La FCO s'étend de jours en jours en Limousin, la région est prise en tenaille entre deux souches de la maladie : les sérotypes 3 au Nord et 8 au Sud. La mortalité est déjà constatée dans les élevages et toute la filière déjà fragilisée s’inquiète. On fait le point en Haute-Vienne, le département qui compte le plus d’élevages ovins viande en France.
Simon Cuillerdier élève 1 400 moutons sur 215 hectares. A la fin de l’été, mauvaise surprise, son troupeau est atteint par la fièvre catarrhale ovine, la FCO. En trois semaines, il perd une dizaine de bêtes.
"Fin août, début septembre, j'ai eu une vingtaine de brebis présentant des symptômes, de la fièvre, les lèvres gonflées, une boiterie. J'ai eu des nuits difficiles, sachant que je ne fais que du mouton, je voyais ces bêtes malades, mortes, les avortements, je ne savais pas trop quoi faire. Je me disais quand est-ce que ça va s'arrêter ?"
La maladie est connue. Considérée avant les années 2000 comme une maladie exotique, elle n'était présente que dans l'hémisphère sud. Mais son vecteur, un moucheron piqueur culicoïde a profité de la hausse des échanges mondiaux pour se faufiler jusqu'en Europe. Via le sud du continent et via le transport maritime arrivant dans les grands ports du nord, notamment aux Pays-Bas. Une première épizootie de la maladie de la langue bleue avait donc touché l'Europe et la France en 2007/2008. À l'époque, deux sérotypes étaient impliqués, le 1 et le 8.
La nouveauté cette année, c’est une nouvelle souche, la FCO 3 qui arrive de Belgique et une nouvelle version de la FCO 8 en provenance du sud depuis le printemps 2023.
Pour le moment, c’est la FCO8 qui fait des ravages en Limousin. Et la progression est rapide. En Haute-Vienne, 160 foyers ont été répertoriés.
"Ça va d'autant plus vite qu'on est dans des conditions favorables sur le vecteur, le fameux moucheron culicoïde qui a besoin de chaleur et d'humidité. La fin d'été et le début d'automne sont donc très favorables à la diffusion de la maladie" explique Nicolas Coudert, président du groupement de défense sanitaire de la Haute-Vienne.
Pour lutter, il faut vacciner. La maladie affecte principalement les ovins avec un taux de mortalité de 10 à 30% mais aussi les bovins, avec un taux de mortalité moindre de l'ordre d'1%. Dans son exploitation, Nicolas Coudert fait d'ailleurs vacciner son troupeau de Limousines.
"On fait une première injection pour les bovins et une deuxième trois semaines après. Une seule injection pour les ovins. C'est sous cutanée ou intra-musculaire selon le vaccin".
Ces vaccins ce sont ceux que l’État prend en charge pour la vaccination contre la FCO 3. Ils ne ralentiront pas sa progression, mais en limiteront les effets. Mais, le gouvernement refuse catégoriquement de faire de même pour la FCO 8.
"Pour l'instant, il n'est pas question de gratuité de vaccin. Le ministère a considéré que c'est une maladie qui était déjà présente sur le territoire et chacun pouvait prendre des dispositions nécessaires pour s'en protéger. Le sérotype 8 est présent de manière récurrente depuis 2017, ce n'est pas nouveau. Ce qui a surpris les uns et les autres, effectivement, c'est que ce sont des virus qui évoluent. Ce sérotype 8 a certainement une nouvelle souche, un sous sérotype, plus virulent et les animaux n'étaient pas immunisés. On avait baissé la garde, on avait arrêté de vacciner" explique Sophie Pellarin de la direction des services vétérinaires de la préfecture.
En 2017, la FCO était de retour. La vaccination et progressivement l'immunité collective avait fini par en limiter les effets. Le nouveau sous sérotype 8 n'engendre donc pas une réponse immunitaire suffisante.
"On s'y est tous pris au dernier moment pour vacciner contre le sérotype 8, mais c'est presque un peu tard. J'ai pas vacciné au printemps, j'aurais dû. Mais personne, pas même mes vétérinaires ne m'ont incité à le faire et c'est vraiment dommage" confirme Simon Cuillerdier. Lui a réussi a trouvé quelques vaccins, mais n'a pu vacciner qu'une partie de son troupeau restée à l'extérieur. Une vaccination qui a un coût. Environ 5 à 6 euro la dose.
Les syndicats dénoncent cette gestion et réclament la gratuité.
"Il s'agit d'un nouveau variant de cette maladie qui fait beaucoup de dégâts qui est plus dangereux que le précédent sérotype 8. On aimerait que la vaccination contre ce nouveau sérotype 8 soit prise en charge de manière identique au sérotype 3" réclame Philippe Babaudou, porte-parole de la Confédération paysanne 87.
La Haute-Vienne est le premier département en ovin viande en France avec 700 élevages et près de 200 000 brebis. La fédération départementale ovine, elle, réclame, si ce n'est la gratuité, du moins une prise en charge partielle de l'Etat.
"Je considère qu'un euro par vaccin, c'est un prix raisonnable. Au delà, les éleveurs n'iront pas" plaide Jean-François Dubaud, président de la fédération ovine départementale.
La mortalité, les avortements, les problèmes de fertilité engendrés par la FCO vont avoir un impact économique très lourd.
"On risque de manquer sérieusement d'agneaux français au printemps. Il y a eu de la mortalité dans les troupeaux, mais surtout ,ce qui nous fait peur, ce sont les problèmes de fertilité. Ces agneaux pas nés, ne seront pas vendus, il en manquera sur le marché français et il va y avoir un trou dans les trésoreries des exploitations".
Le premier ministre Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions. Sera-t-elle suffisante ? Les syndicats dénoncent déjà le recours à un fonds spécial dont le déclenchement est particulièrement long.
La situation évolue rapidement. Le premier cas du sérotype 3 est signalé en ce début de semaine en Corrèze. Pour le moment, 57% du cheptel ovin est vacciné contre la FCO 3 en Haute-Vienne. Sera-ce suffisant pour en limiter l'impact sachant qu'elle finira de toute manière par arriver ?
En attendant, tous attendent impatiemment les premières gelées pour stopper la progression du moucheron qui propage la maladie.