Le 11 juin 1944, les maquisards libéraient le camp d'internement de Saint-Paul, l'un des trois que compte la Haute-Vienne. Y étaient prisonniers tous ceux qui s'opposaient aux lois répressives du gouvernement de Vichy et au Maréchal Pétain. La commune de Saint-Paul prépare cette journée autour du carnet de bord tenu par un interné.
C’est un carnet de bord sorti des archives. Celui de Roger Darcissac, enseignant, éducateur, directeur d'une école primaire dans le village de Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire. Il est arrêté avec deux pasteurs en 1943 pour avoir caché le judaïsme d'enfants accueillis dans son établissement.
Direction le camp d’internement de Saint-Paul. Ils y restent un mois, avec ceux que le régime de Vichy classe comme indésirables, ces politiques et intellectuels qui s'opposent aux lois répressives de Pétain.
Le contexte des années 39-44
L'attitude des autorités française vis-à-vis des étrangers s'est considérablement durcie à la veille de la guerre, reflet des tensions croissantes en Europe.
Le décret du 2 mai 1938 règle la police des étrangers et prévoit les modalités d'expulsion des étrangers dits indésirables. Il est complété par le décret-loi Daladier du 12 novembre 1938 relatif à la situation et à la police des étrangers qui prévoit l'internement ou le placement en résidence surveillée de ces indésirables, qualifiés comme moralement douteux, car opposés au régime de Vichy et au Maréchal Pétain.
Saint-Paul devient, en décembre 1940, l'un de ces lieux de regroupement, d’internement ou de travail forcé créés en France par l’administration française aux ordres de Pétain dès 1939. Un des trois que compte la Haute-Vienne avec Saint-Germain-les-Belles et Nexon.
Le camp avait été construit, au tout début, pour accueillir des réfugiés alsaciens, il a été peu utilisé, puis il a été récupéré pour y mettre des prisonniers essentiellement politiques, tous les gens qui étaient hostiles au régime de Pétain... et après, à la Libération, il y a eu des prisonniers allemands.
Frédéric LemarchandConseiller municipal de Saint-Paul
Une vie qui s'organise pendant les 4 ans d'existence du Camp de Saint-Paul
Les internés, sous surveillance permanente des fonctionnaires de l'administration française, se retrouvent, pendant quatre longues années, contraints de s'organiser avec les privations.
Roger Darcissac, dans son carnet, décrit les ateliers, l'emploi du temps des enseignements qu'il dispense avec d'autres intellectuels aux internés, la pièce de théâtre qui est préparée... mais qui restera inachevée. Un carnet où l’on voit organisée un semblant de vie par les internés autour de la cantine et des activités créées, des contributions aussi des habitants du village de Saint-Paul.
À consulter ce carnet de bord, on pourrait tout d'abord très naïvement y voir l'organisation d'une colonie de vacances. Hélas, la réalité et le contexte de ces années 40-44 en sont bien loin. Les communistes sont déportés dans des camps en Afrique, d'autres succomberont devant la dureté de cette vie au quotidien.
Ces notes ne reflètent pas forcément la dureté de ce qu'ont pu vivre d’autres internés et la dureté de la réalité du camp. Mais c'est un témoignage qu'on met en lumière et on le met aussi dans le contexte général de ce qu'était un camp d'internement.
Josiane RouchutMaire de Saint-Paul
Le 11 juin 2024 : journée de commémoration pour les 80 ans de la libération du camp
L’exposition de ce carnet est au cœur des préparatifs de la journée anniversaire des 80 ans de la libération du camp, le 11 juin 1944, par les maquisards menés par le résistant et militant communiste Georges Guingouin.
Un camp où un sentier de mémoire a été créé en 2014 par la municipalité de Saint-Paul, en coopération avec l'AFMD Haute-Vienne "les Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation", pour comprendre l'existence de ces ultimes bâtiments qui s'écroulent au fil des décennies au milieu d'une prairie paisible.
On travaille sur cette mémoire de la déportation, pour qu'elle ne reste pas sclérosée, le but est d'informer et de présenter les choses de façon objective, d'aller de l'avant aussi (...) avec cette fête de la fraternité qu'on organise tous les deux ans avec la mairie de Saint-Paul.
Claudine PrésidenteAFMD de la Haute-Vienne, "Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation"
Le 11 juin 2024, deux classes d’une cinquantaine d’enfants chanteront sur ce sentier le chant de la libération. Roger Darcissac a été reconnu "Juste parmi les nations" comme tout le village de Chambon-sur-Lignon, situé sur le plateau du Vivarais-Lignon, aux confins de la Haute-Loire, de l’Ardèche et des Cévennes. Près de 3500 juifs persécutés, dont un tiers d’enfants, trouveront refuge jusqu’en 1944 grâce à un mouvement de résistance civile, mené notamment par les deux pasteurs André Trocmé et Edouard Théis.