant la naissance, c'est mon mari qui a pris le relais au collège. Pour Chana en revanche, j'ai bénéficié des navettes mises en place. C'était quand même plus pratique. Déborah, l'enseignante de l'APEV 87, nous appelait aussi pour savoir si Chana suivait et comprenait tout. Ma petite est sérieuse, tout va bien. Pour les garçons, c'est plus compliqué, nous on peut pas trop les aider. Mais ils n'ont pas repris le collège, je ne veux pas prendre de risque pour le bébé.


Un contenu pédagogique adapté à la situation


Naturellement, il est plus difficile pour un enseignant de mobiliser l'attention d'enfants qu'il n'a pas en face de lui. Compte-tenu de la situation à distance, les supports pédagogiques ont été adaptés pour trouver dans le jeu de quoi mobiliser l'attention et la concentration des enfants. Ces apprentissages plus ludiques ont été bien reçus dans la majorité des cas. L'ambition a été plus d'entretenir les connaissances que d'en développer de nouvelles, précise Valérie Maurin-Dulac, responsable académique du CASNAV.
 

Nous avons misé davantage sur le maintien des acquis fondamentaux que sur de nouveaux apprentissages, la présence d’un enseignant étant moins indispensable dans ce cas. La médiation de l'enseignant est en effet difficile dans le cadre de cette situation inédite. Pour les élèves concernés par le brevet ou la certification de formation générale, nous allons pouvoir utiliser les notes de l'année, l'essentiel était donc que ces enfants continuent à développer des compétences

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