100 000 masques distribués aux personnes âgées par la Ville de Limoges et Limoges Métropole ne répondent pas aux normes Afnor. Vaut-il mieux éviter de les porter ?
Michèle et Françoise Mariaud ont reçu leur courrier de la Ville de Limoges la semaine dernière. En découvrant le masque distribué gratuitement par la collectivité - un masque 100% polyester avec une seule couche de tissu et un élastique - les deux soeurs ont été passablement surprises :
Que la mairie distribue des masques, nous trouvions que c'était une bonne idée. Mais quand nous l'avons découvert, nous l'avons trouvé très léger, et très fin. Pour l'instant, nous ne l'avons pas porté car nous en avons d'autres. Nous le mettrons peut-être pour une promenade en forêt, lorsqu'on ne croise pas trop de monde, mais pas pour aller au marché !
Pas des masques médicaux
Ces masques ont été commandés conjointement par la Ville de Limoges et l'agglomération Limoges Métropole, qui en ont reçu respectivement 40 000 et 60 000 unités.
C'est une société de Charente-Maritime, Lyspackaging, qui les a conçus. Une société spécialisée dans la fabrication de bouteilles biodégradables...
Guillaume Guérin, premier adjoint au maire de Limoges et vice-président de Limoges Métropole, justifie ce choix.
L'élu assure tout de même que les masques distibués à Limoges et dans plusieurs communes de l'agglomération ont reçu l'agréément de l'Institut français du textile et de l'habillement. Les tests concernant la perméabilité à l'air ont été validés et les résultats transmis à la Direction générale de l'armement.Lorsque nous avons passé la commande début avril, aucune entreprise ne proposait des masques en tissu aux normes Afnor. Nous avons fait un choix politique, celui de pouvoir fournir un masque à chaque habitant au moment du déconfinement. Les collectivités qui commandent les masques aujourd'hui les auront au mieux mi-juin.
D'autres tests concernant la filtration à particules après lavage sont en cours de réalisation.
Il ne s'agit pas de masques médicaux. Ces masques ont pour objectif d'empêcher la projection et la réception de goutelettes pendant un bref déplacement dans la rue, pour aller faire ses courses ou se rendre chez son médecin généraliste. - Guillaume Guérin
Au total, la Ville de Limoges a investi 600 000€ dans différentes commandes de masques grand public. Ceux fournis par l'entreprise charentaise ont été facturés 2,70€ pièce. 130 000 masques plus épais devraient être livrés dans les prochains jours.
"Pas nocifs pour la peau"
Face à la polémique naissante, Limoges Métropole a tenu à se justifier - et s'expliquer - via plusieurs messages sur son compte twitter.
La collectivité reconnait que les masques distribués ne sont pas aux mormes Afnor, mais précise qu' "un dossier d'homologation est en cours" et que "les masques disposent uniquement pour l'instant d'une certification liée à la qualité du tissu utilisé, qui garantit son absence de nocivité pour la peau".
Ouf, ils ne sont donc pas allergènes !...
3/6 Ces masques disposent pour l'instant uniquement d’une certification liée à la qualité du tissu utilisé, qui garantit son absence de nocivité pour la peau.
— Limoges Métropole (@LimMetropole) May 7, 2020
4/6 Cela n’empêche bien évidemment pas leur utilisation, puisque selon le site de l’AFNOR, « tous les masques en tissus contribuent à améliorer la protection des personnes qui respectent les gestes barrières », y compris ceux qui ne disposent pas d’une homologation.
— Limoges Métropole (@LimMetropole) May 7, 2020
Dans le contexte des élections municipales avortées, ce dossier prend une tournure politique. Plusieurs élus de l'opposition reprochent à la majorité municipale une certaine légèreté, à l'instar de Gilbert Bernard, conseiller municipal PCF de Limoges.
Pourquoi ne pas avoir vérifié que la commande passée était aux normes en vigueur ? Cela renforce le caractère anxiogène de cette crise pour les habitants de Limoges, qui se demandent si le masque qu'ils ont reçu est aux normes ou pas, dans la mesure où plusieurs commandes ont été effectuées.
Alors, faut-il le porter ?
Nous avons demandé son avis au Dr Nathalie Pestourie, responsable de l'unité "hygiène hospitalière" au CHU de Limoges.
Habitant Isle, elle a eu entre les mains ce fameux masque.
Elle refuse de rentrer dans la polémique, mais émet de sérieux doutes sur l'efficacité du produit.
C'est un masque monocouche, alors qu'on en conseille habituellement deux ou trois. J'ai fait un test en projetant un peu d'eau sur le masque pour voir si le tissu était déperlant, s'il résiste aux éclaboussures. Ce n'est pas le cas, l'eau pénètre tout de suite et le tissu devient mouillé.
Le médecin affirme tout de même que porter ce masque est mieux que rien, si l'on respecte bien les gestes barrières et en ayant bien conscience que la protection n'est pas optimale.
Comme le préconisent les soeurs Mariaud : à utiliser pour se promener en forêt, mais pas pour aller faire ses courses au marché !
A Paris aussi
La Ville de Paris a aussi été confrontée à une commande de masques qui n'ont pas été jugés satisfaisants. Destinés aux séniors, ils ont été très critiqués par les élus parisiens qui les ont reçus dans les mairies d'arrondissement.
#MasquesParis Anne Hidalgo et son 1er adjoint ont privilégié le faible coût à leur qualité... il va falloir en recommander et une nouvelle fois les parisiens vont payer les inconséquences de la Mairie centrale incapable de fournir des masques... ? https://t.co/f9R27SUcTN
— Geoffroy Boulard (@geoffroyboulard) May 9, 2020
Certains les ont comparés à de l'essuie-tout, en soulignant leur fragilité et et l'aspect peu pratique des trois lanières à attacher derrière la tête pour des personnes âgées.
La Ville de Paris a renoncé à les distribuer et a décidé de livrer en compensation 250 000 masques chirurgicaux à la population...