Manifestation gastronomique unique, Toques et Porcelaine propose un dialogue inédit entre contenant et contenu. Aux côtés de l'invité d'honneur, le chef triplement étoilé Michel Troisgros, deux chefs espagnol et italien. Parce que la porcelaine de Limoges rayonne toujours dans le monde
Limoges, ville créative UNESCO
2017, grande année pour la porcelaine de Limoges. La ville est reconnue par l'UNESCO comme ville créative, une des nombreuses reconnaissances que l'institution a à sa disposition. En bénéficient 246 villes dans le monde dont 6 villes françaises toutes catégories confondues. Limoges est la seule ville française dans la catégorie "arts populaires et artisanat" avec 48 autres villes dans le monde.
Cette reconnaissance impose aux villes participantes de travailler un plan de valorisation sur quatre années. Limoges déposera son "plan de valorisation des arts du feu" dans deux mois. Il est le résultat d'une concertation entre la ville et l'ensemble des acteurs céramique, émail et vitrail du territoire. Cette reconnaissance a en effet été été obtenue certes de par l'histoire de Limoges mais aussi pour son action présente et innovante dans les arts du feu.
Ce plan de valorisation passe par cinq axes. Le premier est la visibilité des arts du feu dans l'espace public, comme ces bancs en porcelaine et céramique place Saint-Michel, avenue Jean Jaurès, devant la mairie ou encore la présence de chaises en céramique boulevard Fleurus associée à une oeuvre de street-art de Jordan Saget. C'est également la promotion des événements comme la biennale Toques et porcelaine les 17, 18 et 19 septembre 2021, le festival street-art d'arts et de feu chaque été depuis deux ans, les rencontres internationales de l'émail avec le syndicat professionnel des émailleurs français et en 2023, l'exposition vitrail Chigot, dont on peut admirer les vitraux notamment à la gare de Limoges.
L'idée est d'associer à chaque événement de ce plan de valorisation des représentants des autres villes créatives UNESCO, par exemple pour Toques et porcelaine cette année, nous recevons un chef espagnol qui vient de Burgos et un chef italien qui vient de Faenza, qui est aussi une ville participant à la route européenne de la céramique, créée en 2011 à Limoges et dont nous avons la vice-présidence actuellement
Ce plan de valorisation impose également de travailler sur un environnement attractif pour les créateurs, en les accompagnant dans leurs projets. La ville doit également valoriser la présence des métiers d'art dans les expositions internationales et à Paris. Dernier axe, les partenariats et collaborations avec les 245 autres villes reconnues par l'UNESCO.
Cette reconnaissance n'a pas été jointe d'une enveloppe financière pour initier toutes ces actions. En revanche, elle porte une dynamique, comme des partenariats entre les universités des 45 autres villes créatives UNESCO de la catégorie. L'école nationale supérieure d'art a ainsi mis en place des échanges entre étudiants, mais aussi entre entreprises. Le pôle européen de la céramique travaille beaucoup avec le Japon. Un jumelage est à l'étude depuis deux ans et devrait aboutir en février prochain avec Jingdezhen en Chine, le berceau mondial du kaolin et autre ville dans la même catégorie, comme Icheon en Corée du Sud, déjà jumelée avec Limoges depuis 2015 et qui était marraine de sa candidature à l'UNESCO.
Une indication géographique qui signe la légitimité de la reconnaissance internationale
Le 1er décembre 2017, l'INPI homologue également l'Indication Géographique (IG) Porcelaine de Limoges. Elle est obtenue pour tous les produits en porcelaine entièrement manufacturés, c'est-à-dire fabriqués et décorés dans la zone géographique de la Haute-Vienne, et respectant le cahier des charges. La Porcelaine de Limoges est un des premiers produits manufacturés français à obtenir ce signe officiel.
Cette IG signe la qualité et d'identification de l'origine auprès des consommateurs et protège les opérateurs contre les usurpations. Elle contribue aussi au développement économique, culturel, touristique et social du territoire. Elle rend plus visible les savoir-faire et les professionnels.
L'association IG Porcelaine de Limoges compte 36 membres opérateurs certifiés pour leur site de production et 20 membres associés.
Un rayonnement international par les productions des manufactures et créateurs
Les manufactures sont les premières à contribuer à ce rayonnement international par leurs créations, leurs innovations, leurs partenariats artistiques, comme Bernardaud avec Jeff Koons, Marc Chagall, Joan Miro...
Même si elle est utilisée depuis des millénaires, la porcelaine recèle des propriétés et des applications inexplorées. Pour les révéler, j’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur ce legs de mes prédécesseurs, cette double richesse qui est la signature de notre maison : le respect des savoir-faire et une recherche de l’innovation faisant fi des conservatismes.
Les arts de la table contribue à cette image du luxe à la française. La porcelaine de Limoges s'expose dans les palaces et lors de grandes manifestations gastronomiques, comme la société Feeling's de Sylvie Coquet lorsqu'elle collabore avec l'un des chefs étoilés qui participe au Bocuse d'Or, une compétition gastronomique internationale.
Mais il y a aussi les collectifs et les créateurs indépendants comme Esprit porcelaine, Non sans raison, Mash design, animal fabuleux... dont le talent artistique est relayé régulièrement dans les médias.
La porcelaine dans la recherche et l'innovation
Le rayonnement international de la porcelaine de Limoges dépasse aujourd'hui les arts de la table. La céramique présente des qualités techniques telles (imperméabilité, résistance électrique, résistance aux attaques chimiques notamment) que la recherche s'y intéresse dans des domaines nombreux et bien différents. Si l'ancienne manufacture porcelainière Legrand est la pionnière dans cette diversification, aujourd'hui on trouve la céramique dans les laboratoires, la dentisterie, la recherche médicale ou pour reconstituer la barrière de corail... De l'apprentissage à la recherche, Limoges offre toute une filière autour de la céramique et la porcelaine : le lycée des métiers, arts et techniques le Mas Jambost, l'ENSA Ecole nationale supérieure d'arts, le pôle européen de la céramique, le CRAFT...
Un peu d'histoire pour comprendre ce rayonnement toujours présent aujourd'hui ...
C'est la fascination pour la porcelaine chinoise, acheminée en Europe par la route des indes orientales et de la soie, qui est à l'origine de la porcelaine de Limoges.
La France cherche à découvrir le savoir-faire de cette porcelaine d'exception. Le premier récit détaillé de la fabrication de la porcelaine en Chine est rapporté par un Jésuite, le Père François-Xavier d’Entrecolles - né à Limoges le 25 février 1665 et mort à Pékin le 2 juillet 1742. Y sont décrites les nombreuses étapes de fabrication de la pâte, des formes, du décor, des fours… mais ce récit ne permet pas de percer complètement le secret de la porcelaine.
Il faut attendre la découverte d'un alchimiste allemand, Johann Friedrich Böttger de Saxe. C'est lui qui trouve la formule pour fabriquer cette céramique dure, fine et translucide, à partir de cette argile naturellement blanche, le kaolin (mot chinois la colline aux terres blanches), mélangée à du quartz et du feldspath pour augmenter sa plasticité, le tout par cuisson à plus de 1200 degrés. En découvrant le gisement de kaolin d'Aue (en Saxe) en 1709, il fonde alors en 1710 la Manufacture royale de Meissen à Meissen.
Cette avancée, qui profite au roi prusse Frédéric II, agace quelque peu Louis XV. La recherche de kaolin en France devient alors une priorité royale. Elle mobilise toutes les autorités du royaume pour trouver l'or blanc. La course à ce précieux mineral aiguise les appétits des puissances européennes. A cette même époque, en 1768, à Saint-Yrieix-la-Perche en Limousin, l'épouse d'un chirurgien donnait à son linge une blancheur éclatante en utilisant la poudre d'une roche blanche. Intrigué, son époux, Jean-Baptiste Darnet, se voit le commercialiser comme lessive. Il confie alors l'analyse à son ami apothicaire à Bordeaux, Marc-Hilaire Villaris, qui va l’identifier comme étant le kaolin nécessaire à la fabrication de cette céramique si particulière et se faire valoir auprès de la manufacture royale de Sèvres. Lire à ce sujet l'ouvrage "Le chirurgien du kaolin - Jean-Baptiste Darnet, l'homme de porcelaine" aux éditions L'Harmattan de Fred Jouhaud.
Le filon connu, les extractions en Limousin débutent à Marcognac et dans les monts d'Ambazac où d'autres gisements sont trouvés. Des essais sont menés à Sèvres et à Limoges. Sèvres produit une porcelaine dure en 1765. A Limoges, connue depuis le 12e siècle en Europe occidentale pour sa maitrise des arts du feu et l'exportation de ses émaux, la toute première manufacture de porcelaine de Limoges est en fait une faïencerie royale, fondée à Limoges en 1736 par Massié. C’est dans cet établissement travaillant la faïence grâce à un agrément royal que l’on commence les essais de fabrication et de cuisson de la porcelaine de Limoges à partir de 1770. Limoges parvient à produire une porcelaine dure en 1771.Toute une filière débute alors avec la naissance des manufactures. En 1774, le comte d'Artois, frère du de Louis XVI et futur Charles X, développe sa manufacture, qui devient manufacture royale en 1784.
Les techniques de fabrication de la porcelaine atteignent leur perfection en Chine au XIIe siècle, en Allemagne au XVIIIe siècle et en France, à Limoges, au XIXe siècle. Les fabriques naissent, meurent, s’achètent, se vendent, se modernisent, déménagent… mais certaines de ces manufactures historiques sont toujours en activité aujourd’hui.