"Je travaille avec la boule au ventre" : paroles de médecins généralistes face au Coronavirus

Ils sont en première ligne face à l'épidémie de Coronavirus. Comment les médecins généralistes vivent-ils cette période particulière ? Comment s'organisent-ils pour éviter toute contamination, et leurs moyens de protection sont-ils suffisants ? Témoignage de plusieurs professionnels en Haute-Vienne.

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Nous, les médecins généralistes, nous sommes les premiers devant le virus. On a l’impression d’être envoyés au front. Personnellement, je vais travailler avec la boule au ventre. Sachant qu’on l’attrapera forcément, on espère juste qu’il n’y aura pas de complications…


Ce médecin généraliste de Limoges préfère garder l’anonymat, mais elle l’avoue : l’épidémie de Coronavirus la stresse beaucoup en tant que professionnelle. Face au virus, elle se sent démunie, et très peu protégée.

Au début de l’épidémie, j’ai utilisé un vieux stock de masques périmés datant de la grippe H1N1. Aujourd’hui, l’Etat nous en fournit mais on n’a le droit qu’à 18 masques par semaine et par professionnel. Sachant que lorsqu’on a des patients symptomatiques, on leur donne un masque de notre stock…


Ce médecin a bien tenté de développer la téléconsultation, comme les y incitent les autorités de santé. Mais elle se heurte à la réalité.

Pour beaucoup de cas, ce n’est pas possible : un vaccin, une otite chez un enfant, une éruption cutanée… On a besoin de voir le patient, de l’examiner. Quant aux personnes âgées, elles ne sont pas équipées en informatique. […] Ce que je trouve odieux, c’est tous ces médecins qui ont fui,  qui ont fermé leur cabinet dès le début de l’épidémie, ou ceux qui refusent de voir les cas infectieux. Si je pouvais me sauver, je le ferais, mais j’ai un minimum de conscience professionnelle…


Activité en chute libre


Tous les médecins généralistes le constatent : depuis le début de l’épidémie et du confinement, leur activité est nettement en baisse. Les patients fuient les salles d’attente pour ne pas risquer d’être contaminés, et ne se déplacent qu’en cas d’extrême nécessité, comme le remarque le Dr Cécile Garoux, médecin à Limoges :

Aujourd’hui, je vois 2 patients ce matin et 5 cet après-midi. Alors que d’habitude, on est à 25 – 30 rendez-vous par jour. Et c’est comme ça depuis deux semaines. Les gens nous demandent s’ils ont vraiment besoin de se déplacer. Et même nous, on a tendance à modifier notre façon de prendre en charge les patients. Pour une infection urinaire par exemple, normalement j’examinerais la patiente, là j’ai fait une ordonnance par téléphone. Ou pour une angine, on évite d’aller gratter trop au fond de la gorge, pour ne pas prendre  de risques.


Son cabinet médical, où exercent quatre professionnels, a été aménagé de façon à limiter tous les risques de contamination : une salle d’attente réservée aux patients symptomatiques, une autre pour les autres pathologies, et une troisième salle pouvant accueillir – si besoin – des cas graves.

Notre secrétaire est derrière une vitre, on désinfecte tout avant et après chaque consultation, on prend vraiment toutes les précautions. […] Pour l’instant, nous avons des masques, mais ils vont manquer si le nombre de patients symptomatiques augmente rapidement, car c’est un masque de moins à chaque consultation…


SOS Médecins sans protections…


Si ce médecin généraliste s’estime relativement bien équipée, ce n’est pas le cas de la plupart des soignants de SOS Médecins, qui multiplient les visites au domicile de patients présentant de vraies suspicions de Covid 19 sans réelle protection.

A la télé, on voit les équipes du Samu, les ambulanciers ou les pompiers extrêmement bien équipés et protégés pour faire une intervention à domicile. Et nous, nous avons juste un masque et des gants… On est un peu oubliés, alors que nous sommes en première ligne. Aujourd’hui, notre stress est plus lié au manque d’équipement qu’au virus lui-même. Ce n’est pas normal. – Dr Fabrice Massoulard, président de SOS Médecins Limoges.

Heureusement, l’association a pu compter sur la solidarité d’entreprises locales et de collègues qui ont fourni récemment un stock de masques, gel hydroalcoolique et blouses de protection. « Une solidarité, qui fait chaud au cœur ».
 

Une « catastrophe sanitaire en puissance »


Selon Jean-Christophe Nogrette, président de MG France (87) – le principal syndicat de médecins généralistes – environ 5000 patients présentant un tableau évocateur du Covid 19 auraient consulté un médecin généraliste en Haute-Vienne ces dernières semaines. C’est bien plus que les chiffres officiels, qui ne prennent en compte que les cas dépistés.
Mais ce qui inquiète surtout ce médecin installé à Feytiat, c’est la désertion des cabinets médicaux, y compris par les personnes atteintes de maladies chroniques :

On a des insuffisants cardiaques, des diabétiques, qui ne viennent plus parce qu’ils ont peur de se rendre dans un cabinet médical. Or ces personnes nécessitent une surveillance, sinon il va y avoir des décompensations brutales qui vont intervenir au pire moment, quand il n’y aura plus de place dans les hôpitaux. C’est une catastrophe sanitaire en puissance, les dommages collatéraux vont être importants si le seul message véhiculé continue à être celui-ci : n’allez chez le médecin qu’en cas d’absolue nécessité.


Des cabinets médicaux « dédiés » au Coronavirus


Pour rassurer les patients et limiter les risques de contamination, certains professionnels ont fait le choix de séparer géographiquement les prises en charge en fonction des pathologies.
A Saint-Léonard-de-Noblat (87), par exemple, quatre cabinets médicaux se sont entendus pour assurer une permanence dans un nouveau centre dédié aux consultations Covid 19.

De cette façon, nos cabinets médicaux restent « sains », explique le Dr France Gayaudou-Friconnet. Toutes les personnes qui présentent un pathologie infectieuse, qui toussent ou se mouchent, sont orientées vers ce centre dédié, où nous disposons d’un matériel spécifique. La salle d’attente de 70 m2 n’accueille pas plus de deux patients en même temps. Et le ménage est fait deux fois par jour.


Ici, comme ailleurs, ce sont les équipements de protection qui font défaut. Et le système D qui est privilégié : l’hôpital de Saint-Léonard a prêté des tenues blanches en coton et des surblouses pour les médecins généralistes. Et les couturières de la commune ont été sollicitées pour renforcer les stocks de masques…
 


 
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