Le jeudi 1er août, une boutique particulière a ouvert en centre-ville de Reims (Marne). Elle vend des artefacts et produits culturels liés à l'horreur, au paranormal, ou encore à l'ésotérisme.
On vend peut-être beaucoup de champagne à Reims (Marne), certes, mais point trop n'en faut pas. Et l'on sait aussi se diversifier.
C'est le cas de l'échoppe ouverte le jeudi 1er août 2024 par Philippe Soares. On y trouve... des horreurs. Enfin, pas exactement en tant que terme péjoratif, mais des objets liés au monde de l'horreur, du paranormal, de l'ésotérisme.
Un véritable cabinet de curiosités
On peut aussi le considérer comme un cabinet de curiosités. Le concept est né au temps des rois, nobles, et aristocrates, férus collectionneurs qui voulaient épater la galerie en exhibant leurs trésors. Il s'agit de l'ancêtre de nos musées actuels.
Ces amasseurs compulsifs s'arrachaient fossiles, pierres précieuses, herbiers, vestiges archéologiques, boîtes ornementées, ivoires sculptés, artefacts provenant de tribus reculées, plantes exotiques... Un riche article Wikipédia est dédié à ce concept (voir une visite guidée dans la vidéo Facebook ci-dessous).
Comme dans un cabinet de curiosités, il est donc tout à fait possible - voire encouragé - de juste venir se balader pour jeter un petit coup d'oeil. La porte est d'ailleurs grande ouverte, au sens premier du terme. Mais revenons à notre boutique de l'horreur, pour sa partie commerciale. Son petit nom : The Dark Eyes Shop, que l'on pourrait traduire par la Boutique des yeux sombres.
L'un des maîtres rémois de l'horreur
Le gérant, Philippe Soares, n'est pas un inconnu. On lui doit le Frissons Festival de Reims, le premier salon littéraire horrifique de tout le pays. Rien ne le prédestinait vraiment à embrasser ainsi le monde de l'horreur. Au sujet de sa vie d'avant, il raconte simplement à France 3 Champagne-Ardenne que "depuis 1999, j'étais banquier. Et j'ai craqué en 2021." On peut à peu près parler de burn-out.
"L'idée du festival m'est venue pendant mon arrêt de travail. Et son succès m'a fait prendre conscience qu'il y avait peut-être quelque chose à faire. Je peux avoir un truc à moi, dans un domaine qui me passionne, plutôt que de devoir continuer à aller au travail la boule au ventre. Aujourd'hui, je me sens enfin bien."
Je peux avoir un truc à moi, dans un domaine qui me passionne, plutôt que de devoir continuer à aller au travail la boule au ventre.
Philippe Soares, fondateur du festival du Frissons Festival et de la boutique The Dark Eyes Shop
Dans son "cabinet de curiosités, on peut trouver des choses insolites, anciennes, qui sortent de l'ordinaire... Par exemple, liées au monde animal ou végétal : j'ai des insectes, des mygales... Bien évidemment mortes, hein. Elles sont encadrées. J'ai aussi une mue de python dans un bocal. Des os, des cornes, des crânes..." Il précise qu'il n'a tué aucun animal, et qu'aucun animal n'a été tué dans ce but. Il donne l'exemple des cornes "facilement récupérables dans les abattoirs".
Ses crânes à lui proviennent de son village au Portugal. Il y en a deux (n'allez pas vous imaginer qu'il vit dans un ossuaire ou une catacombe). "Ces vaches sont mortes naturellement dans la montagne. Il n'y a pas d'élevage industriel là-bas. C'est juste de la récupération..." Un peu comme dans une brocante. Vendre des crânes peut étonner, mais au final, ça a été une des premières choses vendues une fois la boutique ouverte...
Un coin librairie
Celle-ci est "ouverte à toutes les bourses", et se trouve au 19 de la rue Hincmair, pas très loin de la cathédrale. Il s'y trouvait jadis une boutique de prêt-porter pour mamans et petites filles. Autant dire que le contenu de la vitrine n'a plus grand-chose à voir avec ce qui s'y trouvait auparavant (voir sur la carte ci-dessous).
Le bail a été signé pour trois ans. Outre ces "choses étonnantes", on trouve des livres. "Ils sont neufs. J'ai une partie librairie. Je travaille avec pas mal d'auteurs." Merci le Frisson Festival. C'est donc l'endroit rêvé pour les amateurs et amatrices du genre littéraire horrifique, comme Emmanuel Cavallo qui avait raconté à France 3 Champagne-Ardenne sa passion du Titanic et du monde de l'horreur.
Ces livres qui font peur viennent de maisons d'édition comme de personnes auto-éditées. Mais plutôt dans le registre confidentiel que grand public. Il ne faudra pas s'attendre à voir le grand-maître de l'horreur, Stephen King, en tête de gondole (sauf sur le petit rayon des livres d'occasion, éventuellement). Si on sait ce qu'on cherche, il aura probablement la référence. Et sinon, "je peux sortir des sentiers battus, proposer des auteurs inconnus..." Prends ça, Amazon.
Sa suggestion du moment pourrait être "une novella de 150 pages, c'est court : Unité 6, de Nils Gillain. Une histoire de possession démoniaque dans un asile psychiatrique." On évitera de lire ça avant de se coucher. Et pour se le procurer, on sait où aller.
Des DVD et des chasseurs de fantôme
Puisqu'on parlait d'antiquités, citons les DVD. Il en a aussi. "Je travaille avec Pulse Vidéo et Artus Film : des distributeurs français généralistes, mais je me concentre sur l'horreur." Et aussi de l'occasion, parfois. "Pour proposer des films moins connus. Je n'ai pas forcément les films des grandes licences comme Paramount, la Warner, ou Universal. Là, c'est du moins commercial : il y a quand même des grosses productions, mais moins connues. Et des contenus plus indépendants."
En France, on n'en manque pas. Par exemple, savez-vous qu'un réalisateur calaisien, Clément Chevalier, propose du contenu (très) indépendant et assez inattendu (pour ne pas dire loufoque, cf ses pigeons radioactifs) ? Mais il fédère quand même un public passionné. Corona Clown, par exemple, qu'on résumera par sa phrase d'accroche : "dans la forêt, personne ne vous entendra tousser"... (voir bande-annonce ci-dessous, âmes sensibles s'abstenir)
Dans un registre un peu plus concret (quoique) que des clowns tueurs à machette, la partie ésotérique ravira les chasseurs de fantômes, très actifs (les chasseurs, pas les fantômes). "On a des EMF, des détecteurs de champs électro-magnétiques, des bougies protectrices, de l'encens..." Et même "des pierres" montées en bracelets et colliers, même si la lithothérapie est critiquée, et que son éventuel effet placebo peut amener à se détourner de la médecine professionnelle, avec parfois des risques.
De manière plus conventionnelle, Philippe Soares vend pour une vingtaine d'euros des T-shirts durables en séries limitées, fabriqués à Toulouse (Haute-Garonne) et dont les impressions sont locales, directement à La Neuvillette, au nord de Reims. Il en a fondé la marque, The Dark Eyes (qui a donné le nom de la boutique).
Le nom est tiré d'un personnage de slasher qu'il a créé. "Un slasher, c'est un genre de film avec un tueur masqué, dont les plus connus sont Scream, Halloween, Vendredi 13." Un court-métrage de douze minutes a même été tourné à Reims - y compris à la célèbre chapelle Foujita - pour mettre à l'honneur ce charmant individu (à voir ci-dessous, âmes sensibles s'abstenir).
Et une version longue est en projet. Bon à savoir... Ainsi, une passion inhabituelle a donné naissance à un lieu mystérieux. Une passion dont l'origine reste difficile à expliquer. "On tombe dedans petit, comme Obélix. C'est comme toutes les passions, l'explication est difficile à donner. Moi, j'étais fasciné par les histoires de fantômes. Les films d'horreur ont suivi. Puis la littérature horrifique beaucoup plus tard." La fantasy (type Seigneur des Anneaux) lui plaît aussi énormément.
Le point commun des gens fans d'horreur comme lui semble être "l'envie de s'évader". Frissonner pour échapper au train-train quotidien et au monde réel... Un coin leur est spécialement réservé dans la boutique. "J'ai mis une table et des chaises pour que les passionnés puissent venir discuter autour de ce qui" les anime, des films au paranormal, en passant par les bouquins. Car les rencontres se font trop souvent "sur les réseaux sociaux", et pas assez en vrai (ici, des boissons fraîches sont proposées et du café aussi). Voici de quoi y remédier...