Le confinement a des conséquences désastreuses pour les horticulteurs et pépiniéristes. Leurs produits n’étant pas considérés comme de première nécessité, ils ont l'obligation de fermer.
[MISE A JOUR : l'horticultrice a finalement obtenu le droit d'ouvrir ses portes le 27 mars 2020]
En ce 24 mars 2020, Karine Denis est désemparée. Et en colère. Horticultrice à Landouge en Haute-Vienne, avec un salarié, elle risque comme beaucoup de ses confrères de mettre la clé sous la porte d’ici peu, si elle ne peut pas vendre sa production.
On va tout perdre, nos plants, nos semis … C’est toutes nos productions qui vont partir à la poubelle. De mars à mai, les plus gros mois de la saison, je réalise habituellement 80 % de mon chiffre d’affaires, comme beaucoup de mes confrères. Ça va être une hécatombe
C’est le début du printemps, et en ces temps de confinement, ceux qui ont la chance d’avoir un lopin de terre en profitent pour jardiner. Pour acheter plants de fleurs ou de légumes, ils n’ont plus vraiment le choix depuis le 17 mars : direction les grandes et moyennes surfaces qui peuvent encore vendre des produits horticoles, alors que les professionnels ont été, eux, obligés de fermer.
Une concurrence totalement déloyale pour Karine Denis, qui pousse un véritable coup de gueule :
On est en train de faire le beurre de tous ces patrons de supermarchés qui sont en train de s’en mettre plein les fouilles. Sur le dos des petits. Et les gens ne le comprennent pas ça
Je ne comprends pas qu’on laisse les gens faire des achats autres qu’alimentaires dans les supermarchés. Ils se baladent dans les allées, touchent à tout. Et parallèlement, on nous demande de fermer. C’est incompréhensible. On pourrait nous laisser vendre au moins en drive avec toutes les précautions d’usage
Bertrand Dumas, conseiller à la Chambre d’Agriculture du département, veut également alerter sur la situation difficile pour la trentaine d’horticulteurs et pépiniéristes haut-viennois, qui emploient en moyenne 2 salariés chacun.
Sur ce territoire, ils ont comme particularité de vendre surtout à des particuliers. Les empêcher de vendre en direct c’est les condamner. Il faudrait au moins que les grandes surfaces soient solidaires des horticulteurs et acceptent de vendre une partie de leurs produits. Pour l’instant, on en voit plutôt qui font de la vente sous chapiteau sur leur parking pour écouler leurs marchandises, comme le week-end dernier en Creuse
Que les gros tendent la main aux petits. Instaurer une solidarité en matière d’économie locale, qui profiterait à tous. C’est une piste, mais qui repose sur la bonne volonté. Parce que côté loi, les préfectures ne sont pas autorisées à fermer les rayons jardinerie des grandes et moyennes surfaces.
Parallèlement, les chambres d’Agriculture du Limousin ont mis le paquet pour que leurs Drive fermiers, en Haute-Vienne et en Corrèze, puissent commercialiser également des produits horticoles locaux.
Au niveau national, le syndicat horticole demande que les plants potagers puissent passer dans la catégorie des produits de première nécessité.
Selon Karine Denis, rouvrir courant avril pourrait limiter la casse.
Encore une fois, si on ne vend pas en avril et mai ce qu’on a dans les serres, nos exploitations ne tiendront pas. C’est une profession qui est déjà en difficulté, on est déjà avec des emprunts de trésorerie, pour la plupart on ne pourra pas redémarrer avec de nouveaux crédits sans avoir soldé ceux en cours … même en étalant nos charges, les exploitations vont déposer le bilan. Si rien n’est fait, c’est la mort assurée de nos entreprises
Alors que la quantité d’horticulteurs baisse d’année en année, l’horticultrice de Landouge espère donc encore un sursaut tant chez les particuliers qu’au niveau des pouvoirs publics. Pour l’avenir de toute une profession.
J’espère qu’il va y avoir un élan de solidarité pour nos métiers qui sont essentiels, et pour nos petites entreprises locales. On a besoin de ces savoir-faire, savoir semer, savoir bouturer … Sinon après faudra pas se plaindre de ne plus trouver de professionnels, les jeunes vont encore plus se détourner de ces métiers