En Creuse, en Haute-Vienne et en Corrèze, les trois départements de l’ancienne région Limousin, l’agriculture est majoritairement consacrée à l’élevage bovin. Une prédominance dans un secteur qui ne favorise pas les revenus des agriculteurs et qui les soumet à une dépendance aux subventions européennes.
Les apparences peuvent être trompeuses. Pour le visiteur qui traverse le Limousin, les paysages ruraux et paisibles parsemés de bovins qui semblent être là naturellement de toute éternité peuvent donner l’image d’un monde idéal et serein.
Pourtant, vivre de la terre en Limousin n’est pas une sinécure. C’est même, en termes de revenus, une des situations les moins enviables du monde agricole français.
En Corrèze, en Creuse, et en Haute-Vienne, les trois départements de l’ancienne région Limousin, 9 200 ménages vivent d’une activité agricole.
Le poids de l'agriculture sur l'emploi
Ils représentent 14 918 emplois, soit 4,3% de la totalité des emplois en Corrèze, 10% en Creuse et 2,8% en Haute-Vienne (3,9% en moyenne en Nouvelle-Aquitaine).
C’est aussi 12,9% des emplois agricoles de Nouvelle-Aquitaine, répartis dans 11 072 exploitations agricoles (soit 17% des exploitations agricoles de Nouvelle-Aquitaine).
En 2017, le revenu disponible médian des ménages agricoles du Limousin était compris entre 31 000€ et 34 000€ (contre 37 850€ en moyenne en Nouvelle-Aquitaine). Des revenus moyens inférieurs à ceux des ménages actifs, avec une pauvreté monétaire plus fréquente, particulièrement en Creuse, où un quart des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté.
De faibles revenus, inférieurs à la moyenne
Plusieurs facteurs expliquent cette pauvreté comme la petite taille des exploitations, mais surtout, la part prédominante de l’élevage de bovins destiné à produire de la viande.
En 2018, le revenu annuel moyen des agriculteurs spécialisés dans l’élevage bovin viande était de 38 000€, contre 52 000€ pour l’ensemble des productions agricoles. C’est le revenu le plus faible de toutes les professions agricoles.
Or, en 2022, c’est encore le type d’activité agricole dominant en Limousin où 5 461 exploitations sont spécialisées dans l’élevage bovin, soit plus de la moitié des exploitations de ce secteur en Nouvelle-Aquitaine.
On compte 1 983 élevages bovins en Corrèze (49% des exploitations agricoles de ce département), 1 958 en Creuse (56% des exploitations agricoles) et 1 520 en Haute-Vienne ((34% des exploitations). Dans l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine, seules 15% des exploitations agricoles sont consacrées à l’élevage bovin viande.
Une prédominance de l'élevage bovin
Un peu plus de deux millions de bovins sont élevés en Nouvelle-Aquitaine, près de la moitié paissent sur les vertes prairies du Limousin.
Conséquence logique, si les revenus issus de l’élevage bovin sont les plus faibles parmi les professions agricoles, ce sont aussi les plus aidés par les fonds publics, en l’occurrence les fonds européens de la PAC, la Politique Agricole Commune.
Les agriculteurs du Limousin sont donc particulièrement concernés par les subventions européennes.
À titre d’exemple, en 2022, sur les 1,2 milliard d’€ d’aides directes octroyées par l’Union Européenne aux agriculteurs de Nouvelle-Aquitaine, 336,4 millions d’€ ont été consacrées aux exploitations du Limousin : 100,1 millions d’€ en Corrèze, 128,1 millions d’€ en Creuse et 108,2 millions d’€ en Haute-Vienne.
À ces aides dites du « 1er pilier », il faudra ajouter une partie des aides du FEADER (Fonds Européen pour le Développement Rural, « 2ᵉ pilier » de la PAC) qui seront destinées au « développement rural ». Pour la période 2023-2027, l’enveloppe se montera à 423 millions d’€ en Nouvelle-Aquitaine.
Une dépendance aux subventions européennes
En Limousin, 100% des exploitations agricoles spécialisées dans l’élevage bovin perçoivent une aide de la PAC. Et dans ce secteur, cette aide représente souvent la totalité du résultat Courant avant Impôt (RCAI) de l'exploitation.
Autant dire qu’en Limousin, encore plus qu’ailleurs en France, sans les aides de l’Europe, l‘élevage, les agriculteurs et l’ensemble du monde rural seraient totalement sinistrés.
On comprend donc la sensibilité des agriculteurs de la région sur le sujet.
Ce mercredi 24 janvier, la Commission Européenne rappelait discrètement qu’elle déplorait les retards de paiement des aides aux agriculteurs, mais qu’ils relevaient de la compétence de l’administration des pays membres comme la France.
Elle rappelait également que toutes les modalités de la Politique Agricole Commune, comme les normes, n’étaient pas le fruit d’un « Bruxelles » anonyme et fantasmé, mais le résultat d’un choix validé par des négociations entre un Parlement Européen élu par les citoyens européens et des États membres, dont le gouvernement français.