Depuis janvier 2022, le nombre d'incendies en France est trois fois supérieur à la moyenne actuelle des dix dernières années. Les forêts limousines sont-elles autant exposées aux risques incendie qu'en Gironde ? Quelles préconisations sont mises en place sur le territoire pour éviter les départs de feu ? Réponses.
Saint-Pardoux-le-Vieux, en Corrèze. C'est l'une des dernières communes limousines touchée par un feu de forêt. Au total, trois hectares partis en fumée et quelques jours plus tard, une reprise de feu.
L'heure est au bilan. Le maire, Philippe Roche, est venu ce jour-là, accompagné de Sylvestre Coudert, expert forestier, pour constater les dégâts après le passage des flammes sur les hauteurs de la commune. "C'est la première fois que cela arrive ici. Sur les trente dernières années, il n'y a jamais eu de départ d'incendie."
Un risque à ne pas écarter
Si en apparence le feu est éteint, quelques flammèches reprennent de plus belle. Ces petits feux proviennent des racines. Cinq jours après les incendies, cette parcelle nécessite de nouveau l'intervention des pompiers.
Arrivée en vingt minutes, l'équipe d'intervention restera plusieurs heures pour éteindre totalement le feu et surveiller qu'il ne reprenne pas.
En Limousin, les incendies ravagent des dizaines, parfois des centaines d'hectares. Des chiffres incomparables par rapport au méga-feu de Gironde. Mais même sur le plateau de Millevache, le risque est bien réel et la protection naturelle est insuffisante pour épargner tous les résineux face aux incendies. "Les troncs sont presque des barrières à incendie et ça évite que le feu se propage sur les hauteurs. Par contre, sur certains petits résineux, on voit que s’il y a des branches basses, le feu peut partir beaucoup plus haut.", confie Sylvestre Coudert, expert forestier.
Une inquiétude grandissante
Alors qu'en août 2022, les trois départements du Limousin ont été placés en état de crise, le niveau le plus élevé en cas de sécheresse, des riverains s'inquiètent. Certains ont vu les braises évoluer à quelques kilomètres des habitations. "Je n’avais jamais vu ces flammes, ces torches, ces crépitements que procure le feu. Donc je me suis dit que l’on voyait cela à la télé, mais que ce coup là, ça n’était pas loin. Effectivement, j’ai eu un peu peur."
Inquiétude aussi chez les propriétaires forestiers. Ici, suite aux épisodes caniculaires des dernières semaines, l'humus est particulièrement sec et s'est transformé en une fine poudre. Une simple étincelle et tout pourrait s'enflammer en l'espace de quelques minutes. "Un telle sécheresse, nous n'avions jamais vu cela. Si le feu prenait, je ne sais pas où il pourrait s'arrêter. Il peut partir à tout moment, pour une raison ou pour une autre", confie Daniel Escurat, propriétaire forestier en Corrèze.
Face au risque d'incendie croissant, des solutions existent. D'après Sylvestre Coudert, cela passe par la sécurisation des sols pour protéger les feux avec notamment la diversification des essences et la mise en place d'éclaircies. Autre point indispensable, l'entretien des parcelles dans l'immense forêt limousine, qui représente à elle seule un tiers du territoire.
Place aux préconisations
Prochainement, le feu de forêt et d'espaces naturels devait être officiellement considéré comme un risque majeur dans une cinquantaine de communes de la Haute-Vienne. Trois zones sont concernées : le sud-ouest de la Haute-Vienne à la limite du Périgord, le sud-est vers Nedde et Eymoutiers, ainsi que quelques communes des Monts d'Ambazac.
Le nouveau Dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM), document qui recense tous les risques sur le territoire (inondations, radons, transports de matières dangereuses...) sera validé et signé dans l'été par la préfecture de Haute-Vienne.
Le précédent DDMR pour le département datait de 2013 et ne prenait pas en compte le risque de feux de forêt.
"Nous avons souhaité que le risque incendie de feu de forêt soit pris en compte, car les changements climatiques obligent à nous adapter", confiait fin juillet 2022, le commandant Aurélien Sabourdy, chef du groupement de prévention et prévision du SDIS 87.
Le rôle des nouvelles technologies
Les pompiers de l'Urgence Internationale, ONG basée à Limoges, font partie d'un consortium qui est à l'initiative d'un modèle unique au monde : une boite à outil dotée de capteurs, de caméras thermiques et d'un drone qui permettent de prévenir les feux dans des endroits à risque.
Récemment, un expert européen est venu découvrir ce dispositif, prochainement expérimenté dans le massif des Monts d'Ambazac.
Ici, en 2019, près de 50 hectares de forêt sont partis en fumée. Trois ans plus tard, les traces laissées par l'incendie sont encore visibles. Il y a quelques jours, c'est précisément à cet endroit que le projet européen pour prévenir les incendies, nommé Silvanus, est présenté. Ses outils : des capteurs au sol, des caméras thermiques et des drones, chargés d'alerter directement les centres de secours.
Deux types de drones sont nécessaires : le Phantom4, pour cartographier et modéliser en 3D les zones en question et un autre plus précis, permettant de faire des missions de reconnaissance en feux de forêt grâce à une caméra thermique intégrée.
"C'est un outil indispensable à la prévention et à la surveillance des forêts, pour déterminer aussi les moyens d'accès dans les massifs, surtout après un incendie. On voit que cela repousse de manière assez anarchique quand il n'y a pas d'entretien. Maintenant, il y a trois étapes : la prévention, l'intervention et l'après-feu avec la replantation des arbres", confie Philippe Besson, président de l'association des Pompiers de l'Urgence Internationale.
Tous acteurs de la forêt
Ces trois étapes justement, ne peuvent être atteintes qu'avec des forestiers qui cherchent à diversifier les essences de leurs parcelles pour réduire le risque d'incendie. "La prise en charge des incendies se fait à travers des travaux d'entretien pour diminuer le volume de végétation accompagnatrice, plus inflammable".
Autres acteurs de la forêt : les riverains. "Ce serait bien que les anciennes prairies en friches soient elles aussi nettoyées, cela permettrait de mettre en place des pares-feux" .
"Partout où nous allons, les gens sont ouverts à ces idées et ces expérimentations. N'importe où dans le monde, l'objectif est le même, utiliser des nouvelles technologies pour trouver des solutions", confie Krishna Chandramouli, concepteur du projet européen Silvanus.
Dans quelques mois, le projet Silvanus devrait être expérimenté pour la première fois aux quatre coins de la planète : en Indonésie, au Brésil ou en Australie. Ce test se fera également effectué en France, notamment sur les Monts d'Ambazac, zone encore préservée et qui devrait faire l'objet d'une expérimentation grandeur nature d'un méga feu virtuel d'ici juin 2023.