Coronavirus : quotidien d'un urgentiste à Limoges

Le docteur Dominique Cailloce est responsable du SAMU 87 depuis une quinzaine d'années à Limoges. Avec son équipe et le personnel du CHU, cela fait 4 semaines qu'ils sont sur le pont pour faire face à la vague annoncée de cas graves touchés par le Covid-19. Témoignage...

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Jour et nuit, ils sont une dizaine de médecins urgentistes au SAMU 87, sur le pied de guerre.

Depuis 4 semaines, en plus de leur mission quotidienne, ils préparent, avec tout l'hôpital, l'afflux de malades du coronavirus prévu pour les jours prochains. À la tête du service, le docteur Dominique Cailloce que nous avons contacté ce samedi 21 mars. Impressions...

On attend la vague...

C'est vrai que la fatigue est là. C'est vrai qu'il y a des heures supplémentaires. La pression s'est accélérée il y a 10 jours avec l'explosion du nombre de cas à Mulhouse. Quand on travaille aux Urgences, on est habitué au stress mais Mulhouse a été un tsunami. En Limousin, on attend la vague, petite, grande... On ne sait pas. On a anticipé au maximum pour accueillir des malades en réanimation. 15, 20, 30 cas, personne ne sait mais nous avons eu plusieurs jours pour nous préparer. (Dominique Cailloce, responsable du SAMU 87)
 

Une situation anxiogène

Le Covid-19, c'est un virus nouveau, il n'y a pas de traitement préventif, pas de vaccin. Dans les cas graves, la grippe saisonnière c'est sept jours ventilés en réa, avec le coronavirus c'est le double, voire plus. C'est anxiogène !

 

Disponible H24

J'arrive peu après 8h au SAMU. Un premier briefing avec nos équipes sanitaires. Chaque jour, il faut appliquer de nouvelles procédures car il faut bien coller aux recommandations. Ensuite il y a la régulation, le SMUR, une réunion de cellule de crise au CHU pour coordonner tout le monde.

Pas le temps de rentrer déjeuner à midi, réunions de travail et coordination des équipes s'enchaînent et lorsque Dominique Cailloce n'est pas de garde, il est difficile pour lui de quitter son poste à 18h30

Il y a la transmission, on reste avec les collègues, les médecins, les infirmiers, les ambulanciers, c'est très important.

Que ce soit les praticiens de santé, les ouvriers, les informaticiens, les administratifs... tout le monde ici est dévoué. Il peut y avoir des gens sidérés, en colère mais aussi des personnes qui d'habitude sont plutôt effacées et là se dépassent, se révèlent. Le personnel du CHU est remarquable !

Pourquoi le Limousin est-il moins touché ?

Honnêtement, je n'en sais rien. Il est sûr qu'ici nous n'avons pas eu de rassemblements évangéliques comme à Mulhouse. Et puis, en Limousin, hormis Limoges, Guéret et Brive, l'habitat est rural, ça aide un peu. Notre grande faiblesse, c'est l'âge de notre population. On est, comme La Lombardie en Italie, la région la plus vieille de France. Enfin, les Parisiens sont venus se mettre au vert chez nous, mais il faut bien qu'ils respectent les règles de confinement.

Des témoignages émouvants

Mardi soir, je suis rentré chez moi, j'étais dans mon bureau et j'ai entendu des gens applaudir dans la rue vers 20h. Je n'étais pas au courant qu'ils remerciaient les personnels soignants. C'était très émouvant, très touchant. Mais nous ne sommes pas les seuls. De nombreuses professions font preuve d'un civisme extraordinaire !

Jeudi soir (19 mars), une pizzeria de Limoges a appelé, ils sont venus nous offrir 100 pizzas, on a pu régaler tout le personnel soignant. Idem pour des conserves en verre venant d'un restaurant de la ville.

L'autre jour, une camionnette s'est arrêtée devant les Urgences. C'était un chef d'entreprise qui m'a dit "je ferme la boîte pendant l'épidémie, j'ai des masques FFP2 en rab, ils vous seront plus utiles qu'à moi". D'un côté, on stigmatise les mauvais comportements mais il faut remercier cette solidarité, ça fait chaud au coeur !

Il faut savoir décompresser

Je vais au boulot, je rentre du boulot, j'ai des tonnes de mails en retard mais il faut savoir décompresser. Parfois dans les moments de pause avec les collègues sur des réseaux sociaux. Et heureusement, j'ai ma famille, ma femme, mes enfants. Cet après-midi je suis de repos, je reste à la maison... Tiens, je vais faire du jardinage.

Et après...

Quand la crise sera passée, quels enseignements allons-nous tirer dans tous les domaines ? Dans cette société où tout va très rapidement, j'espère que nous allons changer notre façon d'être.

Tous les jours, je côtoie nos équipes au CHU et je vois que les comportements changent. Le personnel s'entraide. Je suis très fier d'appartenir à l'hôpital public, de voir cette prise de conscience, une fraternité bien palpable...
 

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