"Cabu était végétarien et il logeait chez le boucher de la commune" : les dessinateurs de Charlie Hebdo, des fidèles du salon du dessin de presse

Ils venaient régulièrement à Saint-Just-le-Martel, en Haute-Vienne, pour distiller leur humour, leur sens critique, affûter leur mine. Cabu, Wolinski, Tignous, Charb, Honoré étaient des fidèles. Les dessinateurs de Charlie Hebdo sont à jamais liés à l'histoire du salon international de la caricature, du dessin de presse et d'humour. Souvenirs.

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Le 7 janvier 2015, la France connaissait un véritable cataclysme, et la petite commune de Saint-Just-le-Martel, dans la Haute-Vienne, une onde de choc. 

Des amis

Car parmi les douze victimes de l'attentat de Charlie Hebdo, cinq étaient des fidèles du salon international de la caricature, du dessin de presse et d'humour, Cabu, Wolinski, Tignous, Charb, Honoré . "Cabu avait donné un bon coup de main pour lancer le salon au début, raconte Guy Hennequin, l'un des trois présidents du salon. Il aidait la cause du dessin de presse."

Le salon a été lancé en 1982, par Gérard Vandenbroucke, maire de la commune à l'époque, disparu en 2019. 

"C'était des amis", renchérit Guy Hennequin. Au fil du temps des liens se sont tissés entre les dessinateurs, les organisateurs du salon, et même les habitants. Car c'est de tradition, les participants à la manifestation dorment dans les familles de Saint-Just-le-Martel.

Improbable

Ce qui donne parfois des rencontres improbables, se souvient Guy Hennequin. "Cabu était anti-militariste et végétarien et il logeait chez le boucher de la commune qui lui racontait des histoires de la guerre d'Algérie !". Et le dessinateur de presse s'en amusait.

 

Wolinski préférait descendre à l'hôtel, c'était un habitué du salon, qu'il aimait particulièrement : "Ce que je trouve de bien, c’est qu’il s’agit d’un salon de dessin de presse. J’en avais assez des salons de la bande dessinée. Je ne suis pas un dessinateur de bande dessinée, je suis un journaliste, un dessinateur de presse, je réagis sur l’actualité”, expliquait-il, en 1996.

Tignous aussi aimait venir, il profitait d'ailleurs du déplacement pour rendre visite à une partie de sa famille, installée dans la région. 

Des liens étroits

Ces trois dessinateurs avaient reçu le Prix de l'humour vache, inspiré par Loup et décerné par le Salon à partir de 1987. Tignous a été lauréat à deux reprises en 1992 et en 1998, Wolinski en 2000 et Cabu en 2009. Ce qui leur a donné l'occasion de réaliser l'affiche du salon l'année suivant leur récompense. 

En 1998, la rédaction complète de Charlie Hebdo s'était rendue au salon, et avait tenu sa conférence de rédaction dans le train. Il y avait notamment Charb et Cabu.

Les équipes du salon assistaient aussi à des conférences de rédaction de Charlie Hebdo, quand elles se déplaçaient à Paris pour recevoir les dessins des expositions. 

Que reste-t-il de l'esprit Charlie en Haute-Vienne ? 

Aujourd'hui, les portraits des cinq dessinateurs amis du salon accueillent les visiteurs du centre.

Très rapidement après la disparition de son mari, Maryse Wolinski a offert son bureau au centre. Il y trône toujours, et jusqu'au mois d'août prochain, un autre bureau lui répond, celui de Tignous, pour l'exposition "Tignous forever". 

Car les équipes du Salon n'ont jamais manqué de saluer la mémoire de leurs amis disparus, ni leur combat, à travers des expositions. En septembre 2015, elle s'appelait "la liberté d'en rire", en 2020, dans "50 ans de Charlie Hebdo", on célèbre les copains disparus et le journal satirique, alors que se tient le procès de l'attentat du 7 janvier 2015.  

Ce 7 janvier, Guy Hennequin, co-président du salon, a aussi participé au rassemblement pour la liberté de la presse à Limoges. 

A lire aussi : "J'en pleure encore". Dix ans après, une foule émue et combative rend hommage aux victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo

"Je suis toujours Charlie", disaient les affichettes. Et pourtant, estime une permanente du Centre de la caricature, "il y a eu un avant et un après Charlie". Il y a de moins en moins de dessins de presse, constate-t-elle, "et la liberté d'expression se réduit, dans le politiquement correct". 

Exemple à l'appui. Début janvier, la dessinatrice de presse Ann Telnaes a annoncé avoir démissionné du Washington Post où elle travaillait depuis 2008, car le journal a rejeté une de ses caricatures dans laquelle elle critiquait Jeff Bezos, propriétaire du quotidien.

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