À Lens, l'office de tourisme occupe un magnifique bâtiment de style "art déco", emblématique de la ville, en raison de son architecture, mais aussi de son histoire. Sur sa façade figure l'inscription "A la ville de Limoges". Assez cocasse pour vanter les mérites du bassin minier.
Pas un visiteur qui ne franchit la porte de l'office de tourisme de Lens-Liévin dans le Pas-de-Calais sans faire part de sa surprise.
Car nous sommes à près de 600 kilomètres du Limousin, alors l'inscription, "A la ville de Limoges", en mosaïque sur la façade et à l'entrée du bâtiment, lance toujours la conversation.
Pour certains, c'est la surprise. Ceux qui découvrent cette maison. D'ailleurs, les visiteurs venus du Limousin ne manquent jamais de la photographier, sourit-on à l'office de tourisme.
Pour "les locaux", c'est différent. Il existe un véritable attachement à cette maison "art déco". Celle de la famille Poincelet.
Porcelaine de Limoges
Tout commence au début du XXᵉ siècle. Emile Poincelet, un Picard, est ouvrier dans la faïencerie à Longwy... à moins qu'il ne travaille comme représentant de commerce pour la porcelaine de Limoges, selon une autre source.
En 1906, selon le blog le Lensois Normand, il s'installe à Lens avec son épouse Malvina et monte un commerce de vaisselle, de faïence, de cadeaux. Et surtout de porcelaine de Limoges. Alors tout naturellement, il lui donne ce nom "A la ville de Limoges".
Six ans plus tard, le commerce déménage, pour le trottoir d'en face, de l'autre côté de la place Jean-Jaurès, plus ensoleillé. Et dans des locaux plus grands. Le bâtiment se pare alors d'émaux.
Le style art déco
Mais la guerre arrive. Emile Poincelet et sa famille quittent Lens. À leur retour, en 1919, la boutique n'existe plus. Rasée, détruite par les bombardements.
C'est le temps de la reconstruction. Les Poincelet choisissent le style art déco, à la mode. Le bâtiment, fastueux, plus grand que l'ancien, brille de ses mosaïques, il impressionne par ses frises, et garde son nom "A la ville de Limoges". Comme une fierté.
Déjà en vogue avant-guerre, il devient une institution. Les Lensois aisés y achètent leur service en porcelaine de Limoges, des cadeaux pour les mariages, de ceux qui durent toute une vie, et que l'on se transmet dans les familles.
Les plus modestes regardent les vitrines. La vaisselle, les luminaires, les bibelots… tout le monde connaît "A la ville de Limoges".
Les années passent, des générations de Lensois se succèdent dans ce magasin réputé, jusqu'à sa fermeture définitive en 2009, à la mort de Victor Poincelet.
Une seconde vie
Quelques années plus tard, la communauté de communes de Lens-Liévin rachète le bâtiment "le plus emblématique de Lens", comme le nomme La Voix Du Nord. En 2019, l'office de tourisme investit les lieux.
Et la maison revit. Certains visiteurs passent le pas de la porte uniquement pour redécouvrir ce bâtiment auquel ils sont liés. À l'intérieur, le sol en carreaux de ciment a été conservé, de même que les étagères en bois, les chaînes métalliques auxquelles, autrefois, étaient suspendus les luminaires proposés à la vente.
Et bien sûr l'inscription "A la ville de Limoges".
Ce bâtiment a une âme, il raconte une histoire
Florence Dupont, responsable de la communication à l'OT Lens Liévin
"Il était hors de question de toucher à cette façade, précise Florence Dupont. Grâce à ce bâtiment, le lien se fait tout de suite avec nos visiteurs. Ils sont curieux de comprendre d'où vient ce nom qui les étonne, et ceux qui connaissaient le magasin sont touchés de le redécouvrir."
Alors que le commerce des Poincelet connaît une deuxième vie, c'est un peu de la renommée de Limoges qui aura traversé les distances et les décennies pour, aujourd'hui, se réinventer.