Elles ne sont pas concernées par la reprise de ce lundi 11 mai : fermées depuis le 14 mars, les salles obscures le resteront jusqu'à nouvel ordre.
Du multiplex au petit ciné de campagne, la problématique est sensiblement la même pour tout le monde. Aucune date précise de réouverture, et donc des perspectives diluées dans un flou qui n'a rien d'artistique. "Nous sommes dans l'expectative", confirme Bruno Penin, directeur des cinémas Grand Ecran de Limoges. "Nous devrions en savoir plus fin mai ou début juin, quand le gouvernement aura tiré les enseignements de la première partie du déconfinement."
Nous tablons sur une ouverture possible entre le 1er et le 15 juillet, sachant qu'il nous faudra entre trois semaines et un mois de délai pour tout préparer.
D'autant que les exploitants de salles vont devoir entièrement repenser leur accueil du public pour respecter les nouvelles normes de distanciation sociale et autres gestes barrières. Moins de sièges occupés, entrées et sorties séparées, il va de toute façon falloir réécrire le scénario. "Il faut qu'on se réinvente dans beaucoup de domaines, qu'on travaille différemment et qu'on propose de nouvelles choses", poursuit Bruno Penin.
"Mais aujourd'hui le plus important c'est de pouvoir rouvrir dans un délai raisonnable, c'est ça qui est vital. Charge à nous de vaincre ensuite les réticences et les craintes des gens, de faire en sorte qu'ils soient sereins et rassurés par les règles que nous mettrons en place."
Il sera alors bien temps de se pencher sur les films à l'affiche, qui pourraient également causer quelques noeuds au cerveau des programmateurs, tant les sorties prévues au printemps sont repoussées les une après les autres, à l'image du très attendu Kaamelott ou du dernier James Bond. Pour l'instant, seuls deux "blockbusters" sont attendus le 22 juillet, Mulan de Tony Bancroft, et Tenet, de Christopher Nolan.
La filière espère que le cinéma demeure l'un des loisirs préférés des Français, dans le pays européen qui compte le plus de salles et d'entrées par habitant. "À travers les sondages et sur nos réseaux sociaux, où l'on essaye de garder le contact avec le public, on sent une vraie volonté de retourner au cinéma. On est assez optimiste sur cette question-là."
En attendant, les travaux de rénovation du Grand Ecran de Limoges-centre, prévus avant le Covid-19, sont maintenus. Cinq salles vont faire peau neuve, avec notamment de nouveaux fauteuils amenant plus de confort pour les spectateurs.
Sur le front social, le groupe Grand Ecran emploie plus d'une centaine de salariés dans ses dix complexes du Sud-Ouest. "Ne pas licencier fait partie de nos priorités", insiste Bruno Penin. "Pour l'instant on garde tout le monde."
Quant aux Rencontres cinématographiques de Limoges, programmées habituellement mi-octobre, elles ont forcément du plomb dans l'aile. "Là aussi on est dans le flou, les dates de sortie des films bougent sans cesse, on ne pourra pas s'appuyer sur le Festival de Cannes, et pour ce genre de manifestation, ce serait compliqué de ne pouvoir remplir qu'un siège sur deux ou trois."
Pas plus avancés à la campagne
Même constat chez les "petits", qui ne savent pas non plus à quoi s'en tenir. Bruno Laplaud est le directeur et unique employé du cinéma intercomunal Le Colisée, à Châteauneuf-la-Forêt (87), géré par la communauté de communes Briance-Combade (8000 habitants). Pendant le confinement, il a d'ailleurs été réaffecté au service... ordures ménagères ! Ce qui ne l'empêche pas de couver son cinoche d'un oeil attentionné.
"Comme pour beaucoup de monde, nos perspectives sont floues. J'espère pouvoir rouvrir cet été ou en septembre. Chez nous, pas de problématique d'emplois à maintenir, je suis tout seul. Mais nous sommes un vrai service public de proximité, qui doit coûter le moins cher possible à la collectivité."
Au Colisée, l'unique salle compte 190 places, plus trois emplacements pour fauteuils roulants, mais elle est très rarement pleine. "C'est très inhabituel qu'on ait plus de cent spectateurs, quelque part c'est un avantage pour les problèmes de distanciation sociale", explique avec humour Bruno Laplaud. Plusieurs accès permettent d'entrer ou de sortir de la salle, une chance à l'heure actuelle.
Pour la programmation au redémarrage, Bruno n'est pas inquiet, "au besoin, on peut même repasser des classiques, pourquoi pas ?" En revanche, il est plus circonspect sur l'ensemble de la chaîne de distribution. "Il y a beaucoup de prestataires qui entrent en compte pour l'acheminement du film, la publicité, etc... Travailleront-ils normalement ? On en sait rien."
Le réseau des petits cinémas indépendants représente 80% des salles en France, mais pas 80% des entrées, très loin de là. Dans le secteur de Châteauneuf-la-Forêt, on trouve aussi une salle à Eymoutiers, plus marquée Art et Essai, ainsi qu'à Saint-Léonard-de-Noblat, à la clientèle un peu plus urbaine. Quelles seront les formules privilégiées par les spectateurs à la réouverture des salles? Mystère et clap de fin.