Une centaine d'agriculteurs de la FDSEA et des CDJA de Haute-Vienne ont manifesté ce vendredi matin dans le centre-ville de Limoges. Ils ne supportent plus les retards de paiement de leurs primes de la PAC qui mettent à mal la trésorerie de leurs exploitations.
"Éleveur : enfant, on en rêve, adulte, on en crève" ! Ce slogan inscrit sur une pancarte résume la colère et la lassitude des agriculteurs de la FDSEA et des CDJA de Haute-Vienne qui manifestaient ce vendredi 19 janvier 2024 dans les rues de Limoges.
Un rassemblement d'une petite centaine d'agriculteurs qui s'étaient donnés rendez-vous devant les locaux de l'ASP, l'Agence de Services et de Paiement. Cette administration, dont le siège national est à Limoges, est chargée, entre autres, de payer à tous les agriculteurs français les primes dont ils sont bénéficiaires au titre de la PAC, la Politique Agricole Commune.
Plusieurs dizaines de tracteurs ont bloqué la rue et l'accès au bâtiment. Un barbecue a été organisé devant l'entrée. Des tombereaux de pneus et de gravats ont été déversés sur la chaussée.
Puis le convoi s'est dirigé dans le calme vers la préfecture de la Haute-Vienne où des bennes agricoles ont à nouveau été vidées sur la chaussée.
Des retards de paiement des aides qui s'accumulent
Si les agriculteurs ont choisi de manifester leur ras-le-bol devant l'ASP, c'est que les retards s'accumulent dans les paiements qui leur sont dus.
Normalement, ils perçoivent un acompte de 80% de leurs primes PAC au 15 octobre, et le solde avant la fin de l'année, exceptionnellement en janvier.
Selon la FDSEA, en octobre dernier, seuls 20 % des sommes dues pour 2023 ont été versées. Fin décembre, il manquait encore 20% sur tous les comptes. Aujourd'hui, une centaine d'agriculteurs n'auraient toujours rien perçu. À la fin de ce mois, une dizaine devrait encore être dans ce cas.
Une situation intenable pour la trésorerie des exploitations.
On cale le règlement de nos factures en tenant compte d’un versement de la PAC au 15 octobre et le solde au mois de décembre. Cette année, c’est tout décalé. On est obligés de retarder les règlements, on a des fournisseurs qui font le dos rond, mais ils ont aussi des problèmes de trésorerie. On finit avec des appels à la banquière, des frais de commission et ça devient intenable.
Julien BonneaudSecrétaire général FDSEA 87
Pour la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs, "ce retard "met très clairement en péril la viabilité économique des exploitations agricoles locales".
Une trésorerie et un moral au plus bas
Et au péril financier viennent s'ajouter la fatigue et l'usure psychologique. "On sait qu'il y a des personnes qui sont à bout" explique Julien Bonneaud, le secrétaire général de la FDSEA 87, "C’est vraiment dur moralement pour arriver à tout gérer".
L'explication donnée aux agriculteurs est que la complexité de la récente réforme de la PAC pour la période 2023-2027 a perturbé les systèmes informatiques de gestion des paiements gérés par l'ASP.
Mais les problèmes recommencent à chaque réforme et les syndicats agricoles subissent des retards de paiement à chaque fois.
On sait que tous les cinq, sept ans, il y a une réforme de la PAC, on sait qu'à chaque fois on nous dit ne vous inquiétez pas, la prochaine fois, ça sera mieux, et à chaque fois, j’ai l’impression que c’est de pire en pire.
Julien BonneaudSecrétaire général FDSEA 87
On travaille plus pour grand-chose. Quand on a tout payé, il ne reste rien. C’est un problème récurrent. Ça devient à la limite de l’insupportable.
Romain GabeloutAgriculteur à Saint-Martin-Teressus
Au-delà des retards récurrents à chaque réforme de la PAC, c’est la dépendance des agriculteurs vis-à-vis des subventions européennes à l’agriculture qui est à nouveau mise en exergue.
C’est d’autant plus vrai pour une région comme le Limousin dans laquelle la majorité des agriculteurs sont des éleveurs de bovins.
Une agriculture limousine dépendante de la PAC
Leurs revenus figurent parmi les plus faibles de toutes les professions agricoles, mais aussi parmi les plus dépendants des aides de la PAC. Sans l’Europe, il n’y aurait plus d’éleveurs de bovins depuis longtemps en Limousin.
En 2020, près de 340 millions d’€ avaient été versés dans les trois départements de l’ex-région au titre de la Politique Agricole Commune. Environ 10 000 agriculteurs en avaient bénéficié, essentiellemnt des éleveurs, pour un montant moyen de 33 000€ par bénéficiaire (24 000€ pour les aides directes du premier pilier).