La moule perlière, située dans les rivières d'eau douce, est un parfait indicateur de la qualité de l'eau. Malheureusement, elle est aujourd'hui en voie critique d'extinction. Plus de 99% des effectifs de l'espèce ont disparu en grande partie à cause des aménagements des cours d'eau et du réchauffement climatique.
Elles ne sont ni reconnues pour leur qualité gustative, ni pour la richesse de leurs perles. Pourtant, comme d'autres espèces, les moules perlières sont aujourd'hui menacées d'extinction. Si bien qu'environ 99% de ses effectifs ont définitivement disparu à mesure que leurs milieux de vie se sont dégradés. En cause : l'aménagement des courants d'eau douce et les effets du dérèglement climatique. Les professionnels alertent sur l'état de cette espèce vivante malmenée qui ne résiste plus que dans une poignée de rivières.
Tous les cinq à dix ans, Cédric Devilléger se retrousse les manches, enfile une paire de bottes et se rend au milieu de la Dronne, petit cours d'eau à cheval entre la Haute-Vienne et la Dordogne. "Je prospecte le fond de la rivière pour observer l'espèce rare qu'est la moule perlière", indique le chargé de mission au parc naturel régional Périgord - Limousin. C'est ici, semble-t-il, dans ce petit cours d'eau encore protégé de l'activité humaine, que les moules perlières sont les plus nombreuses en France. Aujourd'hui, le professionnel semble rassuré : "Elles sont au rendez-vous et plutôt en bonne santé. Il y a même quelques juvéniles pour assurer le renouvellement de la population."
Barrages, étangs, qualité de l'eau... De multiples menaces
Les moules perlières de la Dronne semblent être aujourd'hui une exception, au regard de la situation dans les rivières dans lesquelles est implantée l'espèce, à l'image de celles du Massif central, du Massif armoricain ou du Morvan. "De nombreux cours d'eau disposent d'un passé industriel, avec des barrages qui permettaient de faire tourner les moulins grâce à la puissance hydraulique, explique Cédric Devilléger.
Des installations qui ne servent plus aujourd'hui, mais qui menacent toujours l'espèce aquatique : les barrages accumulent de nombreux sédiments et des quantités de vases importantes.
La moule perlière est très sensible à son milieu. Elle ne supporte pas les taux élevés de nitrate et les températures trop importantes.
Marc PichaudChargé de mission au parc naturel régional Périgord Limousin
Malheureusement pour les moules perlières, la marque de l'homme ne s'arrête pas là. En dehors de ces barrages, les eaux rejetées, les eaux usées et les étangs nuisent aussi au bon développement de l'animal. "Les étangs ont un gros impact sur la qualité et le niveau de l'eau dans les rivières, explique Marc Pichaud, chargé de mission au parc naturel régional Périgord Limousin. Les étangs vont réchauffer l'eau en température et des déséquilibres vont être observés à certains endroits, poursuit Marc Pichaud. Et les moules perlières, comme les huîtres ou les truites, sont très sensibles aux températures."
Espèce fondamentale pour la moule perlière, la truite est aussi menacée par les températures élevées. Elle meurt dans une eau à plus de vingt degrés.
Marc PichaudChargé de mission au parc naturel régional Périgord Limousin
Rien que dans le limousin, il existerait aujourd'hui près de 20 000 étangs. Le résultat d'une politique fondée au tournant des années 1970, qui ne prenait pas en compte ces répercussions sur la biodiversité. "Les étangs ont été construits pour permettre aux machines de circuler dans les endroits humides, raconte Marc Pichaud. Aujourd'hui, beaucoup sont laissés à l'abandon, faute de moyens des propriétaires. Les étangs ne sont plus vidangés et les trous s'envasent et continuent d'altérer la qualité de l'eau."
Effacer, construire, communiquer... Des solutions existent
Face à ces menaces, plusieurs solutions existent. "Dans le cas des étangs, on peut, par exemple, favoriser l’évacuation de l’eau venant du fond, qui est plus froid, raconte Marc Pichaud. Cela permettrait de protéger les milieux aquatiques. On peut aussi penser à faire des vidanges régulières pour renouveler la masse d’eau, vérifier l’état de la digue, l’état d’envasement du plan d’eau et son état sanitaire, liste le chargé de mission. L'autre option, plus radicale, est l'effacement complet des étangs. Un choix validé par de nombreux propriétaires pour ses coûts moins élevés.
On informe les locaux parce que la moule perlière est une richesse du territoire.
Michel GalliotPrésident de France Nature Environnement Limousin
Dans ce qui est devenu une lutte pour sauvegarder les espèces, les défenseurs des moules perlières se mettent en relation avec les propriétaires des étangs ou des terrains aux abords de rivières. "On essaie de discuter avec les riverains pour limiter la pollution, explique Michel Galliot, président de France Nature Environnement Limousin. On se rapproche aussi des agriculteurs pour faire des abreuvoirs, afin que leurs bêtes ne piétinent pas les rivières", indique le président de l'association, chargée d'inventorier l'espèce, mais aussi de prospecter, cartographier et monter des programmes de réhabilitation.
Une espèce indispensable à la biodiversité
Si autant d'acteurs luttent pour la sauvegarde de cette espèce, c'est que la moule perlière est indispensable à la biodiversité. "C’est une espèce emblématique de la bonne qualité de l’eau, explique Michel Galliot. Là où il y a des moules perlières, l'eau est saine."
Véritable indicateur naturel, la moule perlière traduit par sa disparition la mauvaise qualité des cours d'eau français. "Défendre la moule perlière, affirme Michel Galliot, c’est défendre aussi la truite, les rivières, la biodiversité et plus généralement l'humain."