L'avocate générale a donné ses réquisitions en milieu de journée devant les Assises de la Haute-Vienne. La dangerosité des accusés est clairement évoquée pour justifier une peine aussi élevée. Le verdict est attendu ce jeudi en fin de journée.
Les quatre parties civiles ont plaidé jusqu'à 11 heures, après quoi l'avocate générale a enchaîné avec le réquisitoire. Finalement, cette dernière requiert 30 ans contre les deux accusés Frédéric Bernady, le père de la victime, et Roland Michaud, avec une période de sûreté des 2/3 de la peine.
L'avocate général a, en effet, rappelé la dangerosité des accusés : il s'agit notamment du 4e procès pour Roland Michaud. Ce dernier avait déjà été condamné, pour le meurtre de sa voisine en 2006, à 18 ans de réclusion criminelle par la Cour d'Assises de la Creuse. Cette condamnation avait été ramenée à 12 ans en appel par la cour d'Assises de la Haute-Vienne.
Pour l'affaire qui occupe les Assises en appel aujourd'hui, l'accusé, ainsi que le père de la victime, ont été reconnus en janvier 2022 coupables de meurtre sur la personne d'Alexis et condamnés à 22 ans de réclusion criminelle avec une peine de sûreté des 2/3.
L'intention de tuer au cœur du procès
Compte tenu de ce passé, l'avocate générale considère que ce serait "prendre un vrai risque" de ne pas retenir l'intention de tuer dans ce procès.
Se pose en effet la question de l'intention dans cette affaire : si l'intention de tuer n'est pas retenue, ce qui qualifie un meurtre, on parlerait alors de "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner". La condamnation serait, dans ce cas, de 15 ans, voire de 20 ans pour des faits en réunion ou en récidive. Une configuration que l'avocate générale ne souhaite pas voir aboutir.
"Les enfants ont vu des choses qu'ils n'auraient jamais dû voir"
Plus tôt dans la matinée ce jeudi, Maître Virginie Turpin, l'avocate de la mère d'Alexis, a brossé le calvaire de la vie conjugale auprès de l'accusé Frédéric Bernady. Maître Emilie Bonnin, qui représente la défense des intérêts des deux frères d'Alexis, âgés de 13 et 18 ans, a rappelé, quant à elle, leur "enfance fracassée avant d'être placés pour les protéger, tout comme Alexis, en 2010". Elle a repris le constat fait par l'aide sociale à l'enfance à leur arrivée : pas de vêtements, pas de chaussures, les enfants avaient visiblement faim, étaient pris de terreurs nocturnes. Il y avait aussi l'énurésie, les sursauts dès qu'une porte était claquée... "L'assistante de l'aide sociale à l'enfance avait même précisé que c'était la pire situation qu'elle connaissait dans sa vie professionnelle". Et l'avocate de souligner que les enfants n'ont jamais connu de moments heureux, mais uniquement des événements de violence sur fond d'alcool, rappelant les propos du frère de Frédéric Bernadie : "il s'est toujours montré violent envers les femmes, envers les enfants, envers les hommes et même les animaux".
Enfin, Maître Julia Benaïm, a plaidé au nom des grands-parents de la jeune victime, qui attendent, eux aussi de leur propre fils, toujours cette vérité qu'ils savent qu'ils n'auront pas. "Les aveux de Frédéric Bernardi et de Roland Michaud, vous n'en avez pas besoin pour retenir leur culpabilité. Certes, tout accusé a le droit de se défendre, de mentir, mais nous, on a aussi le droit de ne pas les croire".
Maître Philip Gaffet a clôturé les plaidoiries des parties civiles au nom des trois tantes d'Alexis, sœurs de la compagne de Frédéric Bernady. Il a repris toutes les violences familiales en donnant encore d'autres exemples du calvaire de la mère d'Alexis :
Les enfants ont vu des choses qu'ils n'auraient jamais dû voir, y compris quand leur père a mis la tête de leur mère dans le four.
Me Philip Gaffet, avocat des trois tantes d'Alexis
Une déclaration qui n'a pas manqué de glacer une nouvelle fois la salle d'audience. Et l'avocat d'ajouter : "Frédéric Bernady s'est toujours conduit en toute puissance, impressionné par rien ni par personne y compris de ses juges, manipulateur, patriarche qui décide de tout, qui impose sa violence et la loi du silence. C'est un petit chef mafieux, qui ne connaît pas les règles sociales et qui sème la terreur. Il a sans doute été à bonne école, il y a un héritage familial".
Pour rappel, le jeune Alexis a été tué à Domeyrot en Creuse dans la nuit du 27 au 28 août 2018. Le verdict est attendu dans l'après midi
Rappel des faits
Le 28 août 2018, entre 1h et 2h du matin, la vie d'Alexis s'est arrêtée nette, face contre terre, devant une maison d’un petit hameau au lieu-dit Beaufaix de la commune de Domeyrot en Creuse. Une maison dans laquelle il avait passé la soirée avec son père et un vieil ami de la famille, au cours de laquelle une bouteille de whisky de 2,5l a été vidée à trois. Alexis a succombé à des lésions telles que leur gravité a provoqué son agonie puis sa mort, avant d'être découvert cinq heures plus tard au petit matin par les éboueurs de la commune sur la voie publique.
En septembre 2018, le père d'Alexis est mis en examen pour meurtre. Mise en examen pour meurtre également pour l'ami du père Roland Michaud, un homme déjà condamné à 12 ans de prison pour le meurtre de l'une de ses voisines.
En janvier 2022, Frédéric Bernady, est accusé du meurtre de son fils et Roland Michaud, est accusé d'avoir récidivé 10 mois après sa libération de sa précédente condamnation pour homicide. Le verdict de la Cour d'Assises de la Creuse pour les deux accusés est de 22 ans de réclusion criminelle.