L'édifice emblématique du patrimoine de Limoges, le Cercle Turgot, ouvrait exceptionnellement ses portes au public ce week-end à l'occasion des journées du patrimoine. À l'abandon pendant des années, les Limougeauds ont redécouvert ce lieu empreint d'histoire.
C'est l'un des bâtiments emblématiques de Limoges : le siège, pendant près de 125 ans, du Cercle de l'Union de Turgot. Créé le 3 juillet 1844, place Royale, l'actuelle place de la République, cette association était conçue pour offrir à ses sociétaires, moyennant une cotisation de 75 francs, un lieu privilégié pour se réunir. Porcelainiers, riches industriels, imprimeurs, un cercle d'aristocrates et de la grande bourgeoisie, réservé aux hommes, qui échangeaient sur la marche du monde ou organisaient des spectacles, des conférences et des bals.
Après des années d'abandon et de squat, le bâtiment est aujourd'hui la propriété de Clarence Grodidier. Ce PDG de la société Nessence est un investisseur bordelais en hébergements haut de gamme. Contacté par le service patrimoine et inventaire de la région Nouvelle-Aquitaine, et en partenariat avec le service d'art et d'histoire de la ville de Limoges, Clarence Grodidier a souhaité ouvrir exceptionnellement les portes du sublime édifice lors des Journées du patrimoine, conscient de son importance dans le cœur des Limougeauds.
Somptueux... mais délabré
Il fallait donc patienter pendant de longues files d'attente ce week-end pour découvrir ou revoir l'édifice. Cela a été un succès : les visiteurs étaient stupéfaits devant la beauté du lieu, éblouis par la verrière néoclassique du jardin d'hiver accompagnée par les vitraux restaurés par Francis Chigot dans la seconde moitié du XXᵉ siècle. Pourtant, il est aujourd'hui difficile de se projeter dans cette époque fastueuse. L'étage, inscrit aux monuments historiques, présente un triste état de délabrement après cinq années de squat. L'une des visiteuses le constate : "Je suis déçue de voir le bâtiment dans cet état. Dans les années 90, j'ai participé au tournage d'un film à l'intérieur. C'était somptueux."
"Je l'ai connu dans les années 70, 80, 90, se souvient cet autre visiteur. Je me suis marié ici en 2000. De le voir dans cet état, cela m'attriste énormément. J'espère qu'il va renaître de ses cendres".
L’espoir d’une restauration renaît en 2023, avec le rachat de l’immeuble par le propriétaire actuel. Le travail s’annonce colossal, mais possible.
L'historienne Agnès Brahim-Giry, responsable de la recherche au service de l'inventaire et du patrimoine pour la région Nouvelle-Aquitaine, est agréablement surprise : "il y a encore des choses conservées, notamment les plaques d'émail. Les vitraux sont un peu abîmés, mais tout à fait restaurables. Les lustres à pampilles sont encore là. Malheureusement, il y a des choses qui ont disparu comme la pendule du grand salon ou la plaque de marbre commémorative. Cet immeuble a vécu beaucoup de choses, il a failli disparaître dans un incendie. Mais il n'attend que de revivre."
Les portes du Cercle Turgot sont désormais à nouveau fermées, en attendant son envol vers sa renaissance.