Haute-Vienne : face à la menace de peste porcine africaine, les éleveurs se préparent

Au début du mois de janvier, plusieurs cas de peste porcine africaine ont été confirmés dans le Nord de l'Italie. En France, des mesures ont été prises dans le Sud-Est, mais elle ne sont pas encore nécessaires en Limousin. Chez les éleveurs de porcs cul-noir, la vigilance est tout de même de mise.

Depuis le début du mois de janvier, 31 cas de peste porcine africaine (PPA) ont été détectés en Italie. La maladie, non transmissible à l’homme, n’a pas encore atteint le Limousin, mais les éleveurs de porc cul-noir sont déjà sur le qui-vive. La race, originaire du Limousin, est en effet particulièrement fragile.

Des mesures de protection coûteuses

« Il faut espérer que la maladie restera en Italie. Mais c’est vrai que ça peut être gênant, pour nous, pour l’exploitation, voire très dangereux pour nos races locales », affirme Patrick Royer. À La Roche-l’Abeille (87), l’agriculteur et ses trois associés possèdent une exploitation de 200 hectares où ils élèvent une vingtaine de porcs cul-noir.

Parmi eux, on compte une quinzaine de mères-truies et deux verrats. Un chiffre en baisse.

Le Covid a fait qu’on a moins de débouchés, par exemple en restauration. Nous, si on fait du cul-noir, c’est vraiment pour l’amour de la race, pas pour en vivre.

Patrick Royer, éleveur

Les porcs de l’agriculteur ont déjà remporté plusieurs prix, par exemple un deuxième prix au concours général agricole du Salon de l’agriculture 2020. La viande de porc-noir est un produit haut-de-gamme. Le jambon peut, par exemple, se vendre autour de 90€ le kilogramme.

Le cul-noir, une race autochtone

La race de porc cul-noir possède des caractéristiques bien particulières : une ligne de dos bien droite, des oreilles en béret et surtout une tache noire sur l’arrière-train. La tache doit être séparée du reste du corps par un liseré blanc. La race a été introduite en France par les Romains. Au fil de leurs invasions, les troupes déplaçaient avec elles leur cheptel, nécessaire à leur alimentation.

Les cochons se sont peu à peu sédentarisés, avant de connaître un fort développement pendant les guerres napoléoniennes. La viande de cul-noir devient un aliment de base pour les paysans. Principal atout, une viande qui produit une forte quantité de gras, qui peut aller jusqu’à une quinzaine de centimètres d’épaisseur contre un centimètre seulement pour un cochon standard.

Le cul-noir connaît ensuite un succès d’exportation aux Etats-Unis, et obtient son livre généalogique en 1935. Mais après la Seconde Guerre Mondiale, la race, à l’instar d’autres races locales, entre dans une période de déclin. Certains agriculteurs cachent leurs verrats cul-noir des autorités sanitaires.

La race ne compte plus qu’une trentaine de représentants jusqu’en 1981, date à laquelle est lancé un plan de sauvegarde. Aujourd’hui, la race est surtout présente en Limousin, avec quelques incursions en Charente et en Dordogne. Une quarantaine d’éleveurs limousins élèvent plusieurs centaines de porcs cul-noir.

Un arsenal de protection

Depuis ce mois de janvier, plusieurs mesures ont déjà été mises en œuvre dans le Sud-Est de la France, la zone la plus proche de l’Italie. Elles s'appuient sur un plan d’action "Organisation de la prévention, de la surveillance et de la lutte contre la peste porcine africaine", lancé en 2018.

Un arrêté « biosécurité » est aussi publié le 16 octobre 2018. Il impose plusieurs mesures pour lutter contre la diffusion de la maladie. Avant janvier 2021, les agriculteurs doivent notamment construire un sas, diviser leur exploitation en plusieurs zones bien séparées et bâtir une clôture pour éviter tout contact entre les porcs et les sangliers.

Mais pour le cul-noir, une race élevée en plein air, le problème de l’élevage extensif complique la donne.

On a plusieurs hectares à clôturer, pour des petits volumes d’animaux, donc si on ramène le coût total à l’animal, ça revient très cher par tête

Patrick Royer, éleveur

Une donnée confirmée par Nicolas Coudert, éleveur à Séreilhac (87) et président du syndicat des éleveurs de cul-noir : « On a une race très exposée parce qu’on a des contraintes d’élevage liées au plein air. Il faut qu’on garantisse l’absence de contact groin à groin avec la faune sauvage. Les mesures ont un coût très important et impactent la rentabilité. »

Le cul-noir, c’est des élevages beaucoup plus petits, moins professionnels, avec une sensibilisation peut-être moins importante aux mesures de biosécurité. L’enjeu, c’est la sauvegarde de la race.

Nicolas Coudert, président du syndicat des éleveurs de cul-noir

Des risques de contamination multiples

La micro-filière est donc en première ligne face à une menace en pleine résurgence. Boris Boubet, correspondant Limousin pour l'Association sanitaire porcine de Nouvelle-Aquitaine, alerte sur la nécessité de protéger tous les élevages, quelles que soient la taille et leur race.

Les porcs peuvent aussi être contaminés par des sangliers qui auraient mangé des restes de charcuterie contaminés. Ca n’arrivera pas par les sangliers en Limousin, du jour au lendemain. Mais on n’est vraiment pas à l’abri d’une contamination par un sandwich, sur une aire d’autoroute par exemple. C’est une vraie inquiétude, mais qui date de l’apparition de la fièvre porcine en Europe.

Boris Boubet, correspondant Limousin pour l'Association sanitaire porcine de Nouvelle-Aquitaine

Autre paramètre à surveiller, l'hygiène du matériel et des moyens de transport des animaux. Des actions sont mises en place pour aider les agriculteurs.

Il y a deux axes. D’un côté, une partie pédagogique envers les éleveurs. On leur propose de faire des audits biosécurité. De l’autre, les services vétérinaires vont intensifier les contrôles dans les élevages.

Boris Boubet, correspondant Limousin pour l'Association sanitaire porcine de Nouvelle-Aquitaine

En Limousin, 450 élevages de porc se préparent déjà en cas de retour de la peste porcine aux frontières françaises.

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