Etat des lieux sévère et cinglant de Robert Savy sur le PS de Haute-Vienne

Dans son dernier ouvrage en forme de réquisitoire intitulé "Le crépuscule des socialistes de Haute-Vienne" l'ancien président de la région Limousin dresse un portrait sans concessions du Parti Socialiste local et de ses dirigeants durant ces dernières années. 
Extraits.

Le Parti socialiste est un astre mort, et la Région Limousin n’existe plus».


Le ton est donné.

Dans ce qu'il annonce comme son ultime ouvrage, Robert Savy ne va pas s'embarrasser d'euphémismes ou de circonvolutions diplomatiques. 
Son âge et son expérience de la chose politique lui confèrent désormais une indépendance d'esprit et une liberté de parole qui ne lui ont d'ailleurs jamais vraiment manqué. 

"La politique n'a jamais été mon métier" explique-t-il. Limousin, socialiste, universitaire, Robert Savy n'est venu que sur la tard à la politique active. Tour à tour député, président du Conseil Régional, membre de cabinets ministériels, de la direction nationale du Parti Socialiste et d'organismes européens, il a aussi dirigé le PS de Haute-Vienne pendant 7 ans.

Du Congrès d'Epinay en 1971 en passant par l'accession au pouvoir de la gauche en 1981 avec François Mitterrand jusqu'au séisme politique de la perte de Limoges en 2014, Robert Savy décrit le Parti Socialiste de l'intérieur.

Sans toujours parvenir à éviter le plaidoyer pro domo, il esquisse un tableau implacable et amer des petites et grandes turpitudes d'un appareil politique local qui passera en quelques années de l'hégémonie au déclin puis à la chute.

« J’ai vécu avec les socialistes de Haute-Vienne le temps où le PS remplissait sa fonction : il a conduit à l’alternance de 1981. J’ai été ensuite le témoin désarmé de son déclin. Le retour sur ces années sont peut être l’occasion d’analyser les dérives auxquelles il doit mettre fin s’il veut retrouver le contact perdu avec la société et jouer de nouveau son rôle dans le débat public »

Et Robert Savy a la dent dure, surtout à l'encontre des dirigeants locaux qui lui ont succédé à la tête des instances locales du Parti.
A commencer par Alain Rodet, avec qui il s'était affronté pour la mairie de Limoges.

une compétition, brève mais rude, entre Alain Rodet et moi. Alain Rodet a gagné. Un quart de siècle plus tard, on peut voir ce qu’il a fait de sa victoire ». 


Manque d'envergure, manque d'influence, c'est l'une des principales accusations que porte Robert Savy, et pas seulement à l'encontre de son vieil ennemi : "ces «grands élus, si puissants en Haute-Vienne, ont beaucoup de mal à se faire entendre ou à s’imposer au niveau de l’Etat ou de l’Europe".

"Comment les parlementaires socialistes de la Haute-Vienne – qui sont des élus de la Nation - ont-ils participé aux débats politiques nationaux, posé les problèmes des territoires qu’ils représentaient, ou influencé le contenu de certaines politiques ?" …  "on chercherait en vain sous leur signature, un rapport d’information sur un sujet important, un travail de rapporteur sur une loi significative, un amendement original auquel une suite aurait été donnée".

"Sur le plan local on a besoin d’élus qui voient loin, anticipent les problèmes, inventent des solutions. Certains ont su le faire. D’autres ont eu du mal à se mettre au niveau de l’enjeu, et la sanction électorale est arrivée".


Le souci d’Alain Rodet de consolider son pouvoir sur son terrain l’a sans doute empêché  d’apercevoir à temps à quel point l’avenir de Limoges se jouait hors des limites communales ».








Mais c'est surtout le fonctionnement interne du Parti Socialiste local et le comportement de ses dirigeants qui incitent Robert Savy à tremper sa plume dans l'acide.

Selon lui, en Haute-Vienne, "la vie politique locale a heureusement échappé aux maladies qui la gangrènent dans d’autres régions comme la corruption.
Elle tend cependant à être confisquée par une « classe politique » de professionnels, coupés des citoyens ordinaires, vivant dans un réseau de clientèles où se pratique un copinage médiocre, parfois au bénéfice des proches d’élus importants qui obtiendront,  plus facilement que d’autres un emploi, une bourse de thèse, une inscription « exceptionnelle » dans une classe préparatoire..."


"Une nouvelle génération d’élus est en train de s’installer" …"elle considère la politique comme une carrière professionnelle comme une autre dans laquelle il importe de progresser. Une classe politique vivant dans un autre univers que celui des citoyens va apparaître". 

Robert Savy décrit comment en Haute-Vienne, l'autoritarisme des dirigeants du Parti Socialiste vis-à-vis des voix internes dissonantes et de ses partenaires de la gauche ont fini par être contre-productifs.

"Les responsables de la Fédération, soucieux de réserver les mandats électifs à des candidats dont ils sont assurés de la fidélité – ou de la soumission – découragent souvent les autres qui quittent le Parti ou, parfois, se présentent contre les candidats officiels.
Ce qui s’est passé dans deux communes importantes de l’agglomération de Limoges, Isle et Panazol, en est l’illustration."


Exemple, avec la communauté d’agglomération "cette majorité de gauche n’a pu être réunie qu’avec le concours des maires dissidents du PS ou divers gauche de l’agglomération"…"C’est la fin du « système Rodet". 
A Limoges "c’est Philippe Reilhac qui préside le groupe socialiste au Conseil Municipal … ce n’est pas vraiment une promesse de renouveau"... " Il ne restera plus que que le Conseil Départemental pour être le vivier des leaders socialistes de demain".


Derrière cet éloignement des électeurs, toujours les mêmes causes  l’usure des équipes, les mauvais choix des candidats, la difficulté de trouver des partenaires à gauche, la persistance des querelles internes… »







Enfin, Robert Savy ne peut s'empêcher de revenir sur un sujet pour lui douloureux : la disparition de la région Limousin qu'il a présidée pendant dix-huit ans : "Cette réforme territoriale n’était ni annoncée, ni attendue…elle a été faite dans la précipitation, sans qu’on en connaisse ni les raisons, ni les objectifs".

Sur cette réforme territoriale "la Fédération socialiste est restée muette ; il n’y a pas eu le moindre débat dans les sections.
Gérard Vandenbroucke, qui présidait à la fois le Conseil Régional et l’agglomération de Limoges, s’est appliqué à faire avec un zèle réjoui le service après-vente de la réforme.
Une attitude révélatrice de l’état actuel du PS en Haute-Vienne : ses responsables sont au garde-à-vous devant le Président de la République et le gouvernement comme ils attendent des élus et des militants qu’ils soient au garde-à-vous devant eux".


Au Conseil Régional « la Haute-Vienne pèse désormais moins de 7% du groupe socialiste … il faudra beaucoup de talent, de travail, d’autorité aux élus régionaux socialistes de Limoges, de la Haute-Vienne et du Limousin pour se faire entendre "








Pourtant, à l'issue de son ouvrage, Robert Savy refuse de céder au pessimisme et appelle de ses voeux une profonde réforme d'un Parti Socialiste qui doit "retrouver le chemin du travail politique". Pour lui, "Il est urgent de rétablir le lien entre le Parti et ses militants et, à travers eux, avec la société".
 

Et de conclure : "la fonction d’un parti politique n’est pas seulement de faire élire ses candidats aux diverses fonctions politiques, de les soutenir les yeux fermés après leur élection, ou de critiquer aveuglément ce que font les partis concurrents.
Il devrait être l’inventeur et le promoteur d’un projet en accord avec les valeurs qu’il porte et les réalités du temps présent".



"Le crépuscule des socialistes de Haute-Vienne - 1971/2016". Robert Savy, Geste éditions
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