Comment cultiver son jardin pour consommer moins de viande

Les conseils de Christophe Gatineau, agronome, cultivateur, auteur, pour cultiver son jardin en Limousin permettent de tendre à une certaine autonomie alimentaire et aussi de limiter sa consommation de viande. C'est simple et c'est délicieux....

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Ces deux mois de confinement ont été l’occasion d’une certaine remise en question pour beaucoup d’entre nous. Ils nous ont révélé que ce qui nous paraissait important dans le monde d’avant, ne l’est peut être pas tant que cela. Et combien ce qui nous paraissait banal est finalement essentiel.

Un besoin de moins, ou mieux, consommer pour certains. Le désir, parfois, d’être moins dépendants de la société de consommation, de tendre vers une certaine autosuffisance alimentaire. Une envie de prendre soin de soi et de sa santé ou tout simplement de faire des économies.

Cela peut passer par la création d’un potager. Et si cela nous offre de quoi subvenir à un maximum de nos besoins, pourquoi se gêner.

Christophe Gatineau n’est ni végan, ni végétarien, mais moins il va à l’épicerie, mieux il se porte. Et plus il limite son impact sur l’environnement, plus il est heureux. L’auteur, agronome, cultivateur, n’a pas attendu la prise de conscience collective, les limitations de circulation ou le manque de côtelettes dans les rayons des supermarchés pour se pencher sur la question.

Il nous livre ses conseils avisés.

Quelles sont les règles de base ?

Autant le produit animal va nous fournir de manière simple et directe les protéines dont nous avons besoin, autant si l’on mise sur les légumes, pour obtenir une équivalence, il va falloir jouer sur les combinaisons. Mélanger légumes, légumineuses et céréales.

Les légumineuses c’est la base ! Elles sont riches en protéines, nourrissantes, rassasiantes et si l’on choisi les bonnes variétés, faciles à faire pousser. 

Christophe Gatineau : la règle de base c’est de miser sur la diversité des espèces et des variétés. Cela permet d’avoir des légumes au jardin sur une période la plus large possible. Cela permet également d’éviter les échecs.

Si je ne cultive qu’une variété de haricots par exemple, et que pour une raison ou une autre, elle ne soit pas productive une année, si je n’ai pas semé une autre variété, je me retrouve sans haricot…

Ensuite il faut privilégier les espèces et les variétés qui se plaisent chez nous, en Limousin. On ne va pas cultiver ici les mêmes légumes qu’à Marseille, nous n’avons ni les mêmes sols, ni les mêmes conditions climatiques.

Les légumineuses les plus adaptées au limousin sont les petits pois ou les haricots. Préférer les haricots tarbais par exemple, ils se plaisent bien en Limousin, ils ont l’avantage d’être grimpants, ce qui permet de les cultiver sur de petites surfaces. Les haricots rouges également sont à privilégier. Ils sont rustiques et permettent de confectionner une multitude de recettes, de la terrine aux desserts.


Et en parlant de rusticité, n’y aurait-il pas des plantes sauvages qui pourraient être utiles à notre démarche ?
 
 

L’ortie, l’or vert

Christophe Gatineau : l’ortie est une plante exceptionnelle au plan nutritionnel et gustatif. C’est l’un des végétaux les plus riches en protéines mais également en minéraux. 

Il faut choisir les têtes, les ramasser les plus jeunes possible. Ce n’est pas une plante que l’on cultive mais il suffit de la laisser s’installer seule au jardin. De la nourrir avec les déchets de tonte de la pelouse, de lui apporter de la matière organique. On laisse fleurir quelques pieds pour qu’elle s’étende. Elle va vous nourrir pendant plusieurs mois. 


Dans Les Misérables, Victor Hugo vantait les mérites de la plante miraculeuse, pourtant déjà considérée, à tort, comme une “mauvaise herbe” :

Un jour il voyait des gens du pays très occupés à arracher des orties. Il regarda ce tas de plantes déracinées, et déjà desséchées, et dit :
- C'est mort. Cela serait pourtant bon si l'on savait s'en servir. Quand l'ortie est jeune, la feuille est un légume excellent; quand elle vieillit, elle a des filaments et des fibres comme le chanvre et le lin. La toile d'ortie vaut la toile de chanvre. Hachée l'ortie est bonne pour la volaille; broyée, elle est bonne pour les bêtes à cornes. La graine de l'ortie mêlée au fourrage donne du luisant au poil des animaux; la racine mêlée au sel produit une belle couleur jaune. C'est du reste un excellent foin qu'on peut faucher deux fois l'an.
Et que faut-il à l'ortie? Peu de terre, nul soin, nulle culture. Seulement comme la graine tombe à mesure qu'elle mûrit, elle est difficile à récolter. Voilà tout.
Avec quelque peine qu'on prendrait, l'ortie serait utile; on la néglige, elle devient nuisible. Alors on la tue. Que d'hommes ressemblent à l'ortie !
Il ajouta, après un silence :
Mes amis retenez ceci, il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs.

Choisir des variétés locales

Nous évoquions précédemment les haricots tarbais qui se plaisent bien chez nous. Mais il existe aussi des variétés purement limousines, finalement bien méconnues, alors qu’elles sont parfaitement adaptées à notre terroir.

Christophe Gatineau : la rave de Treignac par exemple est une pure merveille. Douce, sucrée, très parfumée, elle est sobre et pousse très bien en Limousin.

Si l’on veut un potager qui nous offre de quoi manger toute l’année, on ne peut pas passer à côté des choux. Les choux se passent parfaitement de lard pour faire une soupe délicieuse qui vous nourrira pendant deux jours. Il faut la laisser mijoter plusieurs heures pour que le chou développe tous ses arômes.
Et il y a justement une variété de chou originaire de la région, le bacalan de Limoges. Louis de funès, grand passionné de jardin le cite même dans “La soupe aux choux”.

En ce qui concerne les pommes-de-terre, préférer les variétés qui n’ont besoin d’aucun traitement. La Zen par exemple est une pomme-de-terre qui résiste parfaitement au mildiou et qui gustativement est comparable à la Belle-de-Fonteney. Elle est assez productive et donne environ 1,5 kg par pied.

Et du côté des céréales ?

Nous disions, tout à l’heure qu’il était important de mélanger légumes, légumineuses et céréales pour trouver suffisamment de protéines, mais quelles céréales peut-on cultiver au potager ?

Christophe Gatineau : le maïs est une céréale qui peut tout à fait être cultivée au jardin. Il est excellent quand on le ramasse jeune avant maturité. Et si l’on doit acheter une céréale ne pas se tourner vers le quinoa, dont on vante toujours la richesse en protéines, le problème c’est qu’il est généralement importé et cultivé avec des conséquences sociales et environnementales néfastes. Préférer l’épeautre, une céréale ancestrale, cultivée en France, qui offre la même richesse en protéines que le quinoa.

Mais encore ?

Christophe Gatineau : tout ce qui est cucurbitacé pousse très bien en Limousin. De la courgette au butternut, en passant par le potiron.

Pour les salades, mon conseil est d'en semer plusieurs variétés, repérer celles qui poussent le mieux et laisser fleurir et grainer quelques pieds pour les semer à nouveau. 

Les blettes sont parfaitement adaptées également.

Et toujours dans l’optique d’engranger des protéines, il faut également miser sur les oléagineux, planter des noisetiers
Ils poussent très vite et sont très productifs. Plutôt que de planter des haies de thuyas, planter des haies de noisetiers. Ou les planter en massif au nord et créer son potager en contrebas. Toujours planter les espèces hautes au nord pour qu’elle ne prive pas de soleil celles qui sont plus petites.


Il ne reste plus à notre agronome cultivateur que de se mettre à l’écriture d’un nouveau livre, cette fois consacré aux recettes de cuisine.

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