Un projet de création de trois mâts éoliens plombe l'ambiance à Javerdat. Dans un premier temps plutôt consensuel, son ampleur braque désormais une part non négligeable de la population. L'enquête publique a été examinée ce 23 décembre 2022 par le conseil municipal. Près de 100 opposants y ont fait valoir leurs arguments.
"Il y a eu un gros écart d'impact entre ce qui a été montré aux habitants et ce qui est proposé à la préfecture dans la demande d’autorisation d'exploiter. Les habitants ne pouvaient pas réagir. Ils réagissent maintenant, ils ont ouvert les yeux, ils s'opposent à ce projet". 90 des 200 habitants opposés au projet étaient bien remontés au conseil municipal ce vendredi 23 décembre.
Photos du projet avant/après à l'appui, ils déroulent leurs arguments. Le nœud du problème : le projet initial d'installation d'éoliennes à Javerdat prévoyait trois mâts d'une hauteur de 160 à 180 mètres maximum. Le projet actuel les a poussées à 200 mètres. 20 mètres d'écart, la hauteur d'un immeuble. Et rien ne va plus.
"Personne n'est contre l'éolien en soi. C'est la manière dont le projet est fait qui heurte" plaident les opposants.
Impact visuel, impact sonore, impact sur l'avifaune sont pointés du doigt. 2/3 de la taille de la Tour Eiffel ou encore trois tours Montparnasse à 600 mètres de la maison la plus proche. Au total ce sont 90% des habitations de la commune qui se trouveront à moins de 1500 mètres des mâts.
"Les habitants de la commune depuis 2019 n'ont pas eu les bonnes informations. La société Escofi, maître d'oeuvre du projet, en a minimisé les conséquences. Il n'y a qu'à partir du moment ou on a eu l'enquête publique, il y a un mois, qu'on a pu voir l'impact sur la vie des habitants de la commune" déplore Marc Dutrel, président de l'association la Voix de Javerdat, constituée en 2019.
"On était effarés quand on a vu l'ampleur du projet sur le photomontage. C'est ça qui nous a complètement révoltés. Le fait qu'il y a des éoliennes ne me dérange pas, c'est vraiment l'emplacement qui pose problème" complète Gérard Devilleger, un retraité.
Une habitante nous montre sur son téléphone le photomontage avec les trois mâts à deux pas de sa maison.
"C'est la vue de la cuisine de la maison dans laquelle ma famille habite depuis plus de 70 ans. C'est déplorable"
Pour faire réagir la population, l'association a mis à disposition les documents qui étaient dans la demande d'autorisation d'exploiter et a mis dans les boites aux lettres des habitants une synthèse avec le photomontage de l'aire immédiate. Soit 20 des 1500 pages du dossier technique déposé par la société Escofi.
Les réactions ont été vives. Une pétition a circulé et a rapidement collecté plus de 200 signatures d'habitants de la commune (un quart de la population), près de 450 avec celles des bourgs environnants.
La maire du village essaie désormais de temporiser
A mois de septembre 2020, lorsque l'association a eu connaissance du photomontage dit réaliste du porteur de projet, des membres ont souhaité rencontrer la maire. Celle-ci leur a cependant répondu, le 4 novembre, qu'elle ne voyait pas "de plus-value à les rencontrer".
Aujourd’hui, sa position évolue. "La notion d’acceptabilité de la population, jusqu'à présent, nous pensions que nous l'avions avec des bémols qui ont été écrits et que nous connaissions notamment via l'association la Voix de Javerdat. Mais là, il est vrai que la contestation a été d'une autre ampleur et qu'il faut que nous reconsidérions".
Une reconsidération qui visiblement va lui échapper puisque c'est la préfète qui valide ou non le dossier. Les opposants lui reprochent également son départ imminent de ses fonctions, programmé le 1er avril, ce qui ne contribue pas à apaiser les tensions selon eux. Alors la maire veut témoigner de sa bonne foi en s'abritant derrière les études et le long travail mené en amont.
" L'association la voix de Javerdat nous a présenté hier soir en conseil municipal une analyse réalisée en un mois sur l'impact sur notre environnement. Cette analyse est très bien faite, je le reconnais, mais dans le même temps j'ai aussi devant moi un travail de 2 ans d'études d'impacts qui a coûté près de 400 000 euros faite par des professionnels avec un cahier des charges précis. Je ne suis pas en capacité de dire quelle est la plus pertinente pour notre projet. La DREAL a dit : le dossier est réputé complet, pertinent. L'enquête publique va nous dire s'il y a des trous dans la raquette".
La maire déplore également que l’analyse de l'association soit basée sur des problématiques individuelles et pas sur l'intérêt général.
C'est un projet de 5 ans contre une démarche associative locale
Annie Dardilhac, maire de Javerdat
Comment sortir de l'impasse ?
Les opposants réclament un échange démocratique plus constructif avec la municipalité et la révision du projet. "Javerdat c'est 2500 hectares, il doit y avoir moyen de faire ce projet ailleurs avec un impact moindre sur la population" plaident-ils.
Les conclusions de l'enquête publique seront remises à la mairie par les services de l'Etat fin janvier 2023. Il dira si le projet peut se faire, s'il doit être abandonné ou amélioré. A la suite de quoi, c'est la préfète qui tranchera en mars.