C'est la première cité ouvrière de Limoges, seule en son genre de toute la grande région, elle est d’inspiration anglaise et l’œuvre de Roger Gonthier, l’architecte de la gare des Bénédictins. Partons à la découverte de la cité-jardin de Beaublanc qui fête ses cent ans en 2024.
Elle n’est pas la première cité ouvrière de France, loin de là. On trouve par exemple trace d’une à Mulhouse, dès 1853.
Elle n’est pas contemporaine de l’âge d’or de ces cités, à la fin du XIXe siècle (quand les grands patrons miniers ou industriels, se heurtant alors à des problématiques de recrutement liées au manque de logements, se mirent à en bâtir), puisque le début de sa construction date de 1921.
Elle n’est même pas le premier logement social, ou à destination des populations ouvrières, de Limoges. C’est l’immeuble de l’Étoile, dans le quartier Montjovis, qui revendique le titre depuis 1910.
Mais c’est la toute première réalisation de l’Office Public des Habitations à Bon Marché, créé juste après la Première Guerre mondiale, l’ancêtre de l’actuel Limoges Habitat, et qui était dirigé Victor Thuillat, alors conseiller municipal.
D'inspiration anglaise, construite par le "père" des Bénédictins
Sa construction, de 1921 à 1923, fut confiée à l’architecte Roger Gonthier, à qui l’on doit également à Limoges, et presque à la même époque, le pavillon du Verdurier, la gare des Bénédictins ou encore la cité des Coutures.
Si le concept de cité-jardin, une idée née en Angleterre, en 1898, a fait florès en France, notamment dans le Nord, c’est la seule du grand Sud-Ouest.
À son inauguration, en 1924, elle offrait, en lieu et place d’anciens taudis, 202 logements de deux à quatre pièces, répartis dans une vingtaine de pavillons habillés de pierre de taille, entourés de grandes parcelles enherbées, et disposant d'équipements collectifs, tels des lavoirs et un bain douche.
Il y avait ainsi, au moment de sa construction, de forts principes, tels une maitrise du foncier par les pouvoirs publics et la possibilité de trouver tous les équipements nécessaires à la vie, mais aussi aux sports ou aux loisirs. C’était quelque chose d’assez nouveau.
Aurélien Gendillou guide-conférencier à Destination Limoges, ville d’Art et d’HistoireGuide-conférencier à Destination Limoges, ville d’Art et d’Histoire
C’étaient les premières maisons construites en pierre, chaque logement disposait d’un jardin de 120m². Des logements qui répondent encore aux besoins, aux demandes actuelles. Et ils seront encore là quand beaucoup d’autres constructions plus récentes auront disparu.
Fatima Delalande Responsable des Archives de Limoges HabitatResponsable des Archives de Limoges Habitat
Une vie ordinaire... et particulière
Si elle n’a bien sûr pas connu les débuts, Mireille Ruiz vit là, avec son mari, depuis 45 ans. Elle a connu les changements qu’a vécus la cité, notamment l’arrivée d’un confort plutôt tardif, comme l’installation de salles de bains privatives, seulement au début des années 1980. Il faut dire, chaque réhabilitation doit ici respecter les plans d’origine, et les Bâtiments de France veillent au grain.
"Les Bains-Douches… Ils étaient ouverts tous les samedis. Alors ceux qui voulaient venaient se doucher là. Mais ce n’est pas parce qu’on n’avait pas de douches dans les appartements qu’on n’était pas propre. Je préférais autant me laver chez moi que de venir aux douches. C’était plus propre chez moi."
Quand on lui parle du calme de la cité, Mireille sourit. "Les gens nous disent : 'Ah ! Vous êtes bien ici, c’est calme. C’est vrai que c’est calme.' Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’on entend tout. Partout où on passe, on entend !"
On y entend tellement tout que les habitants y avaient développé des habitudes dignes du silbo gomero, sur l’île de La Gomera !
"Il y avait même un pépé, quand il venait mettre ses poubelles en face, il me sifflait. Je reconnaissais son sifflet, il connaissait le mien. Quand je l’entendais, je lui répondais pareil !"
Plus qu’une vie de quartier, Mireille et son mari ont trouvé là…une vie de famille, où tous ou presque se connaissaient, se fréquentaient.
"On s’asseyait ensemble, dehors, l’été, on discutait, on rigolait…"
Les jardins privatifs ont aujourd’hui disparu, tout comme les sifflets, et la cité-jardin de Beaublanc a quelque peu changé. Mais son idéal de la campagne à la ville, lui, n’a jamais été autant d’actualité.