Une sylviculture sans coupe rase et tout aussi rentable, c'est possible, mais il faut changer de méthode. L'association limousine L'Aubraie propose son aide aux propriétaires pour gérer autrement leurs forêts
L'association L'Aubraie est née d'un ras-le-bol, celui de voir se multiplier les coupes rase, de se sentir dépossédé d'une partie de la nature. Elle s'est lancée dans le grand projet de fédérer les acteurs de la filière bois qui veulent conjuguer écologie et économie. Sa ligne est de convaincre plutôt que dénoncer, en expliquant, discutant et accompagnant les propriétaires de parcelles forestières.
Alors que les coupes rases sont la norme dans les forêts du plateau limousin, L'Aubraie propose de changer de modèle. L'association n'invente rien, elle reprend à son compte des pratiques de gestion qui ont fait leurs preuves, comme le système Pro Silva. Le principe est d'exploiter la forêt en conservant un couvert continu. Sur les parcelles gérées de cette manière, les prélèvements de bois interviennent - en moyenne - tous les 7 ans.
Ce samedi 7 mai 2022, à Bujaleuf (Haute-Vienne), L'Aubraie organise les 1eres Rencontres pour une forêt vivante. 30 acteurs de la sylviculture seront présents pour discuter des manières d'exploiter les forêts tout en les préservant.
La pratique du "couvert continu" est moins rentable à court terme car, pour une coupe rase, le propriétaire "récolte" tout son bois en même temps et reçoit donc un montant global. En revanche à moyen terme, une quarantaine d'années, les résultats s'équilibrent et peuvent même dépasser ensuite la gestion par coupe rase/replantation.
Par ailleurs, et c'est évidemment loin d'être négligeable, ce type de gestion forestière génère d'autres avantages écologiques et environnementaux.
La préservation des couverts végétaux maintien et même enrichi la faune et la flore. A l'heure des alertes généralisées sur la perte des espèces végétales et animales, il faut agir, et le maintien des forêts est une des bonnes solutions.
De la même manière, les sols sont préservés, et ce sont eux la base de tout système de production végétale et animale. Dans les forêts limousines plantées de résineux, et gérées en coupes rases, les sols s'acidifient plus rapidement, dégradant leur fertilité, comme l'explique le professeur Marc-André Sélosse, spécialiste des sols, dans son ouvrage "L'origine du monde, une histoire naturelle du sol à l'intention de ceux qui le piétinent".
Les bénéfices d'une gestion repensée des forêts est ainsi un enjeu majeur aujourd'hui. La difficulté est de pouvoir fédérer les multiples propriétaires. Les forêts du limousin sont des forêts privées pour une très large part (95%). Les parcelles sont souvent petites, autour de la moitié des propriétaires ne disposent que de surfaces minimes, de 1 à 4 hectares, et un autre tiers des surfaces comprises entre 4 et 10 hectares.
Or pour gérer une forêt en couvert permanent, il est nécessaire de travailler sur des superficies d'au moins 10 hectares. Il faut que plusieurs propriétaires s'associent dans cette démarche. Préserver des forêts vivantes, en créant réseaux de propriétaires, c'est donc l'ambition de l'association l'Aubraie.