La région Nouvelle-Aquitaine se dirige vers la mise en place d’un congé menstruel pour les agents qui en ont besoin, sur justification médicale. Ce congé sera soumis au vote de la Commission permanente lundi 2 octobre. S’il est voté, il sera expérimenté à partir du 1er novembre prochain.
La Nouvelle-Aquitaine pourrait bientôt devenir la première région française à mettre en place, pour les agents qui en ont besoin, un congé menstruel. L’expérimentation sera votée ce lundi 2 octobre en Commission permanente. S’il est voté, à partir du 1er novembre prochain, les agents de la collectivité pourront bénéficier, sur justificatif médical, de deux jours d’autorisation spéciale d’absence par mois, sans jour de carence et donc sans retenue de salaire, contrairement à un arrêt maladie classique. Le salarié n’aura donc pas de perte de salaire.
Sur justification médicale donc, les agents souffrant d’endométriose ou de règles douloureuses et incapacitantes pourront être concernés par ces deux jours de congé sans délais de prévenance et sans jours fixés en avance. "Le certificat médical sera valable sur un an et on s’assurera du secret médical", explique Sandrine Derville, vice-présidente du Conseil régional en charge des finances et de l’administration régionale.
Il n’y aura pas de coûts supplémentaires de cette mesure pour la collectivité. Les femmes qui venaient travailler en état de souffrance étaient sans doute assez peu productives, alors non, il n’y a pas de pertes pour nous, au contraire, c'est un gain en matière de qualité de vie au travail.
Sandrine Derville, vice-présidente du Conseil régional en charge des finances et de l’administration régionale.France 3 Limousin
En ce qui concerne le remplacement de ces agents en congé ? "On parle de deux jours par mois. On ne remplace pas le salarié pour les congés "enfants malades." L’expérimentation nous permettra de voir si les services sont mis en difficulté. On se posera la question à ce moment-là", détaille Sandrine Derville.
Au total, ce sont 3 440 femmes de moins de 54 ans qui travaillent pour la collectivité. Parmi elles, beaucoup d’agents pourraient être concernées, indique la vice-présidente.
En France, selon le ministère de la santé, l’endométriose touche 10% des femmes menstruées et une femme sur deux souffre de règles douloureuses, selon l’IFOP, l’institut français de l’opinion publique.
Ces dysménorrhées, terme médical pour parler des douleurs pendant les règles sont "répétitives, chaque mois, et certaines femmes sont très impactées par ça, explique Alain Riouallon, chirurgien et gynécologue à la clinique des Émailleurs de Limoges. Ces douleurs sont un réel handicap, alors ne pas aller chez le médecin tous les mois pour se mettre en arrêt permettrait d’avoir une vie professionnelle meilleure." Un congé menstruel bien perçu par ce médecin. Selon lui, les douleurs pendant les règles peuvent "avoir un retentissement très important sur la vie professionnelle" des femmes de tous âges.
Leur donner la possibilité de souffler et de s’extraire de ça, c'est intéressant. On a pas mal de femmes dans nos collectivités qui font un travail physique dans les lycées par exemple. Elles portent des charges, elles font la plonge, elles nettoient...
Une agent de la région Nouvelle-AquitaineFrance 3 Limousin
Si elle n’est pas elle-même concernée par ces dysménorrhées, la possibilité d’un congé menstruel pour celles qui en sont victimes, permettra, selon cet agent, de soulager la parole sur ce sujet et de "simplifier la discussion autour de ça."
Où le congé menstruel est-il appliqué ?
Dans la région, une autre collectivité va mettre en place ce congé. Le département de la Gironde dès janvier 2024 pour une expérimentation pérenne. Il deviendra ainsi le premier département français à le mettre en place.
Ailleurs en France, c’est la ville de Saint-Ouen qui est précurseure en la matière. Et après Abbeville et Strasbourg, c’est désormais la métropole de Lyon qui veut l'expérimenter. Il sera lancé le 1er octobre avec également, à la même date, le congé "arrêt naturel de grossesse."
Du côté des entreprises, depuis un an déjà chez Louis Design, une entreprise occitane de conception et fabrication de meubles de bureaux, il est possible de prendre un congé menstruel. Les jours sont posés en congé sans solde par les salariées et sont ensuite re-crédités.
Enfin, depuis le mois d’avril, c’est le groupe Carrefour où travaillent 50 000 femmes qui donne la possibilité à ses salariés atteints d’endométriose de s’absenter 12 jours par an. Carrefour proposera même trois jours d'absence en cas de fausse couche et un jour après une procréation médicalement assistée (PMA). En Limousin, Carrefour est présent à Boisseuil et à Brive.
Une loi pour un congé menstruel ?
Ces initiatives de la part du privé et des collectivités sont prises alors que du côté de l’Etat, pour l’heure, aucune législation particulière n’existe dans le code du travail pour les femmes atteintes de règles douloureuses. "Peut-être que le fait qu’une grande collectivité comme nous s’engage peut faire bouger les lignes, espère Sandrine Derville. Je suis assez fière que l’une des plus grandes régions de France soit la première à prendre ce genre de mesures."
Deux propositions de loi ont été présentées par le groupe socialiste, le 10 mai dernier et par les écologistes, le 26 mai à l’Assemblée nationale. L’objectif étant d’inscrire dans la loi ce congé menstruel qui prendrait la forme d’un arrêt maladie sans jour de carence. "Un médecin généraliste, du travail ou une sage-femme délivre une attestation pour règles incapacitantes", expliquait Sébastien Peytavie, député écologiste de la Dordogne à la rédaction web France 3 Aquitaine. À partir de cette reconnaissance, 13 jours de congés menstruels sont générés et peuvent être posés à la discrétion de la salariée.
Toutefois, cette proposition de loi suscite des craintes, notamment du côté d’associations féministes qui craignent une discrimination à l’embauche. "En créant un arrêt spécifique au congé menstruel, les employeurs vont accroître la discrimination dont les femmes font déjà l'objet aujourd'hui", réagissait le 26 mai dernier sur franceinfo la porte-parole d'Osez le féminisme, Violaine de Filippis-Abate. Elle appellait ainsi à "s'interroger sur la philosophie du délai de carence pour tous, hommes comme femmes."
En réponse, les députés proposent d'inscrire "dans le droit du travail et le code général de la fonction publique que l'état de santé menstruelle et gynécologique ne peut faire l'objet d'aucune discrimination dans la vie professionnelle", et ce, "en matière de recrutement, formation, rémunération ou d'évolution de carrière".
À ce jour, l’Espagne est le seul pays d’Europe à avoir inscrit dans la loi le "congé menstruel" pour les femmes souffrant de règles douloureuses, voté définitivement par les députés le 16 février dernier.
Cette mesure est déjà en vigueur dans d'autres pays du monde, comme le Japon, l'Indonésie ou la Zambie.