Entre Creuse et Haute-Vienne, Gilles Clément soutient les zones rurales et les associations qui luttent contre la bétonisation

durée de la vidéo : 00h01mn56s
Gilles Clément soutient la mobilisation contre la bétonisation de terres agricoles et naturelles en Haute-Vienne et Creuse ©Isabelle Rio Valérie Agut Mary Bernhard France 3 Limousin

Gilles Clément au secours des espaces naturels et agricoles à La Croisière, entre la Creuse et la Haute-Vienne. L'éminent botaniste creusois soutient la mobilisation des associations contre l'extension prévue du parc d'activités industrielles.

À Saint-Amand-Magnazeix en Haute-Vienne ce 8 avril, Gilles Clément, entouré de près de 100 personnes, apprécie les bienfaits d'une déambulation printanière. Tous évoluent à travers des prairies, des champs de blé, des bois, des zones humides et des espaces naturels. Il fait particulièrement beau ce samedi de Pâques et la nature s’éveille.

Mais le bonheur de cette randonnée à travers champs et bois a pour ces participants un goût amer. Tout ce bocage qui s’étend sur 46 hectares est susceptible demain de disparaitre sous les pelleteuses et le béton, par décision du SMIPAC (Syndicat mixte interdépartemental du parc d'activités de la Croisière) qui a obtenu de passer la zone en constructible, et ce, dans une zone encore plus largement urbanisable de 74 ha. Une opération de bétonnage de grande envergure pour étendre le parc d’activités de la Croisière.

Mon message, c'est de faire prendre conscience de l'urgence qu'il y a à sauver tout ce qui nous permet de vivre, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, la qualité de nos aliments, pourquoi détruit-on ces sols, ces pratiques qui ont des vertus reconnues et de plus en plus pointées, sans poison et de façon que nos paysages restent harmonieux et riches en diversité, dont nous dépendons

Gilles Clément, botaniste, entomologiste, jardinier-paysagiste

Un projet de bétonisation incompréhensible en 2023, en pleine urgence climatique

Le projet d’extension, qui doit déboucher à l’horizon 2024, permettrait, selon le SMIPAC, d’éventuelles implantations d’activités industrielles et artisanales. Le syndicat avance donc l’intérêt économique et la création d’emplois.

On ne peut pas comprendre, l’humanité ne peut que comprendre, qu’on gaspille encore des terres naturelles et à vocation agricole, d’autant qu’on n’est pas du tout en carence de foncier à vocation économique

Christophe Dubois, enseignant, président de l’association "Zones Rurales A Défendre""

Pour les deux agriculteurs qui exploitent leurs champs dans cette zone et de laquelle ils peuvent être expropriés, c’est un affront. Ils ne cachent pas souffrir de cette dévalorisation affichée par le SMIPAC, à titre personnel et professionnel.

"On leur oppose une vocation économique, comme si la leur n’avait pas cette même vocation économique ! Énormément de villages perdent leurs exploitants agricoles faute de repreneurs, ici, on en a deux qui exploitent, vendent en circuits courts, sont des acteurs de liens sociaux et on veut leur bétonner leur outil de travail, c’est inadmissible » souligne une personne sur place.

Un sentiment partagé par l’association Terre de liens.

Cette activité essentielle nourrit la population et avec les enjeux actuels du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité, il faut absolument préserver ces espaces naturels. Or, à ce jour, l’impact agricole n’a même pas été mesuré par le SMIPAC depuis novembre 2021, alors que toute l’activité va être détruite, c’est quand même un gros problème

Vincent Laroche, porte-parole de l’association « Terre de liens Limousin ».

Des zones humides précieuses alors que les sécheresses s’enchainent en Limousin aussi

Pour l’association Transition limousine, le site naturel impacté par ce projet de bétonisation est indispensable au territoire. Il l'est depuis des millénaires, il sera encore plus dans les décennies à venir.

L’idée est de comprendre que chaque espace quel qu’il soit a un intérêt. 20 à 30% de la forêt française va souffrir, y compris en Limousin, c’est donc important de comprendre que nos prairies, nos forêts, nos paysages vont changer, les sols vont s’assécher, les températures vont s’élever, les capacités de stockages de carbone vont diminuer… La question est donc quel arbitrage je fais, quel projet je favorise à l’aune de ce tout ça.

Nicolas Picard de l’association Transition limousine

Les associations et personnes présentes dénoncent une politique opportuniste à court terme, sans connaissance des enjeux climatiques.

C’est aberrant de penser que ces terres n’ont pas de valeur si ce n’est bétonnées. Quand j’ai posé la question au président du SMIPAC, Monsieur de Coursier, il n’a pas lu le rapport du GIEC, donc ça pose là aussi la question de la formation de nos élus, qu’ils soient locaux, régionaux ou nationaux à ces enjeux-là?

Vincent Laroche porte-parole de Terre de Liens Limousin

Une artificialisation galopante que veut pourtant contrer l’Etat français

Condamné par le tribunal administratif de Paris le 14 octobre 2012 pour inaction climatique après « l’affaire du siècle », l'État français a pris quelques mesures, notamment l’objectif de « zéro artificialisation nette » prévu par le Plan Biodiversité. C’est aussi la loi Climat et Résilience qui fixe l’objectif de réduire de moitié le rythme des espaces consommés dans les dix prochaines années.

Sur le site du ministère de l’Écologie, on peut lire par exemple que le gouvernement souhaite travailler avec les collectivités pour repenser l'aménagement urbain et réduire efficacement l’artificialisation des sols : "L’artificialisation des sols, conséquence directe de l’extension urbaine et de la construction de nouveaux habitats en périphérie des villes, est aujourd’hui l’une des causes premières du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Le gouvernement souhaite protéger ces espaces naturels, en instaurant l’objectif de “zéro artificialisation nette” prévu par le Plan Biodiversité, et travailler avec les collectivités pour repenser l'aménagement urbain et réduire efficacement l’artificialisation des sols".

Or, les espaces naturels, agricoles et forestiers de nos territoires continuent à diminuer à un rythme trop important, du fait de l’étalement urbain et de l’artificialisation des sols, même dans les territoires où la population et les emplois n’augmentent pas. Ce sont ainsi en France, entre 20 000 et 30 000 hectares qui sont artificialisés chaque année, une artificialisation qui augmente presque 4 fois plus vite que la population, et a des répercussions directes sur la qualité de vie des citoyens, mais aussi sur l’environnement.

L'extension de la Croisière sur ces terres agricoles et naturelles est pour les participants d'autant moins légitimes qu'il existe des friches industrielles sur ces territoires. 

« On est à 5 min en voiture de La Souterraine, puisque des entreprises ont fermé, on pourrait réutiliser ces espaces, on est aussi à 5 min de Bessines, il y a Châteauponsac, et donc plutôt que de bétonner de la terre, pourquoi ne pas utiliser une terre qui l’a déjà été et la réadapter à des besoins industriels et artisanaux ? interroge Vincent Laroche de Terre de Liens Limousin.

Un cerisier centenaire, symbole de cette lutte

En lisière des terres agricoles, le long de la petite route champêtre, se tient depuis plus de cent ans un cerisier. Pourtant malmené par les pluies, le gel et les coups des machines agricoles, il a résisté. Sa large ramure devient le garde-manger des oiseaux au printemps, son tronc accueille bon nombre d'insectes, un écosystème de plus grâce à la haie bocagère. Il est désormais parrainé par Gilles Clément.

L'actualité "Environnement" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Nouvelle-Aquitaine
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité