Philippe Reilhac, membre de la compagnie de théâtre la Java des Gaspards à Limoges, était à New-York le jour des attentats du 11 septembre 2001. Vingt ans après, il raconte cette journée et les jours suivants, qui l’ont profondément marqué.
C’était pour "un beau voyage entre amis, l’année de mes trente ans", en septembre, "quand il fait encore très beau à New-York" que Philippe Reilhac s'est rendu dans la ville "qui ne dort jamais". "On nous prêtait un appartement, les conditions étaient excellentes pour visiter la ville, raconte ce Limougeaud, membre de la compagnie de théâtre la Java des Gaspards. L’appartement était à Central Park, situé à 5/6 km du sud de Manhattan et donc des tours jumelles. On a d’ailleurs visité le quartier le 10 septembre. Nous étions allés voir la ligne de gratte-ciel", témoigne celui qui est aussi un ancien élu à la mairie de Limoges.
Tout semble aller pour le mieux pour Philippe et ses amis, logés au cœur de New-York dans l’appartement de "l’ami d’un ami", qui travaillait alors au World Trade Center, dans l’une des deux tours jumelles. Le 11 septembre au matin, le propriétaire du logement se rend au travail à vélo, plus tard que d’habitude, après avoir passé la soirée à discuter avec ceux qu’il logeait. "Il a vu que la première tour était en train de brûler. Il s’est dit que ce n’était pas la peine d’aller bosser car la tour allait être évacuée. Il a prévenu ses collaborateurs qui étaient tous des Français, enfin en tout cas, qui travaillaient pour une boite française. Tout cela dans un laps de temps très court puisque la deuxième tour n’a pas tardée à être touchée", indique Philippe.
Des archives rares et exceptionnelles... Vingt ans après les attentats du 11 septembre, retour sur ce jour tristement historique.
— France 3 (@France3tv) September 11, 2021
Le documentaire « 11 septembre, au cœur du chaos » est disponible en replay sur https://t.co/yQP3EQYsOu ▶ https://t.co/PBT8ll6ka6 pic.twitter.com/tiE4dkxSVE
Encore à l’appartement ce matin-là, le chansonnier est alerté par les sirènes et les hélicoptères : "Même s’il y a toujours beaucoup de bruits à New-York, là il y en avait beaucoup plus. Cet appartement avait un rooftop, je suis monté sur le toit. J’ai branché la radio, il n’y avait pas la télévision, et je n’arrivais pas à comprendre, enfin je comprenais mais je n’arrivais pas à le croire en fait. Donc du coup je pensais ne pas comprendre."
Pour tenter de réaliser l’impossible, Philippe descend avec ses amis dans les rues de New-York : c’est là, sur les télévisions des vitrines de magasins, qu’il voit les images : "Là on a mieux compris ce qu’on entendait à la radio."
On a erré, on voyait des milliers de gens remonter du sud vers le nord. Il n’y avait déjà plus de métros, tous les taxis étaient bloqués. On voyait beaucoup de gens remonter et nous, on errait comme ça, ne sachant que faire et où aller, que dire... On a continué à regarder des images. On a essayé très vite de téléphoner en France mais il n’y avait plus de réseaux. On a beaucoup galéré pour faire passer un message à nos familles.
Le jour d’après
Le lendemain, Philippe évolue dans un New-York meutri, comme en guerre: "Dès le deuxième jour, le 12 septembre, la ville était remplie de militaires, de policiers, de rangers, enfin j’ai vu une quantité d’uniformes différents, et des petits blindés qui étaient quasiment dans toutes les rues, c’était très impressionnant."
C’est ce à quoi je n’ai pas arrêté de penser, toujours. Le regard des parents, des maris, des femmes des enfants, qui cherchaient leurs proches.
Si l’artiste explique ne pas avoir réalisé tout de suite l’ampleur et l’horreur de la catastrophe, les proches des victimes à la recherche des disparus et d'éventuels survivants l'a particulièrement marqué. "Vers la fin de notre séjour, nous sommes descendus au plus près du Ground Zero. (…) Le secteur était barrierré. Sur ces barrières il y avait des milliers et des milliers de photos de gens disparus et de centaines de gens qui étaient là en train de rechercher leurs proches. Là, ça a été vraiment bouleversant parce que c’était concret, ce n’était plus seulement des chiffres. On en prenait réellement conscience. Ça a été bouleversant. Le regard des parents, des maris, des femmes des enfants, qui cherchaient leurs proches. Il y avait énormément de gens qui étaient dans le désespoir. C’est ce à quoi je n’ai pas arrêté de penser."
Reportage : témoignage 20 ans après les attentats du 11 Septembre 2021
La prise de conscience tardive
C’est au retour en France que le Limougeaud raconte avoir réalisé ce qu’il s’était passé et avoir vécu le contre coup de l’attentat qui a fait 2.976 morts et 6.000 blessés. "J’ai eu des difficultés à dormir et à évacuer les images une fois rentré."
Si le traumatisme est passé, Philippe avoue toujours y penser, 20 ans après.
J’y repense régulièrement. Ça ne hante plus mes nuits mais j’y repense très souvent. Comment ne plus y penser ? Aujourd’hui, il y a cette date anniversaire mais en fait on parle toujours du 11 septembre.
Comme une façon de passer à autre chose Philippe, qui n'est, depuis, plus retourné à New-York, envisage de s'y rendre: "Les dix premières années je ne l’ai pas envisagé et après j’aurais pu mais je suis allé à d’autres endroits aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde. Aujourd’hui, j’ai envie de retourner à New York, on l’envisage."