C'est une page oubliée de l'histoire de Limoges. Il y a tout juste 80 ans, en mars 1941, le maire socialiste de Limoges, Léon Betoulle, était destitué par le Maréchal Pétain et remplacé par un industriel de la ville. Il s'appelait André Faure. Aujourd'hui, il a disparu de la mémoire collective.

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Qui connaît André Faure?

A Limoges tout le monde l'a oublié. Pourtant, entre 1941 et 1944, André Faure a été le maire de Limoges.

Un maire pas tout à fait comme les autres il est vrai.

Car, un peu plus d’un an après la débâcle de la France face à l’armée Allemande, André Faure n’a pas été élu démocratiquement par les habitants de Limoges, mais nommé par décret par le régime de la Révolution Nationale dirigé par le Maréchal Pétain.

Jusqu’en février 1941, l’indéboulonnable maire socialiste Léon Betoulle, aux commandes de la ville depuis 1912, réussit à passer entre les gouttes de la loi du 16 novembre 1940 qui prévoit que les maires des villes de plus de 10 000 habitants seront désormais nommés par le gouvernement.

Mais, malgré son vote en faveur des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain quelques mois plus tôt, il est finalement destitué en février 1941, et remplacé par un industriel de la ville : André Faure.

Un oiseau rare pour remplacer Léon Betoulle

Selon l’historien Pascal Plas, le gouvernement de Vichy a longuement hésité pour trouver le remplaçant d’un Betoulle très populaire, et somme toute assez modéré, à la tête de la grande ville, siège d’une grande région de la zone libre, qu’était Limoges à l’époque.

"Il fallait trouver une sorte d’oiseau rare, c’est-à dire quelqu’un qui soit suffisamment dépolitisé, qui corresponde à l’image que se faisait Vichy de ces nouveaux maires, et qui, en même temps, soit relativement partisan de la Révolution Nationale"

Et André Faure coche toutes les cases.

 

Industriel prospère et surdiplômé, il dirige une entreprise de machines-outils. Il fréquente les syndicats patronaux parisiens au sein desquels il acquiert vite des responsabilités nationales. Il ne cache pas ses idées de droite et ses sympathies pour la Révolution Nationale du maréchal Pétain. Il s’était d’ailleurs présenté sans illusions et sans succès, lors des précédentes élections municipales contre le socialiste Betoulle.

Mais André Faure est aussi connu pour ses convictions catholiques et sa fibre sociale. Cerise sur le gâteau : il a "fait une belle guerre" en 1914 pour laquelle il a reçu plusieurs décorations.

Bref, Pétain sait qu’il peut compter sur ce catholique de droite, nationaliste mais pas fanatique, pragmatique et discret, et il ne sera pas déçu.

Maire sous Pétain, gestionnaire du quotidien

Pourtant, la tâche qui attend André Faure n’est pas un cadeau. Entre la menace allemande, l’oeil de Vichy et les pénuries, être maire d’une grande ville pendant l’occupation est une tâche ingrate. Pas d’autonomie, pas de moyens et beaucoup de problèmes très concrets à gérer au quotidien.

Il ne reste quasiment aucune trace de l’action d’André Faure à la mairie de Limoges de 1941 à 1944. Pas ou peu de photos non plus. Seul un petit opuscule de quelques pages, édité par son équipe municipale, est encore consultable aux archives municipales.

Rénovation des logements sociaux, multiplication des jardins ouvriers, entretien des écoles, colonies de vacances, lutte contre l'incendie ou dotation de la bibliothèque : ce document donne une petite idée du quotidien du maire de Limoges sous l’Occupation.

 

Pour Pascal Plas, "André Faure a géré les affaires courantes. Et les affaires courantes, ça n’était pas rien à gérer à partir de 1941. C’était organiser le rationnement et les déplacements de population, dans une ville complètement surpeuplée où, à partir de 1942, l’occupation allemande enlève aussi quantité de logements et d’hôtellerie. C’était un quotidien extrêmement lourd, le quotidien de la guerre et de l’occupation".

Mais pour l’historien , "il est tellement lisse que rien ne remonte dans sa personnalité qui ait pu dépasser le simple cadre du gestionnaire. Est-ce que c’est un choix personnel ou est-ce qu’il a été mis un peu à l’écart parce que, au fond, on l’avait nommé pour ça et on ne lui en demandait pas plus? On n’en sait rien".

A l’inverse d’un Adrien Marquet, le maire ex-socialiste de Bordeaux, qui fut un collaborateur plus que zélé, le maire de Limoges ne fit pas de politique pendant la guerre. André Faure ne commit aucune exaction, ne fut accusé d’aucune dénonciation, et brilla surtout par son extrême discrétion.

Une énigme encore irrésolue

"Il y a une part d’énigme chez cet homme" estime aujourd’hui l’historien Pascal Plas, qui a pourtant longuement étudié cette période trouble de la guerre et de l’occupation en Limousin. "Il nous manque quantité de documents qui nous permettraient de faire le contour complet de ce qu’a été sa personnalité à ce moment précis et de ce que fut son action spécifique. On ne sait rien de tout cela. Et cela demandera à être déchiffré".

Quatre-vingts ans après son premier Conseil municipal, le portrait d’André Faure est toujours accroché dans la "salle des présidents" de la mairie. Au milieu de la galerie de tous les maires de la ville, personne ne sait plus mettre un nom sur ce visage, mais personne n’a jamais songé à l’enlever.

En 1944, à la libération de la ville, André Faure ne fut pas inquiété. En septembre, il démissionna et passa le relais au Résistant Henri Chadourne.

Jusqu'à son décès, en 1967, plus personne n'entendit parler d'André Faure. Et le jour de ses obsèques c'est ... Léon Betoulle qui vint lui rendre un dernier hommage.

Aujourd’hui, seuls quelques historiens se souviennent du maire de Limoges oublié.

 

VIDEO : 

. reportage : Pascal Coussy, Nassuf Djailani, Sébastien Bugeaud

. intervenant : Pascal Plas : historien

 

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